News - 13.12.2020

Amor Toumi: La problématique des vaccins contre le Covid-19

Amor Toumi: La problématique des vaccins contre le Covid-19

Par Pr Amor Toumi - Une course effrénée pour la découverte du vaccin contre le Covid-19 a été lancée depuis quelque temps. Les plus proches pour atteindre ce but sont au nombre de 11 à la date du 21 novembre 2020. Un douzième s’annonce. Ces vaccins devront arriver sur le marché entre la fin 2020 et l’année 2021. Ils seront commercialisés, probablement tous, à travers une procédure urgente qui ne pourra pas garantir totalement la sécurité de ces produits ni la période de protection qui pourrait être comptée en mois ou en années. Ces vaccins utilisent des technologies très variées (encadré 1):

Les différents types de vaccin contre le Covid-19

Vaccins inactivés
Vaccins à vecteurs
Vaccins formés de sous-unités purifiées
Vaccins à cellules recombinantes
Vaccins génétiques (ADN ou ARN)

Au-delà de cette terminologie rébarbative se profilent des technologies classiques utilisées pour d’autre vaccins jusqu’aux technologies les plus récentes qui vont conduire à des vaccins innovants (vaccins génétiques) dont il n’existe pas de similaires jusqu’à aujourd’hui. Ces derniers se basent sur des approches récentes en comptant sur le corps humain pour fabriquer des protéines reconnues étrangères et contre lesquelles il va fabriquer des anticorps. Autant cette technologie est séduisante, autant on retient son souffle pour d’éventuels problèmes qui risquent d’apparaître. D’autres laboratoires ont été plus classiques en reproduisant des technologies avérées pour lesquelles les risques sont moindres. Les étapes franchies par ces vaccins et les pays qui sont à leur origine sont résumés dans le tableau 1.

Tableau 1 : Répartition par pays et par phase d’essai clinique des vaccins anti-Covid-19 (ceux n’ayant pas entamé les essais sur l’homme ne sont pas indiqués sur ce tableau.

Par ailleurs, une vaccination de masse n’est pas une mince affaire pour tout pays quel que soit son niveau de développement. Quand on observe les difficultés déjà identifiées aux Etats-Unis pour ces campagnes de vaccination, on peut mesurer celles qui vont surgir en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. Les moyens humains et matériels ne sont pas comparables bien que ces derniers aient plus l’habitude des vaccinations de masse.

Les vaccins les plus proches de la commercialisation (phase 3) devront commencer à présenter leurs dossiers aux autorités dès fin novembre. Leur utilisation aux États-Unis débutera courant décembre (50 millions de doses) et s’étalera sur le plan international sur l’année 2021 et même 2022. Ces produits sont indiqués dans le tableau 2.

Tableau 2 : Récapitulatif des vaccins en phase finale de développement

Pays ayant manifesté leur intérêt pour Covax et ayant accepté d’être cités publiquement

https://www.who.int/fr/news/item/24-08-2020-172-countries-and-multiple-candidate-vaccines-engaged-in-covid-19-vaccine-global-access-facility

Afrique du Sud, Andorre, Arabie Saoudite, Argentine, Arménie, Botswana, Brésil, Canada, Chili, Colombie, Croatie, Émirats arabes unis, Estonie, Finlande, Grèce, Islande, Irak, Irlande, Israël, Japon, Jordanie, Koweït, Liban, Luxembourg, Macédoine du Nord, Maurice, Mexique, Monaco, Monténégro, Norvège, Nouvelle-Zélande, Palaos, Portugal, Qatar, Saint-Marin, Seychelles, Singapour, Suisse, République de Corée, République dominicaine, République tchèque, Grande-Bretagne, Irlande du Nord et Venezuela.

En conclusion, il faut souligner l’importance des efforts fournis par les pays, les responsables sanitaires, les praticiens sanitaires, les scientifiques et les laboratoires fabricants de vaccins pour faire face dans l’urgence à cette situation exceptionnelle créée par ce virus qui a paralysé l’humanité entière. Toutefois, des questions restent posées :

Cette approche vaccinale ultrarapide sera-t-elle sans danger ?
Quelle sera la durée de l’immunité conférée (en mois ou en années) ?
Il y a presque une unanimité sur la définition des populations prioritaires. Cependant, on commence à entendre des voix discordantes liées à la faible capacité des sujets âgés à fabriquer des anticorps et au rôle protecteur pour les personnes âgées que pourrait avoir l’immunisation des plus jeunes. Doit-on plutôt inclure les sujets jeunes qui peuvent créer une immunité collective plus efficiente ? A l’heure actuelle, c’est une question qu’il faut garder à l’esprit et rester sur les stratégies admises.
Ces vaccins vont-ils totalement protéger du virus ou bien leur action se limitera-t-elle à l’atténuation des formes graves ? Dans ce dernier cas, on risque de ne pas éradiquer la maladie et encore moins sa transmission.
Le coronavirus a montré au cours d’une année une grande capacité de mutation. L’immunité acquise, si elle est durable, pourrait-elle faire face à ces mutants?

Le débat technologique s’est encore compliqué ces jours-ci par les problèmes liés à la conservation et au transport de ces produits. Certains doivent être conservés à très basse température (-73°C), d’autres pourront être transportés à -20 ou -30°C, et certains pourront être acheminés à des températures de +4°C. On observe que de nombreux pays ont opté pour des essais cliniques avec les vaccins qui se conservent à des températures les plus élevées (Ex. du Maroc et des Émirats arabes unis) car il va falloir gérer les stocks mais aussi le «casse-tête» de la deuxième dose à administrer 3 ou 4 semaines après. 

Pour la voie d’administration de ces produits, l’écrasante majorité est proposée par voie injectable. Un seul laboratoire (Beijing Wantal Biological Pharmacy associé à Xiamen University) propose une forme intranasale qui est en phase 2 et deux laboratoires (Symvivo et Vaxart) essaient une forme orale et sont en phase 1 de l’étude.

Sur un autre plan, un des acteurs majeurs de la démarche vaccinale sera l’Organisation mondiale de la santé. Cette organisation, en partenariat avec le GAVI (Global Alliance for Vaccines and Immunization), a mis en place le programme Covax qui bénéficie du soutien financier de nombreux pays, communautés et ONG. Ce programme vise à obtenir deux milliards de doses de vaccin. 92 pays à revenu faible ou intermédiaire, y compris la Tunisie, sont éligibles au programme Covax. Plus de 90 pays à revenu élevé vont participer à ce mécanisme en vue d’acheter une partie de leurs besoins en vaccins (https://ec.europa.eu/france/news/20201113/contribution_europe_covax_500_millions_euros_fr). Covax va participer à la couverture des besoins totaux ou partiels de 70% de la population mondiale. Il est bien entendu que ce mécanisme intègrera les laboratoires qui en feront la demande et leurs dossiers seront soumis, pour évaluation, aux gestionnaires de Covax. A l’heure actuelle, 9 dossiers sont en phase d’évaluation dont deux vaccins sont en phase 3 (Moderna et Astra-Zeneca). Par ailleurs, à la date du 24 août 2020, 80 pays ont manifesté leur intérêt et seuls 43 ont accepté d’être cités publiquement (voir encadré 2).

Amor Toumi
Ancien haut fonctionnaire de l’OMS
Président de la Société des sciences pharmaceutiques de Tunisie

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