FMI – Tunisie : Le PIB réel aurait reculé de 8,2 pourcents en 2020, avec comme effets une pauvreté et un chômage accrus
Triste constat caché aux Tunisiens. Il aura fallu s’adresser à Washington DC pour connaître les conclusions de la mission récemment conduite en Tunisie par une mission du Fonds monétaire international (FMI). Dans un silence déplorable, les autorités tunisiennes, pourtant sollicitées ce matin-même par Leaders n’ont pas souhaité s’y prononcer, faisant fi de leur devoir de redevabilité. La nouvelle, c'est la reprsie des discussions avec le FMI. Le revers, c'est le silence tunisien.
Le FMI appelle la Tunisie à sceller un “pacte social” pouvant « couvrir la masse salariale de la fonction publique (à l’heure actuelle, une des plus élevées au monde), une réforme des subventions, le rôle des entreprises publiques dans l’économie, le secteur informel, l’équité fiscale, les reformes anti-corruption et l’environnement des affaires. » Ce pacte est indispensable pour éviter que le déficit budgétaire en 2021, estimé en réduction pour atteindre 6,6 pourcents du PIB, ne s’aggraverait pas en fait à 9%.
Selon les services du FMI, « le déficit budgétaire devrait s’établir à 11,5 pourcents du PIB, essentiellement du fait d’une baisse des recettes fiscales, d’une masse salariale plus élevée, et de transferts supplémentaires aux entreprises publiques. » Ils « s’attendent à une reprise de la croissance à 3,8 pourcents en 2021 alors que les effets de la pandémie commencent à s’atténuer. Néanmoins, les risques autour de cette projection de base sont considérables, en particulier eu égard à l’incertitude quant à la durée et l’intensité de la pandémie, ainsi qu’à celle de la vaccination. »
Au terme d’une mission effectuée à distance du 9 au 18 décembre 2020 et du 4 janvier au 13 janvier 2021, dans le cadre de la consultation pour 2020 au titre de l’Article IV pour la Tunisie, sous la direction de Chris Geiregat, les services du FMI ont été directs dans un communiqué publié à Washington DC. S’ils sont « tendres » quant à la gestion de la crise du Covud-19, ils sont sans concession sur l’économie, les finances publiques et les réformes.
“Les services du FMI et les autorités, y lit-on, partagent le constat que la Tunisie fait face, à l’heure actuelle, au double défi de sauver des vies et de préserver les conditions de vie jusqu’à ce que la pandémie s’atténue, tout en commençant à ramener les déséquilibres budgétaires et externes sur une trajectoire soutenable. Dès lors, il sera essentiel d’assigner une priorité claire aux dépenses de santé et de protection sociale, tout en exerçant un contrôle sur la masse salariale, sur des subventions énergétiques mal ciblées, et sur les transferts aux entreprises publiques. La loi de finances pour 2021 cherche à atteindre cet équilibre entre différentes priorités, avec un déficit budgétaire estimé en réduction pour atteindre 6,6 pourcents du PIB.
Au sujet de la pandémie sanitaire et de ses suites, le FMI estime que : « La Tunisie fait face à deux défis immédiats : sauver des vies et préserver le plus possible les conditions de vie jusqu’à ce que la pandémie se termine, et commencer à résorber ses déséquilibres macroéconomiques pour atteindre une trajectoire soutenable. » Un avis très clément face à une gestion gouvernementale erratique, aux lourdes conséquences.
Quant aux réformes, « un plan exhaustif et crédible, soutenu par sa population et ses partenaires internationaux, est fondamental pour permettre à la Tunisie d’atteindre une croissance durable et inclusive sur le moyen terme », souligne le FMI. En addition : « Les services du FMI encouragent les autorités à continuer de renforcer les filets de protection sociale et à améliorer l’investissement public. »
De son côté, la Banque centrale de Tunisie, "devrait, selon le FMI, continuer de se concentrer sur l’inflation via ses taux directeurs, tout en préservant une flexibilité du taux de change, à la hausse comme à la baisse. La BCT devrait surveiller de manière étroite le secteur financier, alors que les conséquences complètes de la pandémie sur le secteur doivent encore être observées. “Augmenter la croissance potentielle et inclusive de la Tunisie nécessitera plus d’initiative donnée au secteur privé et de concurrence, y compris au travers de l’élimination de monopoles et autres distorsions. Les services du FMI approuvent l’objectif des autorités de couvrir au moins 30 pourcents des besoins de la Tunisie en énergie par des sources renouvelables, ce qui appuiera le combat contre le changement climatique et assurera une diversification des sources d’approvisionnement."
Communiqué intégral
Une équipe des services du Fonds Monétaire International (FMI), dirigée par Chris Geiregat, a conduit une mission à distance du 9 au 18 décembre 2020 et du 4 janvier au 13 janvier 2021, dans le cadre de la consultation pour 2020 au titre de l’Article IV pour la Tunisie.
