News - 19.05.2024

L’abricotier: Des fruits succulents et un potentiel important

L’abricotier: Des fruits succulents et un potentiel important

Par Ridha Bergaoui - La Tunisie est le pays des fruits variés et abondants. Chaque saison se distingue par ses fruits aussi délicieux et savoureux les uns que les autres. Après l’abondance des agrumes tout l’hiver avec les oranges, les Maltaises, les Navels, les mandarines… viennent les fraises, les nèfles, les pêches et les abricots.  Ces derniers commencent à pointer le bout de leur nez dès fin avril pour envahir les étals des fruitiers durant les mois de mai et juin, et même juillet.

es abricots me rappellent mon enfance. En ces temps un peu lointains, nos jeux d’enfance étaient fort simples et innocents. Il n’y avait ni les consoles de jeux, ni les jeux électroniques, ni les smartphones ou autres. Durant la saison des abricots, après avoir mangé les fruits, on gardait les noyaux qu’on utilisait pour jouer avec les copains. On alignait une dizaine de noyaux et on se plaçait quelques mètres plus loin. Les joueurs devaient, à tour de rôle, lancer un noyau sur la file. Celui qui arrive à faire sortir un des noyaux de la file empoche tous les noyaux qui se trouvent derrière. L’objectif du jeu étant de gagner le maximum de noyaux. Le gagnant partait heureux riche avec son trésor constitué de noyaux d’abricot dans la poche.

L’abricot

L’abricotier dont le nom scientifique est Prunus armeniaca est originaire de Chine. Il a connu un grand développement en Arménie (d’où son nom prune d'Arménie). Le nom d’abricotier provient du terme arabe «» qui signifie plutôt prune et non abricot. Abricotier et prunier appartiennent à la même famille des « Rosaceae ».  Il arriva ensuite au Proche-Orient, en Europe et le reste des pays méditerranéens.

L’abricot est petit mais élégant et beau. On disait, à propos d’une fille, «belle et fraîche comme un abricot». C'est un fruit savoureux, gorgé de soleil qui fait plaisir à tous et régale nos papilles avec ses goûts et saveurs agréables et bienfaisants. La peau est veloutée, parfois tachetée de rouge, on dirait des taches de rousseur. La chair est blanche à jaune orange qui rappelle un beau soleil. C’est un fruit moelleux, la chair est tendre mais ferme, sucrée et parfumée.

Le fruit est climactérique et mûrit après sa récolte comme la banane. Il est fragile et délicat, il se détériore rapidement après récolte.L’abricot peut être utilisé de différentes façons. En frais, c’est un excellent dessert fort savoureux et délicieux. On peut l’utiliser pour faire de la confiture, une compote, du jus... Il est souvent mis en conserve au naturel ou au sirop, soit entier, soit en moitié. On l’utilise en pâtisserie dans différents gâteaux délicieux et tartes.

C’est un fruit fragile qui n’est disponible que durant les mois de mai et juin. Le séchage de la pulpe, après dénoyautage du fruit, permet de le conserver beaucoup plus longtemps pour l’utiliser durant toute l’année.

En cuisine, on l’utilise pour préparer différents plats et ragouts. La région de Kasserine est réputée pour la préparation du couscous aux abricots séchés au soleil.
Le noyau abrite une amande dont on peut extraire l’huile utilisée aussi bien en alimentaire qu’en cosmétique. Cette huile nourrit, adoucit et assouplit le corps, les cheveux et le visage.L’abricot présente de nombreux avantages nutritionnels. C’est un fruit plein de carotènes (provitamines A et C) qui lui donnent sa couleur jaune-rouge. Il est riche en minéraux, surtout le potassium. Il est également peu calorique, riche en fibres alimentaires et contient beaucoup d’antioxydants très bénéfiques pour la santé. On peut en manger tant qu’on veut sans se soucier de sa forme, tout en se faisant du bien et en se régalant. 

Les plantations et la production

La production mondiale d’abricots est d’environ 4 millions de tonnes/an provenant d’environ 500 000 ha. La Turquie est le plus grand pays producteur avec
840 000 t destinées essentiellement au séchage. L’Union européenne fait environ 520 000 t avec l’Italie 210 000 t et la France 167 000 t. L’Allemagne et l’Italie sont parmi les plus grands pays importateurs.

Au niveau national, la culture de l’abricotier est très ancienne et existe presque partout sur tout le territoire tunisien avec différentes variétés adaptées à chaque région. Carraut rapporte, lors d’une journée d’information sur l’abricotier organisée à Kairouan le 11 juin 1975, que l’abricotier occupait une superficie de 18 000 ha dont 40% se trouvaient dans le Nord. Les deux variétés les plus importantes étant Amor Leuch et Canino. La production annuelle était de 20 000 t dont 3 500 t exportées. Beaucoup de plantations de la variété industrielle Canino ont été arrachées en raison du faible cours de l’abricot de conserve. Ces plantations n’ont pas été remplacées alors que les exportations se heurtaient au problème de contingentement. Il était question de réaliser de nouvelles plantations et d’améliorer le rendement trop faible. Les difficultés de cueillette, la fragilité du fruit, la durée relativement courte de la saison de production et les difficultés de commercialisation ont été soulignées comme difficultés qui ont probablement contraint les agriculteurs à abandonner la plantation de l’abricotier. Celui-ci connait actuellement un regain d’intérêt grâce aux nouvelles variétés précoces et plus productives et des prix à la vente rémunérateurs.De nos jours, l’abricotier occupe une superficie de près de 8 000ha. La production nationale d’abricots dépend des années et se situe à environ 30 000 tonnes. L’abricotier craint l’humidité et préfère le climat chaud. Il nécessite également un repos hivernal avec des températures inférieures à 7°C durant 300 à 450 heures cumulées selon les variétés.

