Hakim Karoui, malgré un vote de confiance favorable, démissionne de la présidence de l'ICI et s'explique sur son rôle en Tunisie
Contesté suite aux notes qu’il avait adressées au président déchu Ben Ali et pour sa mission auprès de M. Mohamed Ghannouchi, durant les premiers jours du gouvernement d’unité nationale, Hakim Karoui, devait affronter les membres du Conseil d’administration de l’Institut des cultures d’Islam (Ville de Paris) dont il est président. Malgré un vote de confiance exprimé vendredi soir en sa faveur (sans unanimité, 7 pour, 3 contre, 3 abstentions), à la demande de Daniel Vaillant, le maire PS du XVIIIe arrondissement, il a préféré remettre sa démission.
Dans une lettre adressée le 3 mars aux administrateurs de l’Institut, Hakim était revenu sur les circonstances de ses interventions en Tunisie, essayant «d'expliquer simplement et sans détours en dehors de jeux politiques qui - le - dépassent» sur son rôle exact. «Dans l’extrême urgence de la situation, écrit-il, j’ai eu le tort de rédiger ces notes et de les signer comme si je m‘adressais non pas à lui (ndlr : Marwane Mabrouk) mais à Ben Ali. Et parce qu’elles ne correspondaient pas à ce qu’entendait habituellement Ben Ali, j’ai utilisé des formules rhétoriques qui peuvent apparaître, hors contexte, choquantes. » Saura-t-il convaincre ?
Ci-après la lettre :
Hakim El Karoui
Paris, le 3 mars 2011
Mesdames et messieurs les membres du Conseil d’administration de l’Institut des cultures d’Islam,
Je me permets de vous écrire parce que je vous dois des explications suite à un certain nombre d’articles de presse mettant en cause mon rôle dans la période révolutionnaire actuelle en Tunisie. Français, né en France, de mère française et de père tunisien, je me sens comme beaucoup concerné par ce qui se passe en Tunisie.
Que les choses soient claires, je n’ai jamais rencontré l’ex-président Ben Ali. Je n’ai jamais été son conseiller.
Depuis toujours et a fortiori dans un contexte de tension extrême et d’inquiétude sur les dérives du pouvoir, j’ai eu l’occasion de faire part de mon indignation et de mon inquiétude à Marwan Mabrouk que j’avais rencontré il y a 2 ans dans un cadre professionnel. Issu d’une famille d’entrepreneurs depuis 50 ans, partenaire de France Telecom, marié à une fille du premier lit de Ben Ali, il m’a demandé dans la dernière semaine du pouvoir de l’ex-Président de lui envoyer par écrit des idées avec l’intention d’essayer de les lui faire passer. L’objectif était d’essayer de faire baisser la violence et d’organiser une transition pacifique vers la démocratie.
Ces notes suggéraient en substance de créer un revenu minimum pour éradiquer la pauvreté, de changer tout le personnel politique, de sanctionner la belle famille corrompue du Président, de dissoudre l’Assemblée. Puis, après qu’il a annoncé l’arrêt de la violence et son départ à la fin de son mandat, de donner une traduction politique immédiate à l’ouverture démocratique annoncée.
Dans l’extrême urgence de la situation, j’ai eu le tort de rédiger ces notes et de les signer comme si je m‘adressais non pas à lui mais à Ben Ali. Et parce qu’elles ne correspondaient pas à ce qu’entendait habituellement Ben Ali, j’ai utilisé des formules rhétoriques qui peuvent apparaître, hors contexte, choquantes.
J’aurais sans doute pu ne rien faire. Vous formerez votre opinion.
J’ai été aussi mis en cause pour avoir donné des conseils au Premier ministre Ghannouchi dans les premiers jours de la transition. Il n’avait plus de collaborateurs, j’avais une expérience professionnelle en cabinet ministériel et il m’a demandé comme à de nombreux autres Tunisiens de la société civile de passer quelques jours à l’aider dans cette transition. J’ai accepté de travailler avec lui pendant 4 jours, à titre bénévole et sans lien avec mes activités professionnelles. Et je suis rentré en France.
