Opinions - 01.12.2011

Administration publique et bonne gouvernance

La modernisation de l'administration publique et la consolidation de la Gouvernance dans les structures publiques en général et dans l’administration publique en particulier constituent actuellement un défi important à notre pays du fait de l'accélération du changement politique et social et de la mondialisation des échanges, de la rareté des ressources et du développement de nouvelles technologies de l'information. Cette orientation s’insère également dans une nouvelle vision du rôle de l'Etat et des relations Etat-citoyen, vision qui devrait amener à revoir les approches et les méthodes dans ce domaine. Les nouvelles stratégies devraient insister désormais sur le développement durable, la décentralisation du pouvoir de prise de décision, de la qualité du service rendu au citoyen, de l'instauration d'une gestion axée sur les résultats et sur la mesure de performances et de l'exploitation optimale des nouvelles technologies de communication. C’est cette orientation qui pourrait répondre d'une manière plus adéquate aux attentes du citoyen et consolide les possibilités de satisfaction de ses besoins et le respect de ses droits.

Dans ce cadre, la gouvernance dans l’Administration publique s’entend de l’exercice de l’autorité, de l’orientation et du contrôle. Elle s’apparente au droit et à l’obligation d’établir les fins et les principes régissant le fonctionnement d’une organisation et d’en structurer la gestion en conséquence. Les fins correspondent à ce que l’organisation cherche à accomplir; les principes représentent le contexte, le système de valeurs à l’intérieur duquel elle exerce son activité.

La philosophie qui devrait nous guider dans la renouvellement de l’Administration est celle d'une Administration participative, transparente, responsable, légaliste, efficace et équitable. Il s'agit de faire de l'Administration une institution démocratisée avec des structures participatives et décentralisées favorisant la circulation de l'information et la privatisation.

Cependant, une réforme de l'Administration de cette envergure ne peut être l'œuvre exclusive des décideurs politiques et des gestionnaires, mais elle devrait être une tâche collective qu'entreprennent les pouvoirs publics, les gestionnaires et également les structures de contrôle où chaque partenaire doit jouer son rôle.

En effet, la bonne gouvernance exige de la prévoyance, des connaissances, de la compréhension, du jugement et beaucoup de confiance. Ceux qui pratiquent une forme éclairée de gouvernance ne recourent guère à une affirmation de leur pouvoir ou à des contrôles rigoureux. Il s’ensuit qu’une saine gouvernance mise beaucoup sur la reddition de comptes.

Idéalement, il faut mettre l’accent sur la reddition de comptes par la gouvernance : l’élite, les parlementaires, les membres des corps administratifs ou législatifs, la haute direction, bref sur tous ceux qui sont bien placés et qui, en raison des liens qu’ils entretiennent avec leurs circonscriptions respectives, comprennent bien les attentes du public.
Qui dit reddition de comptes dit responsabilité. Une responsabilité ne peut être exercée sans l’autorité nécessaire. L’exercice de l’autorité passe par une structure, une procédure — un contrôle — et par des mécanismes d’application judicieusement choisis — les contrôles. Il sera facile de rendre des comptes si l’on dispose d’une philosophie de gestion adéquate, d’une saine perspective à l’égard du contrôle et de contrôles choisis avec soin.

L'un des préalables les plus importants de la gouvernance est la définition claire du rôle de l'Administration, des objectifs et des différentes responsabilités. Il s'agit de définir la vision globale de l'Administration et de ses nouvelles fonctions ainsi que les modes de leur réalisation dans le cadre de la participation, la transparence, la responsabilité, la primauté du droit, l'efficacité et l'équité et en tenant compte des exigences et des caractéristiques de l'environnement actuel.

Il est fondamental que l'Etat fixe les modalités de l'exercice de l'autorité publique économique et administrative dans le cadre de la gestion des affaires d'un pays à tous les niveaux. Il s'agit de déterminer les mécanismes, les processus, les relations et les diverses organisations au moyen desquelles les citoyens et les groupes articulent leurs intérêts, exercent leurs droits et assument leurs obligations. Il s'agit enfin de mettre en place un système permettant d'allouer et de gérer les ressources de façon à résoudre les problèmes collectifs.

L'un des objectifs fondamentaux est l'orientation du gouvernement vers une concertation régulière avec des structures représentatives des usagers en vue d'élaborer une démarche consensuelle de définition des objectifs, d'évaluation des services et de résolution des problèmes. La participation des usagers ne serait efficace que lorsque les usagers et les membres des groupes ont des possibilités suffisantes et égales d'inscrire les questions à l'ordre du jour et d'exprimer leurs préférences quant aux résultats dans le cadre du processus de prise de décisions. Cette démarche nécessite un développement de la société civile qui, bénéficiant de suffisamment d'indépendance, constitue une garantie fondamentale pour la démocratisation effective de la vie publique et le meilleur moyen pour rendre opérationnel les choix stratégiques.

Par ailleurs, le partage de l'information et le comportement ouvert de l'Administration permettent aux parties prenantes d'obtenir des informations qui peuvent être essentielles pour découvrir les cas de fraude et défendre leurs intérêts. Il s'agit en fait de concevoir et de mettre en œuvre des procédures claires aux fins de la prise de décisions et de mécanismes de communication ouverts entre les parties prenantes et les responsables permettant d'avoir accès à un large éventail d'informations.

