News - 09.02.2025

Elyes Ghariani - Elections du 23 février 2025: L’Allemagne entre réformes et populisme

Elyes Ghariani - Elections du 23 février 2025: L’Allemagne entre réformes et populisme

L’Allemagne traverse actuellement une crise politique d’une ampleur sans précédent. La récente motion de censure adoptée par le Bundestag a provoqué la chute du gouvernement de coalition dirigé par le Chancelier Olaf Scholz (SPD), contraignant le pays à organiser des élections législatives anticipées. Ce bouleversement met en lumière des fractures profondes au sein du paysage politique allemand, avec la montée en puissance de l’Alternative für Deutschland (AfD), un parti d’extrême droite qui suscite des inquiétudes non seulement au niveau national, mais également sur la scène internationale.

Une coalition tricolore fragilisée

L’alliance formée en 2021 entre le SPD, les Verts et le FDP semblait porter des espoirs de réformes ambitieuses. Toutefois, des divergences importantes, notamment sur les réformes économiques et budgétaires, ont rapidement fragilisé cette entente. Le limogeage du ministre des Finances, Christian Lindner (FDP), en novembre 2024, a marqué un tournant décisif, scellant ainsi l’effondrement de la coalition et plongeant l’Allemagne dans une période d’incertitude politique profonde.

Les Verts, de leur côté, ont également traversé des turbulences notables. En septembre dernier, leur direction a démissionné à la suite d’une série de défaites électorales. Ces événements ont gravement perturbé le processus de mise en œuvre de réformes essentielles, notamment celles liées à la transition énergétique et à la lutte contre le changement climatique, des enjeux qui figuraient pourtant parmi les priorités affichées de la coalition.

Une crise économique majeure et ses conséquences politiques

L'inflation persistante et la crise énergétique, amplifiées par les répercussions de la guerre en Ukraine, nourrissent un mécontentement grandissant au sein de la population allemande. Les ménages voient leur pouvoir d'achat se réduire, tandis que les entreprises, confrontées à la hausse des coûts énergétiques, peinent à maintenir leur compétitivité. Cette situation devient d’autant plus préoccupante en raison d'une augmentation du chômage et d’une stagnation économique, la croissance prévisionnelle pour 2025 n’étant que de 0,2 %. Des géants industriels tels que Volkswagen annoncent la fermeture de certaines usines, alimentant l'incertitude parmi les travailleurs et leurs familles.

Ce climat de crise nourrit un profond sentiment de frustration à l'égard des partis traditionnels, offrant ainsi à l’AfD une occasion de capter ce mécontentement croissant. Les électeurs, de plus en plus désillusionnés par l’incapacité des dirigeants à résoudre ces crises, pourraient se tourner vers des solutions radicales, ce qui est susceptible de redéfinir le paysage politique allemand lors des prochaines élections.

Une motion de censure aux répercussions majeures

Le 16 décembre 2024, le Bundestag a adopté une motion de censure contre le Chancelier Olaf Scholz, mettant ainsi un terme à son gouvernement. Ce vote, marqué par des tensions internes, a incité le Président fédéral, Frank-Walter Steinmeier, à convoquer des élections anticipées, prévues pour le 23 février 2025. Ces élections s'annoncent décisives, non seulement pour l'orientation politique future de l'Allemagne, mais aussi pour l'influence du pays sur la scène internationale.

Des débats vifs et une polarisation croissante

Les débats ayant précédé la motion de censure ont été particulièrement animés. Un Olaf Scholz visiblement amer a accusé le FDP de saboter la coalition, déclarant: «La politique n'est pas un jeu». De leur côté, la CDU/CSU et l'AfD ont réclamé un changement radical de cap politique, amplifiant ainsi la polarisation au sein du paysage politique allemand.