J’ai fait ce que j’ai pu pour contribuer É ce que le chaos et la violence ne prennent pas le dessus et pour que la Tunisie puisse inventer son propre chemin vers la démocratie dans la sérénité Je n’étais envoyé par personne, je n’avais pas de projet ou d’ambition personnelle en Tunisie. J’ai essayé de mettre mon expérience au service de la transition vers la démocratie. Je souhaite de tout cœur que la révolution tunisienne réussisse. Il y a là un formidable espoir pour le monde arabe mais aussi une leçon pour ceux qui doutent de la compatibilité entre les pays arabes et la démocratie, entre l’islam et la démocratie. N’est-ce pas le projet du Maire de Paris et de l’ICI que de démontrer cette réalité ?
Voilà la réalité des évènements, loin des amalgames, des théories du complot et des suppositions malveillantes que certains voudraient en tirer et qui ne feront pas avancer la cause de la liberté et de la démocratie qui nous est chère à tous.
Bien cordialement à vous,
- Ecrire un commentaire
- Commenter
Merci et Bravo pour ce que vous avez fait pour la Tunisie. Mr H. Karoui ,Malheureusement nous les Tunisiens en gle, vivants en Tunisie et qui avons déclenché cette mise en cause de votre apport à la révolution, nous ne savons que réagir, agir c'est notre faible car cela demande du courage et de l’honnêteté intellectuelle. Merci à vous.
Merci pour avoir pris les conséquences qui s'iomposaient à vous, suite à cette appréciation que je ne jugerais pas. Chacun a le droit de prendre des choix Mais se doit de les assumer pleinement.
Hakim El Karoui a payé très cher son patriotisme et son courage. Aux premières heures de la révolution, quand l'avenir de la Tunisie ne tenait qu'à un fil, que le gouvernement du pays etait personnifié par un premier ministre décrié, épuisé et maladroit dans les médias, il a répondu présent, à rassemblé des tunisens compétents, intelligents et courageux, ils ont tout laissé tomber pour se mettre à la disposition de leur pays, certains sont devenus les premiers nouveaux hommes politiques de la Tunisie révolutionnaire, rien ne les y préparait, ils ont pris des coups, des dégage!, des insultes, certains sont encore là, d'autres sont partis, aucun n'a payé le prix que paye aujourd'hui Hakim El Karoui. « Une révolution est toujours inaugurée par des naïfs, poursuivie par des intrigants, consommée par des scélérats ».Paul Bourget. L'histoire dira quels intriguants ont envoyé ces notes, qui avait intérêt à l'éloigner? qui voulait détruire ces jeunes Ministres "techno"? Le lynchage et la délation sont le lot de tout lendemain de révolution. Je ne m'y fait pas.
Hakim El Karoui avait pris l’initiative de conseiller« son excellence Ben Ali » dans les toutes dernières heures du régime en lui adressant du 12 au 14 janvier des notes assorties de consignes pour se maintenir au pouvoir en modernisant in extremis son régime. Il mérite d'être jugé pour son soutien à Ben Ali...
Non, il ne m'a pas convaincu. Il a essayé de sauver Ben Ali pour faire plaisir à son ami le gendre de Ben Ali. Il ne l'a pas fait pour la Tunisie sinon il l'aurait fait avec les forces vives du pays qui menait sa révolution. Bref, il est facile aujourd'hui que tout le monde devienne révolutionnaire et patriotique. Même les anciens du RCD veulent nous faire croire qu'ils le sont aujourd'hui, et je ne parles pas ici de H. Karoui.
Je conseille à ceux qui critiquent Hakim EL Karoui , de lire son livre : reinventer l'occident , ils pourront peut être sortir de leur ignorance , et comprendre que des têtes bien faites comme HAKIM EL KAROUI , ça ne court pas les rue en Tunisie .
Tête bien faite ou bien pleine? Quelle que soit ses compétences,chacun de nous doit assumer ses choix.et aider un système dictatorial n'est pas un bon choix . On ne peut pas avoir une tete bien faite et proner le maintien d'un système qui a mis la Tunisie dans un état de délabrement inconcevable qui demandera des années au pays pour se remette sur pied.