Lu pour vous - 08.04.2023

Mohamed Said Kamoun: Le nouveau livre de Maher Kamoun

Mohamed Said Kamoun: Le nouveau livre de Maher Kamoun

Comment naît modestement une famille qui deviendra grande et marquera son époque ? Le parcours de Mohamed Said Kamoun (1868 -1945), illustre figure sfaxienne, nous en offre une belle illustration. Autodidacte et avec de maigres ressources, il s’était lancé dès sa prime jeunesse dans le commerce jusqu’à élargir ses horizons aux pays du Levant, investissant ses économies dans l’agriculture puis l’extraction de l’huile d’olive, et autres activités. Sa réputation de sagesse, de droiture et de bonté lui vaudra de faire partie de la Commission consultative  (1907), du conseil municipal de Sfax (1912) et du Grand conseil (1922). Une véritable saga et une grande leçon de vie que restitue avec talent l’un de ses descendants, Maher Kamoun, féru d’histoire, dans un ouvrage intitulé  Mohamed Said Kamoun, des racines profondes et des branches en distinction.

Le mérite de cette biographie abondamment illustrée est de ne pas se limiter à l’histoire d’une famille sfaxienne de grande envergure, mais de souligner au fil des générations successives la transmission de valeurs fondatrices. Ces nobles qualités qui ont toujours marqué les membres de la famille depuis plus d’un siècle et demi érigent le travail, l’abnégation et la bonté en principes de vie.

Mohamed Said Kamoun, qui a épousé successivement quatre femmes (suite à des décès), avait eu 8 garçons et 6 filles qui ont donné naissance, à leur tour, à 83 petits-enfants. Ceux-ci n’auront pas moins de 277 descendants parmi lesquels figurent d’illustres médecins, magistrats, avocats, universitaires, chercheurs, enseignants et chefs d’entreprise dans divers secteurs. En partage, ils cultivent de génération en génération les valeurs reçues en legs de leurs aïeuls.

Les origines de la famille Kamoun, rapporte l’auteur, remontent à la branche des Nouaoula qui, avec les Achech, étaient parmi les premiers habitants de Sfax. Le nom Kamoun s’apparente à celui de la plante herbacée cumin (Cuminum cyminum) aux multiples vertus et utilisée pour son goût pour apprêter de nombreux mets. Il sera porté par un saint vénéré dans la région, Sidi Amar Kamoun, fils du Raïes Ahmed Kamoun. Il avait vécu au XVIIe siècle, du temps des Mouradites, et avait eu le mérite de soigner le Bey Mourad II, tombé malade d’une forte fièvre, lors d’un déplacement à Sfax. Le souvenir de cet ancêtre, Sidi Amar Kamoun, de sa piété et de son accomplissement en faveur des autres restera vivace dans les esprits.

Mohamed Said Kamoun est né en 1868. Il aura ainsi vécu, alors qu’il n’avait que 13 ans, la bataille de Sfax, en juillet 1881, contre le débarquement des forces françaises, et la résistance héroïque des habitants. Ce fort sentiment de patriotisme, profondément ancré en lui, l’animera toute sa vie durant. Très jeune, il décidera d’ouvrir un petit commerce d’épices dans la médina, s’échinant à sélectionner lui-même les produits, les préparer et les vendre. Rapidement, son commerce, de qualité, connaîtra un franc succès et s’élargira à d’autres villes du pays, d’abord dans les régions du Sud, puis la capitale et le Sahel, où il finira par ouvrir des boutiques à Sousse et Mahdia qu’il confiera à des proches.

Ce succès incitera Mohamed Said Kamoun à explorer d’autres opportunités commerciales à l’export, comme à l’import, avec l’Europe et surtout l’Alexandrie (en Egypte) et Izmir (en Turquie). Il exportait de l’huile d’olive, des chéchias, des dattes et des épices et importait des tissus, de la soierie, des tapis et autres articles d’ameublement et de décoration.

Réinvestissant sans cesse une grande partie de ses bénéfices, il s’intéressera à l’agriculture, plantant notamment de vastes oliveraies et installera une grande huilerie, restée de référence. Tout en consacrant une bonne partie de ses revenus à des œuvres éducatives (il créera la première école coranique à Sfax, Attahdhib, en 1908), sociales, aux dons et secours.

Le secret de la réussite de Mohamed Said Kamoun, non seulement dans ses affaires mais aussi dans sa vie personnelle, repose sur quatre piliers. C’est ainsi qu’il s’est toujours employé à diversifier ses activités et sources de revenu pour amortir toute crise ou mauvaise récolte, suivre de très près l’évolution du marché à travers l’offre, la demande, les quantités et les prix, le respect des engagements et l’aide à autrui. Ces quatre principes serviront de guide à ses descendants qui continuent à les appliquer de génération en génération.

L’ouvrage de Maher Kamoun ne se limite pas au récit de vie de l’illustre aïeul. Il se poursuit en effet avec l’évocation de ses descendants, pour les présenter et faire connaître leurs parcours. Au-delà de la restitution de l’arbre généalogique, on découvre de grandes réussites dans divers métiers et professions, aux quatre coins du monde. De plus, l’abondance de l’illustration en photos et documents vient de son côté ajouter au livre une grande valeur historique. Bien qu’il s’adresse en premier leur aux membres de la famille Kamoun et celles parentes et alliées, l’ouvrage fait vibrer les cordes identitaires des habitants de Sfax et ravive en eux tant de souvenirs. Plus encore, il cultive des valeurs ancestrales de noblesse, de patriotisme et de bonté.

Mohamed Said Kamoun
de Maher Kamoun
2023, 90 pages, 40 DT

 

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