News - 29.05.2021

Protégeons les oiseaux, facteur essentiel de l’équilibre des écosystèmes

Protégeons les oiseaux, facteur essentiel de l’équilibre des écosystèmes

Par Ridha Bergaoui - Le nombre d’oiseaux sur terre serait au moins de  50 milliards d’individus. Ils occupent tous les biotopes allant des zones glacières des pôles aux régions désertiques les plus chaudes du globe. Ils vivent dans les airs, prés des mers/océans, les zones humides et sur terre. Ils sont capables de voler de grandes distances et ont un sens de l’orientation très développé.

Les oiseaux nous débarrassent des insectes nuisibles. Sans eux, la vie sur terre serait probablement impossible. Par leurs couleurs fantastiques et leurs chants mélodieux, les oiseaux chanteurs nous éblouissent et nous émerveillent. La vue de ces êtres élégants et fragiles, nous procure joie, optimisme et bonheur.

Un monde enchanteur, riche et varié

Le monde des oiseaux est très vaste et très varié aussi bien du point de vue physique et anatomique que comportemental. On compte plus de 10 000 espèces différentes, allant du petit colibri de quelques grammes à l’autruche de 150 kg.

L’avifaune nationale sédentaire est très riche. La Tunisie est par ailleurs un carrefour important pour de nombreuses espèces migratoires qui viennent hiverner dans notre pays. On compte pas moins de 400 espèces d’oiseaux. L’Association des Amis des Oiseaux (AAO) , a publié dès 2005 un ouvrage portant sur les « Oiseaux de Tunisie » avec des mises à jour et des compléments réguliers. 

Wikipedia.org  donne également une liste complète des espèces présentes en Tunisie avec les noms latins et les caractéristiques de chacune d’elles.

On peut classer les oiseaux selon plusieurs critères. Il y a tout d’abord la classification taxonomique scientifique (ordre, famille, genre et espèce avec des noms en latin). On peut également les classer selon leur habitat ou leur régime alimentaire.

Schématiquement il y a des oiseaux qui se nourrissent des végétaux (feuilles, graines, nectar et la sève) et d’autres qui consomment des insectes et des animaux divers (invertébrés, petits animaux, cadavres d’animaux morts, poissons, limaces et escargots). Cette classification est toutefois très simpliste puisqu’il y a des oiseaux omnivores (qui se nourrissent à la fois de végétaux et d’insectes et de petits animaux) et que la plupart des oiseaux adaptent leur régime selon les disponibilités alimentaires et saisonnières.

Selon le site ebird.org, les espèces d’oiseaux les plus courantes, celles qui comptent plus d’un milliard d’individus, sont: les moineaux de maison, l’étourneau européen ou sansonnet, le goéland à bec cerclé et l’hirondelle rustique.

Place et rôle des oiseaux

Les oiseaux ont été, depuis très longtemps, utilisés par l’homme pour diverses fins. Ils sont:

Élevés comme animaux de compagnie et décoratifs (oiseaux chanteurs et oiseaux exotiques)

Chassés et très recherchés pour leur viande

Utilisés pour la chasse au vol (surtout les rapaces comme les faucons, buses …)

Élevés comme oiseaux de rente (poule, dinde, canard, pintade, caille…).

Les oiseaux représentent  un atout touristique important en organisant des randonnées et des séjours d’observation de ces oiseaux dans leur milieu naturel.

En Belgique, la colombophilie est un sport national très prisé. Il consiste en l’élevage du pigeon voyageur, employé pour organiser des courses de pigeons parfois de plusieurs centaines de kilomètres.

Les oiseaux facteur de l’équilibre biologique

La plupart des oiseaux sont des auxiliaires précieux et utiles pour l’environnement. Les oiseaux insectivores nous débarrassent des insectes et leurs chenilles. Ils jouent un rôle très important dans la limitation des populations d’insectes nuisibles. Ils permettent ainsi d’éviter d’utiliser des pesticides polluants et toxiques.

Les oiseaux de proie éliminent les rongeurs, rats et  souris nuisibles et destructeurs. Dans les forêts, les oiseaux jouent un rôle primordial dans l’entretien et la protection des arbres forestiers contre les insectes nuisibles.

Les oiseaux nectarivores contribuent directement dans la pollinisation des fleurs et l’amélioration des rendements des récoltes. Certains oiseaux en ingérant des fruits dispersent les graines, facilitent leur germination et contribuent à la diversité biologique.

Je me rappelle dans les années 1970, les ficus de l’avenue Habib Bourguiba étaient fortement colonisés par des moineaux. Le soir le ciel s’assombrissait avec les nuages de ces colonies d’oiseaux qui faisaient dans le ciel d’incroyables figures acrobatiques avant de rentrer dormir dans les arbres. Sans se gêner ces petites bêtes laissaient échapper leurs fientes sur la tête des promeneurs. Les commerces se sont également plaints pour les dommages causés par ces oiseaux à leurs clients, mobilier et équipements. Pour y faire face, la municipalité a opté pour la réduction de la population des moineaux nichant dans les ficus. Des campagnes de piégeage ont été organisées et la densité des oiseaux avait été sensiblement réduite. Malheureusement les moustiques, qui pullulaient dans le lac de Tunis (non encore assaini et aménagé) et les sebkhas environnants, et qui étaient auparavant chassées par les moineaux, ont envahi l’avenue et se mirent à attaquer les passants de nombreuses morsures douloureuses.

La municipalité a dû arrêter le piégeage des moineaux afin de retrouver un équilibre antérieur fragile. Elle a dû également éliminer deux rangées de ficus pour parvenir à réduire les effectifs des oiseaux. Finalement, pour les promeneurs de l’avenue, il était moins désagréable de recevoir des fientes sur la tête que des piqures douloureuses d’un insecte sanguinaire comme les moustiques.