D'un autre côté, l'Administration devrait garantir à tous les citoyens un traitement égal, ceux-ci étant des sujets de droit protégés contre les caprices des puissants. Elle devrait protéger également les personnes, les biens ainsi que les droits économiques et sanctionner en vertu de la loi. L'instauration et le maintien de la primauté du droit exigent la définition claire des règles et leur publication ainsi que leur application sans discrimination. Il s'agit de garantir un traitement impartial permettant de gérer d'une manière unifiée les cas similaires.

Les structures de contrôle sont traditionnellement gardiens de la légalité. Cependant, la notion de légalité est dans la plupart des cas définie d'une manière restrictive. Elle est entendue comme la conformité des actes de l'Administration aux lois et règlements fixant les règles de la gestion administrative et financière. Cependant, l'étendue du contrôle de légalité des structures de contrôle connaît actuellement une évolution dans le sens de son élargissement vers d'autres aspects de la légalité telle que le respect des droits des personnes et les autres principes adjacents généralement prévus dans la constitution des différents pays et dans les accords internationaux conclus dans ce domaine. De ce fait, la contribution des structures de contrôle dans toute action relevant de ses domaines d'intervention, devrait s'intéresser au respect des normes légales dans tous les domaines de la vie du citoyen.

La rénovation du service public et l'orientation de l'Administration vers la réalisation de performances et la prestation de service de qualité aux usagers, nécessitent des changements profonds dans la mentalité des dirigeants et des gestionnaires et un nouveau profil culturel. Il s'agit notamment de développer une culture organisationnelle par le biais de la communication et de l'information ainsi que par les pratiques de concertation de groupe.
Les structures de contrôle et d’évaluation ont un important rôle à jouer dans ce domaine en sensibilisant les dirigeants et les gestionnaires aux différentes faiblesses de la gestion administrative, en les assistant à concevoir les réformes administratives et en veillant au respect de la légalité des actions de l'Administration au sens large du terme. Les structures de contrôle, de par leur indépendance, leur professionnalisme et leur compétence, doivent œuvrer, en tant que conseiller et partenaire de l'Administration, à la consolidation de la démocratisation de la gestion administrative en attirant l'attention des pouvoirs publics sur toutes faiblesses portant préjudice aux principes démocratiques généralement reconnus et notamment ceux relatifs aux droits de la personne.

Jameleddine KHEMAKHEM
Conseiller à la Cour des Comptes

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2 Commentaires
Les Commentaires
BELFAHEM - 03-12-2011 13:01

Bonjour . Merci professeur pour vos idées mentionnées concernant la modernisation de l'administration publique c'est un souhait bien attendu de tout citoyen reste que le facteur relation -personnel administratif -citoyen est le facteur principal à améliorer et la bonne gouvernance réside non pas sur les décrets mais aussi sur un personnel hautement qualifié,responsable et bien dévoué qui mettra mettra le bien de l'ensemble avant tout autre chose .

Sofiane Sahraoui - 03-12-2011 14:04

Mr Jamal Eddine Khemakhem a fait un tour d'horizon complet du sujet de la bonne gouvernance publique et a bien identifié le reddition de comptes et le système de contrôle entre autres composants clés de toute réforme qui améliorerait la gouvernance de l'administration publique tunisienne. Je pense que beaucoup, surtout avec la floraison du puissant discours de bonne gouvernance, comprennent bien les contours de ce discours et on peut même 'grossièrement' juger que notre administration publique est sujette à une mauvaise gouvernance. Les rapports de la Cour des Comptes pourraient certainement nous éclairer la dessus. Mais outre cette connaissance de l'état de mauvaise gouvernance de notre administration publique et qui est dument documentée, notre familiarité avec les principes et les méthodes de bonne gouvernance, et la volonté politique (qui devrait exister maintenant) d'opter pour une bonne gouvernance, est ce que peut espérer que les choses vont changer dans la bonne direction. Pas nécéssairement parce que on a créé un 'monstre' administratif qui tient en otage tous les rouages de l'État y compris ceux qui veulent créer le changement maintenant. Ce monstre saura s'adapter avec la nouvelle donne politique pour nettoyer un peu sa cour arrière mais la bonne gouvernance aura du mal à s'instaurer parce qu'un système aussi inerte ne saurait accepter un changement radical tel que requis par la bonne gouvernance. Les pays qui sont leaders dans la gouvernance publique (ex. Australie, Canada, Singapour) l'on fait dans le cadre de programmes nationaux d'innovation et de gouvernance électronique. Ce genre de programme a été utilisé comme cheval de Troie pour transformer l'administration publique d'en dehors. Une telle approche surtout celle de gouvernance électronique (qui au-delà du transactionnel a largement échoué en Tunisie) permettrait de repenser l'administration tunisienne dans le cadre d'impératifs de "développement durable, de décentralisation du pouvoir de prise de décision, de la qualité du service rendu au citoyen, de l'instauration d'une gestion axée sur les résultats et sur la mesure de performances et de l'exploitation optimale des nouvelles technologies de communication" comme le mentionne ci bien Mr Khemakhem et ceci sans avoir à affronter le 'monstre' de plein fouet.

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