Les trois savants auxquels Abdelmajid Charfi témoigne de sa profonde reconnaissance

De tous les enseignants et éminents professeurs qu’il a rencontrés, Abdelmajid Charfi se dit particulièrement redevable à trois figures intellectuelles majeures: Mohamed Talbi, Mohamed Arkoun et le Père Robert Caspar. Ces rencontres ont profondément marqué son parcours, tant sur le plan académique qu’humain.
Mohamed Talbi, le maître et le compagnon de route
Le premier est Mohamed Talbi, rencontré dès 1960-1961, puis retrouvé en France en 1965 et surtout en 1968, au moment où Charfi se préparait au concours d’agrégation. Talbi lui facilita l’installation à Paris et, plus tard, orienta ses choix de recherche en dirigeant sa thèse à Tunis. Ce fut le début d’une relation longue et intense, parfois traversée de désaccords, mais jamais entamée par la discordance. Même lorsque Talbi, changeant d’opinion, critiqua certains de ses écrits, Charfi confia avoir été «plus ému pour lui que pour moi», preuve d’une estime indéfectible. Talbi, en remettant en cause les fondements de la pensée religieuse et en s’opposant au régime de Ben Ali, incarna pour Charfi l’exemple du penseur libre, courageux et engagé.
Mohamed Arkoun, l’ami et l’inspirateur
Le deuxième savant est Mohamed Arkoun, d’abord connu comme professeur de traduction lors des séminaires d’agrégation à la Sorbonne, puis rencontré plus intimement au début des années 1970 lors d’un séminaire à Sénanque, dans le sud de la France. De cette rencontre naquit une amitié nourrie par de longues conversations et même de simples marches partagées. Ils se retrouveront plus fréquemment et plus longuement à Tunis. «J’ai davantage appris sur Mohamed Arkoun et sa pensée, en marchant avec lui, qu’en lisant ses œuvres», dira Charfi. Arkoun, penseur d’une grande profondeur et défenseur d’une modernité critique, inspira Charfi dans son effort de repenser la tradition islamique à l’aune des défis contemporains.
Le Père Robert Caspar, le passeur du dialogue interreligieux
Le troisième est le Père Robert Caspar, figure du dialogue islamo-chrétien, installé à Monastir puis à Mahdia. Spécialiste reconnu et interlocuteur attentif, il fit découvrir à Charfi une autre dimension : celle de l’ouverture, de l’écoute mutuelle et du respect de la pluralité religieuse. Par ses échanges, Caspar contribua à élargir l’horizon intellectuel de Charfi en lui offrant un regard croisé sur les textes et traditions.
Une dette de gratitude et un héritage vivant
«À ces trois savants particulièrement, je dois beaucoup, pour la qualité de nos discussions et la valeur de nos échanges», témoigne Charfi. Ces paroles furent prononcées à l’occasion de la présentation des Mélanges offerts en son honneur, lors de son 80e anniversaire, à l’initiative de Beit al Hikma. L’ouvrage collectif, intitulé Enjeux de la modernité et rassemblant plus de 700 pages de contributions d’éminents universitaires comme Yadh Ben Achour, Sadok Belaid ou Zahia Jouirou, illustre l’ampleur de son rayonnement.
Très humble, Charfi exprima sa gratitude non seulement envers ses maîtres, mais aussi envers ses collègues, ses étudiants, son épouse qui lui a «toujours réuni les meilleures conditions de travail» et son fils «qui ne lui a donné aucune peine dans sa scolarité».
Toujours au travail, le professeur Charfi prépare un nouveau livre en langue arabe, conçu comme une réflexion sur l’avenir de la Tunisie. Ce projet prolonge l’héritage de ces trois savants, témoignant que leurs enseignements, ancrés dans la modernité, demeurent vivants dans sa pensée et son action.
Enjeux de la modernité
Mélanges offerts
au Professeur Abdelmajid Charfi
Editions Beït al-Hikma, 2025,
800 pages, 50 DT.
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