Retour de Gustave Flaubert en Tunisie en 2021
Par Arselène Ben Farhat - Flaubert arrive à Tunis le samedi 24 avril 1858. Son but est de découvrir l’univers où vont se dérouler les événements de son roman Salammbô et de s’imprégner de l’espace de Carthage et de son histoire. Pendant tout son voyage, il va tenir, comme tous les écrivains voyageurs de son époque, un carnet où il note les spectacles qui s’offrent à son regard sans tenter de les expliquer et nous fournit du coup de riches images de la Tunisie du XIXème siècle. Il écrit dans une lettre adressée à Mademoiselle Leroyer de Chantepie le 23 janvier 1858 avant de partir en Tunisie : «Vers la fin de mars, je retournerai au pays des dattes. J'en suis tout heureux ! Je vais de nouveau vivre à cheval et dormir sous la tente. Quelle bonne bouffée d'air je humerai en montant, à Marseille, sur le bateau à vapeur !».
Aujourd’hui, Gustave Flaubert (1821-2021) est de retour en Tunisie. A l’occasion du bicentenaire de sa naissance, il est l’objet et le sujet de nombreuses activités scientifiques et culturelles. Un colloque international, «Il y a 200 ans, naissait Gustave Flaubert» a déjà eu lieu à Tunis et à Jendouba les 6 et 7 avril 2021 sous la direction du Professeur Badreddine Ben Henda et un second colloque international, «Gustave Flaubert et le monde arabe» aura lieu à Sfax les 2, 3 et 4 décembre sous la direction des Professeurs Arselène Ben Farhat et Mustapha Trabelsi.
Des journées d’études, des conférences et des spectacles consacrés au voyage de Flaubert en Tunisie seront également organisées par «l’Association Formes et Couleurs Oasiennes - AFCO» (Chenini, Gabès, Tunisie) et par «l’Association des Amis du Printemps Arabe et de la Tunisie - LAPAT» (Caen, France). Ces deux associations prévoient de créer des œuvres artistiques qui sont liées aux textes de Flaubert et qui feront l’objet d’une tournée de vingt jours en Tunisie (Bizerte, Djerba, Médenine, Chenini-Gabès et Gafsa) et en Normandie (Caen, Rouen, Le Havre, Canteleu et Pont L'Évêque).
A cela s’ajoute une grandiose exposition itinérante «Salammbô. Fureur ! Passion! Éléphants!» consacrée à Salammbô, roman de Gustave Flaubert paru en 1862. Le musée des beaux-arts de Rouen, le Mucem à Marseille et le musée national du Bardo à Tunis ont fourni environ 300 œuvres, objets et images issus de collections publiques et privées dont celles du Louvre, de la Bibliothèque nationale de France ainsi que des trésors archéologiques de l’époque punique des musées nationaux du Bardo et de Carthage.
Cette magnifique exposition va emprunter l’itinéraire suivi par Flaubert lors de son voyage en Tunisie : Rouen (du 23 avril au 19 septembre au musée des Beaux-arts de Rouen), Marseille (du 20 octobre 2021 au 7 février 2022 au Mucem de Marseille) et Tunis (au printemps-été 2022 au musée du Bardo de Tunis). La thématique de cette exposition est très riche. Elle porte sur les sources du roman Salammbô : l'histoire des guerres puniques et l'archéologie de Carthage. Elle s’intéresse également aux adaptations artistiques de Salammbô : peinture, musique, opéra, sculpture, cinéma, etc.
Toutefois, l’une des activités la plus importante est certainement le colloque international de Sfax, «Gustave Flaubert et le monde arabe». Il s’inscrit dans la même dynamique d’échange culturel et il est organisé par «le Laboratoire de Recherche Interdisciplinaire en Discours, Art, Musique et Economie» dirigé par le Professeur Mustapha Trabelsi (LARIDIAME – Faculté des Lettres et Sciences Humaines - Université de Sfax).
Ce colloque, «Gustave Flaubert et le monde arabe», a eu, après évaluation, le label du "conseil scientifique et culturel" de "Flaubert 21" qui siège Rouen. Grâce à cette labellisation, cette activité scientifique aura une visibilité médiatique internationale, un soutien scientifique des grands spécialistes de l’auteur de «Madame Bovary» et un appui de nombreux acteurs du monde universitaire, artistique, culturel et éducatif français, francophone et européen. L’un des évaluateurs du colloque, M. Yvan Leclerc, membre du "conseil scientifique et culturel" de "Flaubert 21" a écrit dans son rapport : «Belle idée que ces regards croisés. Ce sera l’un des colloques importants de l’année du bicentenaire, auquel plusieurs universitaires normands pourraient participer.»
D’éminents professeurs et chercheurs seront appelés, dans le cadre de ce colloque, à s’intéresser aux voyages de l’auteur de Madame Bovary en Egypte, au Liban et en Palestine (1849-1851) et à son séjour en Tunisie et en Algérie (1858) à partir de l’étude de sa riche correspondance et de ses carnets de voyage. La vision flaubertienne du monde arabe est-elle fondée sur l’ethnocentrisme ou sur la multiplicité, la diversité et la cohabitation culturelle? Permet-elle la reconnaissance de l’Autre dans sa différence ethnique, culturelle et religieuse tout en évitant l’effacement de soi? Une telle conception multiculturelle explique-t-elle pourquoi Flaubert occupe une place importante dans les pays arabes aujourd’hui?
Cependant, le but de ce colloque organisé à Sfax, n’est pas uniquement d’analyser l’attitude de Flaubert envers le monde arabe, mais également le point de vue des Arabes envers Flaubert. Pour atteindre cet objectif, nous disposons, grâce aux travaux de recherches d’Arselène Ben Farhat, d’un riche corpus de traductions en arabe des romans, de la correspondance et des carnets de Flaubert. «Flaubert sans frontières» est une base de données bibliographiques évolutive dirigée par Florence Godeau et Yvan Leclerc. Elle fournit une belle bibliographie des traductions et des adaptations des textes de Flaubert. Quels sont les critères de choix des œuvres de Flaubert traduites en arabe ? Pour qui sont-elles traduites ? Est-ce pour l’élite ou pour le grand public ? Pourquoi certaines traductions sont-elles de «belles infidèles» ?
En conclusion, Gustave Flaubert se rend donc de nouveau en Tunisie en 2021 pour un séjour de plusieurs mois mais à travers ses œuvres et les œuvres des artistes qui l’ont marqué et qui l’ont inspiré ainsi qu’à travers des colloques, des journées d’étude et des manifestations culturelles et artistiques. Depuis son jeune âge, Gustave Flaubert, est fasciné par rapports entre l’Orient et l’Occident qui doivent être fondés, selon lui, sur l’échange et le dialogue. Certaines de ses œuvres ont réussi à réunir les deux rives de la Méditerranée. Du coup, il n’est pas étonnant que Huguette Meunier choisisse comme titre à sa dernière étude «Flaubert le Tunisien» (revue «L’Histoire», N° 482, avril 2021).
Arselène Ben Farhat
A voir:
«Salammbô. Fureur ! Passion ! Éléphants !» au printemps-été 2022 au musée du Bardo de Tunis.
A consulter:
«Gustave Flaubert et le monde arabe»:
https://www.fabula.org/actualites/gustave-flaubert-et-le-monde-arabe_99007.php
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