Ridha Bergaoui: Une petite dose quotidienne d’huile d’olive suffit pour vous sauver la vie
La culture de l’olivier en Tunisie remonte à très loin. Le tunisien a été jusqu’à la fin du siècle dernier un grand consommateur d’huile d’olive, utilisée à la fois pour la cuisine, les gâteaux, se soigner et également comme cosmétique pour les soins des cheveux, visage, corps…
Pour le Tunisien, l’huile d’olive revêt une valeur symbolique et sentimentale particulière. Elle fait partie de sa culture et de son patrimoine et bénéficie d’une réputation exceptionnelle pour ses bienfaits sur la santé reconnus depuis longtemps.
A l’approche de la saison de cueillette des olives, le consommateur s’inquiète pour la disponibilité, le prix de l’huile, de plus en plus élevé ces dernières années, et ne cesse de se demander pourquoi l’Etat s’entête à exporter et le priver de cet «or vert» et l’oblige à consommer de l’huile des graines de beaucoup moins bonne qualité.
Une huile noble mais chère
L’huile d’olive est l’huile issue des olives, fruits de l’olivier. C’est un jus de fruit extrait par pression à froid. Les autres huiles de cuisine proviennent de graines de plantes annuelles (tournesol, soja, colza, maïs…). Elles sont produites après raffinage et subissent divers traitements thermiques et chimiques de dégommage, désodorisation, neutralisation, décoloration…
Les bienfaits de l’huile d’olive sur la santé sont connus depuis l’antiquité. L’huile d’olive est l’élément central de la diète méditerranéenne (riche en céréales, fruits et légumes) qui permet d’avoir une bonne santé et de faibles risques des pathologies cardio-vasculaires et d’obésité.
L’huile d’olive est un produit qui revient cher pour les raisons suivantes:
• L’entrée en production de l’olivier est plus ou moins tardive, selon le système de culture et la variété. L’olivier atteint progressivement son potentiel maximal de production entre 10 et 15 ans
• L’olivier ne produit qu'une année sur deux. C'est le phénomène dit d’alternance
• Les principaux travaux se font manuellement: la taille et la récolte, à côté des traitements phytosanitaire et des labours
• Les olives sont fragiles et doivent être traitées rapidement après récolte pour obtenir une huile de qualité.
• La productivité est relativement faible. Le rendement moyen en Tunisie est de 600 kg d’olive/ha, ce qui représente environ 100 kg d’huile alors que le colza peut donner jusqu’à 35 q/ha ce qui correspond à plus de 700 kg d’huile.
Au niveau mondial, l’huile d’olive est victime de son succès, avec une demande de plus en plus croissante face à une offre limitée qui dépend beaucoup des conditions climatiques. Le réchauffement climatique et la sécheresse qui frappent de plein fouet les pays du bassin méditerranéen (Espagne, Italie, Grèce…), principaux fournisseurs d’huile d’olive, ont sévèrement réduit, ces dernières années, l’offre. Le déséquilibre entre l’offre et la demande a entrainé une forte hausse des prix au niveau du consommateur. La demande ne cesse d’augmenter surtout que des pays très peuplés comme la Chine et les Etats-Unis ont introduit l’huile d’olive dans leur alimentation quotidienne. Un prix élevé ne signifie pas des oléiculteurs qui s’enrichissent aux dépens des consommateurs. C’est que généralement les prix sont élevés parce que la récolte est maigre et avec ces années de sécheresse, les recettes ne couvrent pas les dépenses et beaucoup d’agriculteurs se retrouvent en faillite.
Des problèmes de santé
La Tunisie s’est orientée depuis l’indépendance vers un modèle de développement et alimentaire occidental avec de la nourriture industrielle, les repas hors domicile et les «fastfood» à tous les coins de rue où l’on sert de la nourriture trop salée, des frites grasses avec mayonnaise et des sodas à outrance. L’alimentation est déséquilibrée avec excès de gras, de sel, de sucre, d’aliments très énergétiques, de pain et de pâtes alimentaires.