Les activités humaines menacent l’existence des oiseaux

Les oiseaux subissent de nombreuses pressions et les effectifs ont tendance à diminuer. Certaines espèces connaissent de fortes réductions de leurs effectifs. 10% des espèces sont menacées d’extinction et comptent très peu d’individus (moins de 5 000).

Les menaces résultent, pour la plupart des espèces des oiseaux, essentiellement de l’activité humaine.  La pollution, la déforestation et destruction des habitats, l’urbanisation rampante, l’intensification de l’agriculture et l’utilisation pesticides, l’assèchement des zones humides…sont autant de dangers qui menacent les oiseaux.

La chasse sauvage, braconnage, piégeage et le trafic d’oiseaux sont des pratiques dangereuses pour de nombreuses espèces. Les oiseaux rares et exotiques  sont particulièrement menacés.

Le réchauffement climatiques détruit les équilibres biologiques, assèche les milieux humides et représente un sérieux risque de disparition et de déplacement de nombreuses espèces d’oiseaux. Les oiseaux migrateurs sont particulièrement touchés. Ils tentent de s’y adapter en décalant les dates du départ et du retour de leurs voyages migratoires.

Protéger les oiseaux utiles et menacés

A l’exception des oiseaux considérés comme gibier, toutes les autres espèces d’oiseaux sont protégées par la loi.

Le braconnage, la chasse illégale et le trafic des oiseaux exotiques représentent un fléau qu’il faut combattre énergiquement en appliquant strictement le code forestier. Il est nécessaire de donner les moyens humains et matériels nécessaires aux services de la Direction des forêts pour surveiller, contrôler et lutter contre ces pratiques préjudiciables à notre avifaune et à la réputation de notre pays.

Autoriser la détention et la vente des oiseaux en cage c’est encourager l’élevage, le braconnage et le trafic des oiseaux protégés. Il est souhaitable d’interdire les marchés aux oiseaux hebdomadaires, comme celui de Moncef-Bey, Sousse, Sfax…

L’utilisation abusive des pesticides pollue l’environnement, détruit les éco-systèmes et représente l’une des causes de disparition de certaines espèces d’oiseaux. Contrôler et limiter l’utilisation des produits chimiques en agriculture et favoriser le développement des insectes pollinisateurs et des oiseaux utiles est nécessaire et urgente.

Cette année, les conditions climatiques (pluies tardives suivies de fortes chaleurs) n’ont pas permis aux municipalités de traiter à temps contre les moustiques. Ceux ci se sont multipliés rapidement occasionnant des désagréments importants chez les habitants surtout de la région de Tunis. Les hirondelles et les martinets sont de  véritables anti-moustiques. Une hirondelle peut consommer jusqu’à 3 000 moustiques par jour. Malheureusement il semble qu’il y a de moins en moins d’hirondelles suite à l’utilisation des pesticides, la pollution et les modifications des conditions climatiques. Connaitre les raisons de la disparition des hirondelles permettrait de favoriser son retour et de profiter de ses services louables au lieu d’utiliser des pesticides qui mettent en danger notre environnement. Déverser des pesticides toxiques dans les lacs et les sebkhas coute cher. Il est souvent inutile. Il est surtout dangereux aussi bien pour les habitants, les oiseaux qui nichent dans ces milieux aquatiques, les insectes pollinisateurs et tout l’environnement d’une façon générale.

Il est indispensable de sensibiliser et éduquer  les citoyens sur la nécessaire lutte pour la préservation des espèces d’oiseaux menacées et les appeler à éviter la détention des oiseaux protégés comme le chardonneret et les oiseaux exotiques. « Si vous aimez le chant des oiseaux, n’achetez pas une cage mais plantez un arbre » disait Pierre Sakhinis. Les associations et la société civile ont un rôle déterminant dans l’engagement et l’éducation du citoyen dès le jeune âge.

L’Association des Amis des Oiseaux, créée depuis 1975, joue un rôle très important dans le suivi des populations des oiseaux sédentaires et migrateurs. Elle œuvre à la sensibilisation et l’éducation des citoyens et représente la Tunisie auprès des organismes internationaux.  Elle signale aux autorités les abus en matière de braconnage et chasse illégale pour les amener à intervenir et arrêter les dépassements. Ses actions de dénonciation de la chasse illégale et sauvage de l’Outarde houbara, dans le sud tunisien, par les princes saoudiens et les émirs du golfe, ont été déterminantes pour la sauvegarde de cet oiseau protégé, menacé et au bord de l’extinction. 

Conclusion

Les oiseaux jouent un rôle très important et sont indispensables pour la vie sur terre. Ils représentent une composante essentielle des biotopes et des écosystèmes. Ils contribuent directement à maintenir la biodiversité et l’équilibre biologique des divers milieux naturels. 

Les oiseaux sont très utiles pour l’homme  en éliminant de nombreux insectes et animaux nuisibles. La Tunisie est un passage privilégié de nombreuses espèces d’oiseaux migrateurs qui peuvent permettre le développement (autour des zones humides, les forêts, les réserves et parcs nationaux)  d’un écotourisme durable basé sur l’observation des oiseaux et la création d’emplois dans les régions de l’intérieur du pays.

Il est indispensable de mettre tous les moyens nécessaires pour protéger nos oiseaux utiles, en premier les espèces menacés et leurs habitats naturels.

Certains oiseaux sont cependant plutôt nuisibles et commettent de graves dégâts sur les cultures et les récoltes. Compte tenu de leur importance du point de vue économique, ils feront l’objet d’un article à part qui suivra.

Ridha Bergaoui
Professeur universitaire

 

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