A l’issue de la mission, M. Geiregat a fait la déclaration suivante : “Le Covid 19 a gravement frappé la Tunisie. La mission du FMI souhaite exprimer ses condoléances et sa solidarité avec tous les Tunisiennes et Tunisiens affectés par la pandémie, et son admiration profonde pour celles et ceux qui ont travaillé de manière incessante pour sauver les vies de leurs concitoyens. “Les autorités ont réagi de manière proactive à la survenue de la pandémie, en fournissant un soutien immédiat au secteur de la santé, ainsi qu’aux ménages et entreprises touchées.
Cela étant, les services du FMI estiment que le PIB réel aurait reculé de 8,2 pourcents en 2020, avec comme effets une pauvreté et un chômage accrus. Le déficit des paiements courants devrait s’être réduit sous l’effet d’une chute brutale de la demande d’importations et de transferts de Tunisiens résidents à l’étranger restés dynamiques, et ce, malgré le choc enregistré par les exportations et la chute brutale des recettes de tourisme. Le déficit budgétaire devrait s’établir à 11,5 pourcents du PIB, essentiellement du fait d’une baisse des recettes fiscales, d’une masse salariale plus élevée, et de transferts supplémentaires aux entreprises publiques. “Les services du FMI s’attendent à une reprise de la croissance à 3,8 pourcents en 2021 alors que les effets de la pandémie commencent à s’atténuer. Néanmoins, les risques autour de cette projection de base sont considérables, en particulier eu égard à l’incertitude quant à la durée et l’intensité de la pandémie, ainsi qu’à celle de la vaccination.
“Les services du FMI et les autorités partagent le constat que la Tunisie fait face, à l’heure actuelle, au double défi de sauver des vies et de préserver les conditions de vie jusqu’à ce que la pandémie s’atténue, tout en commençant à ramener les déséquilibres budgétaires et externes sur une trajectoire soutenable. Dès lors, il sera essentiel d’assigner une priorité claire aux dépenses de santé et de protection sociale, tout en exerçant un contrôle sur la masse salariale, sur des subventions énergétiques mal ciblées, et sur les transferts aux entreprises publiques. La loi de finances pour 2021 cherche à atteindre cet équilibre entre différentes priorités, avec un déficit budgétaire estimé en réduction pour atteindre 6,6 pourcents du PIB.
Cependant, des mesures spécifiques sont nécessaires pour parvenir à cet objectif de déficit, alors qu’en leur absence, les services du FMI estiment que celui-ci pourrait atteindre un chiffre élevé, de plus de 9 pourcents du PIB. Les services du FMI encouragent les autorités à continuer de renforcer des filets de protection sociale mieux ciblés, ainsi que de favoriser l’investissement à fort impact en termes de croissance économique. “Les perspectives économiques à moyen terme et la soutenabilité de la dette publique dépendront de l’adoption par les autorités d’un plan de réforme crédible et bien communiqué, afin de bénéficier du soutien fort de la société tunisienne et de ses partenaires internationaux de développement.
A cet effet, il sera crucial de s’assurer du soutien des principales parties prenantes s’agissant des domaines relevant de leur responsabilité. Un tel “pacte social” pourrait ainsi couvrir la masse salariale de la fonction publique (à l’heure actuelle, une des plus élevées au monde), une réforme des subventions, le rôle des entreprises publiques dans l’économie, le secteur informel, l’équité fiscale, les reformes anti-corruption et l’environnement des affaires.
“Plusieurs grandes entreprises publiques croulent sous le poids de la dette, ont accumulé des arriérés de paiement, et bénéficient de garanties de l’Etat, le tout posant des risques budgétaires et financiers. Les services du FMI voient de manière positive les efforts des autorités pour démêler et résoudre certains des arriérés croisés existants, et encouragent les autorités à mettre en place un plan de réforme à moyen terme qui : (i) assure un triage des entreprises publiques sur la base de leur viabilité financière, importance stratégique et nature de leurs activités, (ii) centralise leur tutelle sous une seule entité, (iii) renforce la gouvernance d’entreprise, et (iv) améliore la transparence et le reporting financier.
Améliorer la situation financière des caisses de sécurité sociale réduirait également les risques budgétaires. “La politique monétaire de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) a permis de soutenir crédit et liquidité bancaires, tandis que l’inflation continuait de se modérer. Les services du FMI encouragent vivement les autorités à éviter de procéder, dans le futur, à un financement monétaire de l’Etat, alors que celui-ci risquerait de faire marche arrière s’agissant des succès enregistrés dans la lutte contre l’inflation, d’affaiblir le taux de change et le niveau des réserves de change, et d’affecter négativement la stabilité financière.
La politique de la BCT devrait continuer de se concentrer sur l’inflation via ses taux directeurs, tout en préservant une flexibilité du taux de change, à la hausse comme à la baisse. La BCT devrait surveiller de manière étroite le secteur financier, alors que les conséquences complètes de la pandémie sur le secteur doivent encore être observées. “Augmenter la croissance potentielle et inclusive de la Tunisie nécessitera plus d’initiative donnée au secteur privé et de concurrence, y compris au travers de l’élimination de monopoles et autres distorsions. Les services du FMI approuvent l’objectif des autorités de couvrir au moins 30 pourcents des besoins de la Tunisie en énergie par des sources renouvelables, ce qui appuiera le combat contre le changement climatique et assurera une diversification des sources d’approvisionnement.
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