Sondages préoccupants pour les partis traditionnels

Les derniers sondages effectués en Allemagne dévoilent une dynamique inquiétante. La CDU/CSU reste en tête avec 33 % des intentions de vote, suivie par l'AfD qui progresse à 17 %, tandis que le SPD stagne à 15 %. Les Verts, quant à eux, obtiennent 12 % des voix et tentent de se positionner sur des enjeux environnementaux et sociaux essentiels.Cette montée de l'AfD reflète une fragmentation grandissante du paysage politique, compliquant ainsi la constitution de coalitions stables. Il convient de souligner que, pour l'heure, aucun des partis traditionnels allemands ne semble envisager une coalition avec l'AfD. Néanmoins, cette ascension de l'AfD pourrait exercer une pression considérable au sein du Bundestag, modifiant les rapports de force et impactant les débats politiques futurs. Les analystes craignent que cette évolution n'intensifie les tensions politiques et n'accentue l'instabilité gouvernementale. Dans ce climat de méfiance à l'égard des partis traditionnels, perçus comme déconnectés des préoccupations populaires, le scrutin pourrait redéfinir les alliances politiques et orienter l'avenir du pays.

L’Allemagne à un tournant historique

Les élections législatives anticipées en Allemagne, prévues pour le 23 février 2025, marquent une étape cruciale, dont l’impact pourrait s’étendre bien au-delà des frontières nationales. Ces élections ne se contenteront pas de redéfinir l’avenir politique du pays : elles pourraient également influencer les équilibres géopolitiques en Europe et reconfigurer les relations avec des partenaires stratégiques en Méditerranée. L’ascension de l’Alternative für Deutschland (AfD) en tant que deuxième force politique au Bundestag, même sans participation directe au gouvernement, risque de modifier les priorités de la prochaine coalition, avec des répercussions tangibles sur la coopération avec des pays comme la Tunisie.

De par son engagement constant en faveur du développement et de la stabilité en Afrique du Nord, l’Allemagne a établi des partenariats solides, notamment dans des secteurs cruciaux comme les énergies renouvelables, la formation professionnelle et les infrastructures. Cependant, une politique davantage axée sur les préoccupations internes pourrait compromettre la portée de ces initiatives, réduisant ainsi l’impact des projets bilatéraux dans ces domaines essentiels.

À l’échelle régionale, une Allemagne plus centrée sur ses priorités nationales risquerait également d’affaiblir son rôle de médiateur et de promoteur de stabilité en Méditerranée. Un tel repli pourrait ouvrir la voie à d’autres puissances, moins attachées aux principes européens de coopération et de développement, qui chercheraient à s’imposer. Cette dynamique pourrait accentuer la fragmentation géopolitique en Afrique du Nord, une région déjà marquée par une concurrence croissante entre acteurs internationaux dans des secteurs stratégiques tels que l’énergie et les infrastructures.

Pour la Tunisie, pivot des relations euro-méditerranéennes, les répercussions d’un tel changement seraient considérables. Les projets de coopération, qui accompagnent des réformes structurelles importantes et soutiennent une économie en transition, pourraient être revus ou ralentis. Cela souligne l’importance de préserver un dialogue ouvert et constructif, fondé sur un partenariat équilibré, afin d’éviter tout désengagement ou réorientation susceptible de fragiliser les relations bilatérales.

Le tract, sous forme de billet d'avion, invite les immigrés illégaux à quitter le pays le 23 février prochain, jour des élections législatives en Allemagne

Par ailleurs, une moindre implication allemande pourrait perturber l’axe franco-allemand, moteur historique de l’intégration européenne. Un tel scénario risquerait de compliquer la recherche de compromis nécessaires pour relever des défis communs tels que la transition énergétique, la gestion des flux migratoires ou encore la sécurité régionale, où la coopération reste primordiale. En outre, une reconfiguration des priorités politiques en Allemagne pourrait modifier les perceptions et les orientations en matière de migration, un enjeu particulièrement sensible pour les deux rives de la Méditerranée. Une approche plus restrictive pourrait redéfinir les cadres de discussions bilatérales, rendant nécessaire un dialogue encore plus étroit pour parvenir à des solutions équilibrées et mutuellement avantageuses.

À la veille de ce scrutin décisif, l'Allemagne se trouve face à des choix déterminants qui façonneront non seulement son avenir politique, mais également sa place dans un ordre international en constante évolution. Une démarche équilibrée, alliant la prise en compte des priorités nationales et le maintien d’un engagement actif sur la scène internationale apparaîtrait comme un levier essentiel pour promouvoir la stabilité et consolider la coopération dans l’espace euroméditerranéen.

Elyes Ghariani
Ancien ambassadeur

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