De nos jours, les maladies du système circulatoire, les maladies métaboliques et les cancers dominent à la fois la morbidité et la mortalité. L’obésité et le surpoids frappent près de 60 % de la population, près de la moitié de la population souffre d’hypercholestérolémie ou d’hypertriglycéridémie et 30% souffrent d’hypertension artérielle. Ces pathologies sont fortement corrélées avec les mauvaises habitudes alimentaires et les comportements à risque comme le tabagisme et l’alcool, la sédentarité et le manque d’exercice physique et une hygiène de vie défaillante…
Ces maladies représentent un coût très élevé pour la collectivité. A côté des pertes de vies humaines, des handicaps divers et des complications, elles occasionnent des pertes économiques importantes en hospitalisation, soins et médicaments alors que notre système de santé est déjà essoufflé et peine à assurer le service minimal.
L’huile d’olive extra-vierge, un médicament efficace
Il semble que les Espagnols de même que les Italiens (les plus gros consommateurs de l’huile d’olive) ont la meilleure santé du monde et qu’ils vivent longtemps en raison essentiellement de leur régime alimentaire dit Crétois ou méditerranéen qui s’appuie sur l’huile d’olive.
Des études très sérieuses ont montré que la consommation d'une cuillerée à soupe et demie (20 à 30 g) d'huile d'olive extra vierge ou biologique est un outil efficace pour la prévention des maladies cardiovasculaires et d'accidents vasculaires cérébraux, première cause de mortalité prématurée. Le risque serait deux fois moins élevé chez les consommateurs d’huile d’olive. En cuisine, la substitution d'environ 10 g des diverses graisses (margarine, beurre ou mayonnaise) avec une quantité équivalente d'huile d'olive est associée à un risque moindre de mortalité prématurée par maladie cardiovasculaire, cancer, maladies neurodégénératives et respiratoires. Beaucoup de patients pourraient se passer de médicaments contre l’hypertension rien qu’en consommant régulièrement de petites quantités d’huile d’olive extra vierge.
La richesse de l’huile d’olive en acides gras mono-insaturés, en particulier l’acide oléique, lui procure un avantage santé incontestable. Les composés phénoliques (comme les polyphénols) présents en proportion élevée dans l'huile d'olive vierge extra sont responsables de ses bienfaits santé. Ils ont des propriétés antioxydantes, protègent les cellules du corps des molécules dangereuses et possèdent des propriétés antimicrobiennes importantes. L’huile d’olive a également un pouvoir hypoglycémiant et réduirait les dégâts faits aux cellules du pancréas qui produit l’insuline.
L’huile d’olive importante source de devises
Depuis les années 1980, et dans le cadre de la mondialisation, l’Etat Tunisien a orienté la production agricole surtout vers les marchés d’exportation plutôt que vers les marchés intérieurs et l’autoconsommation. C’est le cas des dattes, des primeurs, les maltaises, le blé dur et également l’huile d’olive. Les décideurs ont ainsi poussé le consommateur à réduire sa consommation d’huile d’olive et la substituer par l’huile de soja importée, beaucoup moins chère. De nos jours, la plus grande partie de la production est exportée et la Tunisie est un grand pays exportateur d’huile d’olive. La consommation locale est devenue minime alors que l’importation des huiles des graines végétales ne cesse d’augmenter.
Selon l’Observatoire national de l’agriculture, du premier novembre 2023 et le 31 aout 2024, les recettes d’exportation d’huile d’olive ont atteint 4,8 milliards de dinars suite à l’exportation de 181 000 tonnes. Ce qui a permis d’avoir une balance commerciale alimentaire excédentaire.
Par ailleurs, avec la hausse du prix de l’huile d’olive, l’inflation galopante et la détérioration rapide du pouvoir d’achat, le consommateur tunisien est obligé de se rabattre sur les huiles de graines pour sa cuisine ou les fritures.
