News - 22.06.2023

Dr Rached Bayar: Transplantation hépatique, la vitesse de croisière

Dr Rached Bayar: Transplantation hépatique, la vitesse de croisière

Pionnière et unique dans le domaine de la transplantation hépatique, l’équipe du Pr Hafedh Mestiri, à l’hôpital Mongi-Slim à La Marsa, enchaîne les réussites depuis des années. Rien que durant l’année écoulée, 11 opérations ont été effectuées. De nouvelles transplantations sont pratiquées cette année. «Le plus significatif, nous confie le Pr Mestiri, c’est que la relève est bien assurée par de jeunes confrères qui s’y dédie avec compétence et dévouement.»

Dr Rached Bayar, membre de l’équipe, fait effectivement partie de cette génération de relève. Professeur en chirurgie générale à la faculté de médecine de Tunis, il est chirurgien au service de chirurgie viscérale et hépatobiliaire de l’hôpital Mongi-Slim La Marsa, secrétaire général adjoint de l’Association tunisienne de chirurgie, membre du collège national de chirurgie et membre du conseil scientifique du Cnpto.

Comment se pratique la transplantation hépatique ? Pourquoi a-t-il choisi cette spécialité? Et pourquoi renonce-t-il à partir pour l’étranger et qui plus est exercer au sein de la santé publique?
Interview

Pouvez-vous nous parler des débuts de la greffe hépatique à l’hôpital Mongi-Slim?

L’activité de la greffe hépatique a commencé à l’hôpital Mongi-Slim (La Marsa) au début de l’année 2000. Depuis, presque une centaine de cas de transplantation hépatique (TH) ont été réalisés. Au début, elle était relativement irrégulière, du fait de la pénurie de greffons provenant des donneurs en état de mort encéphalique, mais aussi des problèmes logistiques. Et pourtant, l’hôpital public était à son apogée.

Au fil des années, cette activité ainsi que les équipes soignantes ont gagné en maturité, faisant gagner aux malades non seulement un nouvel espoir mais aussi de nouvelles vies. Dans notre jargon, on dit ‘’on survit avant la greffe et qu’on vit après la greffe’‘.

Actuellement, et depuis la fin de la pandémie de Covid, la TH a atteint sa vitesse de croisière, faisant profiter ainsi un maximum de patients. Cette tendance sera certainement boostée par la reprise de la greffe hépatique à partir des donneurs vivants.

Pourquoi avez-vous opté pour cette spécialité?

D’abord, la chirurgie viscérale est une très belle spécialité qui se fait naturellement désirer par les jeunes médecins ambitieux, malgré son caractère très astreignant. Maintenant, la chirurgie hépatique, qui fait partie de cette spécialité, l’est encore plus, car c’est une chirurgie hyperspécialisée et très technicisée.

Beaucoup de malades souffrent de maladies du foie qui nécessitent un jour ou l’autre une intervention hépatique. Pour nous, les chirurgiens hépatiques, chaque intervention constitue un défi en soi et relève du même enthousiasme et de la même détermination que les interventions précédentes. Pourquoi? Car tout simplement on sait très bien qu’on est en train de rendre service à des patients qui n’ont pas une autre issue, mais aussi qu’on est en train de réaliser des interventions d’une complexité technique considérable.

Donc pourquoi alors avoir choisi cette spécialité ? C’est tout simplement pour pouvoir faire profiter des patients qui n’ont pas d’autres issues, mais aussi c’est un défi pour toute l’équipe soignante, jeunes et moins jeunes.

Quelles sont les raisons qui vous ont incité à décliner les offres de départ à l’étranger et vous encouragent à rester en Tunisie et à continuer à exercice au sein des hôpitaux publics?

Ce sont là trois questions en une. Elles sont très pertinentes, vont droit au vif du sujet, nous invite à débattre d’un enjeu majeur, à savoir le futur de la santé en Tunisie. Ainsi je me trouve à répondre surtout à la question: pourquoi les jeunes partent?

C’est pour plusieurs raisons. Il faut qu’on s’entende sur le fait qu’ils ont le droit de partir. C’est la meilleure façon d’explorer d’autres horizons, de vivre de nouvelles expériences, d’acquérir un nouveau savoir et d’assurer le transfert de la technicité et des compétences.

Mais, il ne faut pas se voiler la face, les jeunes partent car les conditions d’exercice de la médecine à l’étranger, notamment en Europe et dans les pays du Golfe, sont meilleures, mais aussi ces pays leur assurent une meilleure qualité de vie et une meilleure rémunération.

Pourquoi avoir choisi de rester?

Partir ou rester ? J’ai choisi de rester car j’ai cru, je crois et je vais continuer à croire à la santé publique. Cette dernière constitue la plaque tournante de la santé tunisienne.

Je n’irai pas jusqu’à vous rappeler que 80% des Tunisiens se soignent dans les structures publiques et que 100% des jeunes médecins sont formés dans les structures publiques. C’est pour vous dire l’importance de l’hôpital public aussi bien pour les patients que pour les médecins. C’est d’autant plus vrai quand on ajoute une vocation universitaire à la vocation hospitalière. Moi-même je suis un pur produit de l’hôpital tunisien.

Certes j’ai exercé en France pendant un an et demi dans un service qui fait de la chirurgie hépatique de pointe. J’ai acquis des compétences pendant cette période, mais il ne faut pas oublier que j’ai été initié par mes maîtres, ici en Tunisie, dont je suis redevable, et je continue jusqu’à aujourd’hui à profiter de leurs expériences. En même temps, je fais profiter les plus jeunes de tout ce que j’ai appris.

Comme vous l’avez remarqué, c’est une véritable chaîne avec des maillons qui sont liés où chacun de nous assure un double rôle de l’apprenant et du tuteur, et c’est l’essence même de la vocation hospitalo-universitaire. C’est la raison pour laquelle je crois et je continue à croire, plus que jamais, à la santé publique. D’ailleurs, rien que dans notre hôpital, outre l’activité de la greffe hépatique, on réalise quotidiennement des interventions assez complexes qui sont réalisables uniquement dans les structures publiques malgré l’immense progrès enregistré, ces dernières années, dans les structures privées.

Donc, pourquoi je reste ? Encore une fois, c’est pour toutes ces raisons, c’est pour l’avenir de l’hôpital public et je vous renvoie la question : pourquoi je suis censé partir?

Quelles nouvelles avancées seront possibles et avec quels moyens?

Je voudrais d’abord rappeler que la médecine tunisienne n’a rien à envier à la médecine dans d’autres pays. Certes, ces pays ont beaucoup plus de moyens mais, de notre côté, nous aussi nous avons beaucoup de compétences. La preuve est qu’on s’arrache des jeunes médecins qui sont de purs produits de l’hôpital tunisien. Donc, avec un peu plus de moyens, nous pouvons rivaliser avec les meilleurs pays.

Pour être honnête, la pandémie de Covid-19 nous a fait repenser l’avenir de la santé publique en Tunisie. Je dois avouer qu’on a un peu plus de moyens, avec plus de visibilité à moyen et à long termes. Il y a une véritable volonté de redorer le blason de la santé publique.

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