Raouf Najar à Hamadi Agrebi : Merci pour ce que tu as été et ce que tu as donné
Kristic, l’entraîneur qui l’a découvert, un homme exigeant et puriste jusqu’au bout des ongles, ne put s’empêcher de dire lorsqu’il le vit jouer pour la première fois : "Que vais-je donc lui apprendre » ? Hamadi Agrebi savait en effet tout faire avec le ballon. A 13 ans, déjà, il attirait la grande foule qui venait tôt le matin admirer les exploits de ce jeune prodige.
Le public prit l’habitude d’aller au stade pour lui, dans l’attente furtive d’un instant privilégié, d’une lumière jaillissant des pieds de cet artiste à l’inspiration si féconde.
Dans un jour de grâce, Agrebi est éclaboussant de génie. Indicible est alors le bonheur du puriste au spectacle de tant de créativité et d’insolente facilité. C’est qu’il est le plus doué de tous. Quand il le veut. Comme la plupart des artistes, il rechigne à l’ouvrage, se contente d’être le plus doué mais n’a jamais voulu devenir le plus grand.
Très cher, ton départ fait naturellement grand bruit. Pas sûr que tu l’aurais souhaité tant ta modestie était naturelle et ton humilité incurable. J’ai reçu de nombreux appels de sportifs témoignant leur chagrin sincère et profond. C’est toute la Tunisie qui te rend affectueusement hommage. Tu lui as procuré, avec tes exploits, tant de bonheur indicible et d’instants hors du temps. Face à la page blanche, ces mots me prennent au dépourvu, à contre-pied... à contre cœur, incapables de saisir le chuchotis du cœur, l’ineffable ressenti enfoui au plus profond de l’âme. Dire son émotion est si ardu. T’ai-je dit de ton vivant l’étendue de mon affection ? Probablement non, mais je suis sûr que tu ressentais, comme moi, que notre amitié était un jardin que nous aimions, de loin, entretenir et rafraîchir.
Merci pour ce que tu as été et ce que tu as donné
Raouf Najar, ancien coéquipier
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Allah Yar7mou l'Artiste vrai et non le foot Balleur. Et bravo pour la plume de Raouf Najjar qui était sportif et a été choisi par Bourguiba pour être un Ministre des Sports. Pas facile d'être Ministre de Bourguiba. La plume a confirmé le pourquoi de ce choix.
Un grand merci, cher Maître, pour cette eulogie à la mémoire du regretté Hamadi Agrébi, paix à son âme ! Il y a eu beaucoup d’eulogies célèbres dans le monde ; la vôtre le sera également, car non seulement elle concerne un homme qui avait fait longtemps vibrer les cœurs de ses concitoyens, mais aussi parce qu’elle me rappelle ces mots de la politologue Hannah Arendt dans Men in Dark Times (1968), « l’essence de l’amitié résidait dans le discours, car seul l’échange constant de paroles pouvait unir les citoyens dans la polis. Par le discours, l’importance politique de l’amitié et de l’humanité qui lui était propre se trouvaient manifestées » (p. 9)