Dans un soucis de souveraineté alimentaire, beaucoup se demandent s’il ne serait pas judicieux d’encourager la consommation locale de l’huile d’olive, aux dépens des huiles importées, ce qui permettrait de réduire nos importations et de bénéficier des avantages nutritionnels et diététiques de l’huile d’olive. Le Tunisien éprouve un certain sentiment d’injustice et de frustration du fait qu’il soit privé de la consommation d’un produit local dont tout le monde connait les bienfaits. La question est donc de savoir s’il faut priver les caisses de l’Etat d’une véritable mine de devises ou priver le citoyen d’un aliment diététique, plein de bienfaits pour la santé.
Concilier économie et santé
Le cours de l’huile d’olive sur le marché mondial varie en fonction de l’offre et de la demande. L’offre dépend beaucoup des conditions climatiques et particulièrement de la pluviométrie dans les pays producteurs. Pour l’année 2024-25, il semble que la récolte soit prometteuse surtout en Espagne et en Italie. De ce fait les prix de l »huile d’olive vont connaitre probablement une chute sensible qui s’est déjà amorcée dans certains pays Européens. La production nationale semble également satisfaisante surtout suite aux dernières pluies. Les prix seront certainement moins élevés que l’année dernière et l’huile d’olive sera plus accessible.
Il est vrai que les pays producteurs (Espagne, Italie, Grèce…) privilégient généralement le marché intérieur. Le Maroc a interdit pour cette année l’exportation d’huile d’olive et va être obligé d’en importer pour satisfaire la demande de ces citoyens habitués à ne consommer que l’huile d’olive. Dans le cas de la Tunisie, renoncer à l’exportation de l’huile d’olive pour la réserver au marché intérieur, semble impossible d’une part vu les difficultés économiques internes et l’important apport en devises, nécessaires pour équilibrer notre balance commerciale alimentaire et payer les céréales qu’on doit importer en de plus en plus grandes quantités. D’autre part, le prix de revient de l’huile d’olive est de nature élevé, pour les raisons présentées plus haut, il ne sera pas forcément accessible à tous et il y aura beaucoup d’excédent.
Par ailleurs, le surpoids et l’obésité, de plus en plus fréquents dans notre société, favorisent des pathologies graves et mortelles comme le diabète, les maladies cardio-vasculaires et les cancers. La mauvaise alimentation et le manque d’exercice sont en partie responsables. Il est indispensable de développer chez nos concitoyens l’éducation nutritionnelle, d’encourager l’arrêt du tabac et de l’alcool, l’exercice physique, l’adoption d’une vie saine et l’abandon des comportements à risque.
L’huile d’olive peut également aider à prévenir ces pathologies en consommant à peine une cuillerée à soupe par jour. Maintenir la tradition d’une consommation minimale est importante pour la santé. Dans chaque foyer, dans les restaurants collectifs et privés et partout, il serait intéressant de mettre à disposition une petite bouteille d’huile d’olive extra-vierge pour que le consommateur s’en serve pour assaisonner une salade, ou un plat ou même en boire une ou deux cuillerées. Il serait également intéressant que les parents sensibilisent leurs enfants aux bienfaits de l’huile d’olive, les incitent et les encouragent à en consommer et en boire tous les matins avant d’aller à l’école une cuillerée pour habituer les jeunes et les générations futures au gout parfumé de l’huile et faire le plein de polyphénols, de vitamines et de santé. A la maison, mettre une assiette sur la table, avec de l’huile d’olive et du miel, si possible, et avec du pain en prendre quelques bouchées avant d’aller au travail, sera une bonne habitude qui vous épargnera plus tard beaucoup d’ennuis de santé.
De telles pratiques très bénéfiques sont à la portée de tous, faciles et pas chères du tout. Elles justifient s’il le faut un petit effort car rien n’est jamais plus précieux que la santé.
Ridha Bergaoui
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Bravo Mr Bargaoui