Les régions de Kairouan, Kasserine et Sfax conviennent parfaitement à l’abricotier et représentent les principales zones de production. Kairouan représente à elle seule 45% de la production nationale d’abricots. La région de Hajeb Laayoun (gouvernorat de Kairouan) est un pôle important de culture et de production. Elle représente près de 15% de la production nationale et le tiers de la production régionale. Un festival dédié à l’abricot y est organisé depuis l’année dernière au courant du mois de mai.

Environ la moitié de la production d’abricots est consommée en tant que fruit frais vendu au niveau des marchés locaux. 40% de la récolte est vendue aux usines de transformation et 10% exportée vers les pays voisins comme la Libye et l’Algérie ou la France, l’Allemagne et l’Italie ainsi que les pays du Golfe. L’avantage des abricots tunisiens, à part la qualité et la saveur, c’est la précocité, alors que le fruit européen est beaucoup plus tardif.Quoique les variétés les plus cultivées soient les anciennes (Omar Leuch, Chechi, Baccour, Fourati, Ouardi, Sayeb et Canino), de nombreuses autres obtentions de l’Institut national des recherches agronomiques de Tunisie existent également comme Asli, Raki, Ouafer, Meziane, Fakher, Atef. De nouvelles variétés étrangères, surtout françaises, sont également disponibles chez les pépiniéristes. Il faut toutefois acheter les plants auprès d’un pépiniériste agréé et se renseigner sur l’adaptation de la variété au climat de la région. A côté du rendement, la précocité est recherchée tant pour le marché local que pour l’exportation.

Difficultés

La réussite de la plantation d’abricotiers et l’obtention de bons rendements débutent avec le bon choix d’une variété performante, jouissant d’une bonne fertilité, adaptée à la région et dont les fruits répondent aux besoins du consommateur ou de l’utilisateur final. Il faut également tenir compte de la qualité et de la nature du sol et des possibilités d’irrigation.

Le secteur des abricots connaît de nombreuses difficultés, dont certaines ont été signalées précédemment, s’agissant de la fragilité du fruit avec les difficultés de la récolte (il ne faut récolter que les fruits mûrs et un à un), le manque de main-d’œuvre spécialisée, la durée très limitée de l’étalement de la production qui arrive en masse et la nécessité de l’écouler le plus rapidement possible pour éviter la dégradation et la détérioration de la récolte.

Des difficultés techniques existent également en rapport avec un manque de formation et d’encadrement des agriculteurs dans le domaine de la conduite des plantations comme la taille et l’éclaircissage (qui consiste à éliminer à la main un certain nombre de fruits pour réduire la charge de l’arbre et obtenir des fruits de bonne taille). La maîtrise de l’irrigation (dose et période d’irrigation), l’apport de fumure et le travail du sol sont également des conditions importantes de réussite pour l’obtention de rendements satisfaisants.

L’âge avancé des plantations (les abricotiers peuvent vivre plus de 50 ans, mais il est conseillé de renouveler les plantations tous les 8 à 10 ans pour profiter des nouvelles variétés plus performantes tout en tenant compte des nouvelles exigences du consommateur), le manque d’organisation des agriculteurs et l’absence de structures d’entraide (pour l’achat des intrants, la mécanisation et la commercialisation…) représentent des freins au développement de cette production.

L’absence ou l’éloignement d’usines de transformation et le manque de moyens de transport obligent les agriculteurs à céder leurs productions aux intermédiaires à des prix parfois dérisoires.

Perspectives

L’abricot est un fruit très apprécié aussi bien pour la consommation en frais que pour la transformation. Il est très demandé au niveau national et international (pour l’exportation) aussi bien pour les pays de l’Union européenne que par les pays voisins et ceux du Golfe. C’est une production génératrice d’emplois qui utilise beaucoup de main-d’œuvre ordinaire, surtout au moment de la récolte (cueillette, tri et calibrage) et du conditionnement, et de main d’œuvre spécialisée (taille, éclaircissage…). Le fruit peut être valorisé de multiples façons par séchage ou par élaboration de nombreux produits comme la confiture, le sirop… et génère une plus-value importante.

Avec son climat chaud et sec, la Tunisie présente des conditions favorables à la culture des abricotiers. Ces derniers nécessitent relativement beaucoup moins d’eau que d’autres arbres fruitiers. Les rendements actuels sont très faibles et tournent autour de 3 à 4 tonnes/ha. La moyenne mondiale est de 8 t/ha avec des pointes de 25-30 t/ha. Une très grande marge d’amélioration est donc possible moyennant une meilleure maîtrise de la conduite technique de la plantation. Celle-ci nécessite une intensification de la vulgarisation, l’encadrement des agriculteurs, la sensibilisation et la formation. Une meilleure organisation des agriculteurs est nécessaire pour assurer une bonne commercialisation et valorisation de la récolte. De nos jours, le consommateur est de plus en plus cultivé et accorde de l’importance non seulement au prix et à la qualité mais également aux aspects environnement, utilisation des pesticides et équité sociale.

L’abricot est un fruit important pour le consommateur pour ses multiples avantages et bienfaits, également pour le prix généralement abordable. Malheureusement, il est considéré actuellement comme un fruit secondaire, de faible importance. Il est important de le soutenir et de le développer du fait du potentiel de valorisation et de l’impact socioéconomique important qu’il représente.

Ridha Bergaoui


 

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