Abdelkader Maalej: A propos du patrimoine Djelloulien
Ces derniers jours, on a beaucoup parlé des pièces appartenant au patrimoine tunisien et qui allaient être vendues aux enchères publiques en France dans le cadre d’une vente privée à Drouot. De quoi s’agit-il en fait ? Les pièces dont on parle sont des objets qui appartenaient à la famille Djellouli et plus précisément au ministre Habib Djellouli. A la mort de ce dernier, toutes ces pièces devaient naturellement revenir aux héritiers du ministre et notamment son fils feu Ahmed. Sidi Ahmed comme il lui plaisait d’être appelé, gardait jalousement ces objets dans son salon.
Ayant été l’un des amis les plus rapprochés de Sidi Ahmed, je lui avais rendu visite des dizaines de fois dans sa maison dite Dar Djellouli, sise à la rue du riche à la médina de Tunis. C’était d’ailleurs grâce à son aide et assistance que j’ai pu écrire un livre sur la famille Djellouli, intitulé Le makhzen en Tunisie, les Djellouli. Chaque fois que je me trouvais dans le salon de Sidi Ahmed il ne manquait jamais de me montrer ces objets et de m’expliquer leur origine et leur importance. Quels sont alors ces objets ? Sans vouloir sous estimer la valeur de ces pièces en question je peux dire qu’elles ne représentaient pas une grande fortune. Leur valeur était surtout sentimentale pour la famille Djellouli. Les pièces les plus importantes à mon humble avis sont la collection de médailles, insignes et décorations décernés par les Beys de Tunis aux membres de la famille et qui étaient des ministres ou des caïds cet égard il serait utile de dire que le professeur Laziz BenAchour, neveu maternel de Sidi Ahmed, a publié un album reproduisant toutes les médailles obtenues par les ministres et caids Djellouli.
Il nous faut à ce propos signaler que la famille Djellouli a donné à la Tunisie 20 caîds, 4 ministres et 2 premiers ministres. Parmi les pièces on compte une jolie vulgate brillamment écrite à la main, une collection de photos représentant des hautes personnalités tunisiennes ou françaises dont des beys des ministres et des résidents généraux français. On y compte aussi quelques manuscrits dont un ouvrage intitulé Zahr Errabî (Fleurs de printemps) écrit par le poète sfaxien Brahim Kharrat. J’ai personnellement feuilleté ce volumineux ouvrage et j’ai demandé à Sidi Ahmed de permettre sa publication ou de m’en offrir une copie. Il m’avait réclamé un montant très élevé, soit 20 mille dinars que je ne pouvais supporter. Je crains fort que cet important ouvrage cité par Ibnou Abi Dhiaf dans son livre Al Ithaf, ne soit à jamais perdu. Parmi les pièces il y’a un cheval de bois une selle un étrier, un sabre quelques cannes une collection de djebbas, achetés par Ahmed lui-même et bien sûr plusieurs livres de valeur historique dont le livre en anglais du grand voyageur britannique Grenville Temple intitulé Excursion en Méditerranée Algérie et Tunisie dont j’ai obtenu une copie.
A la mort de Sidi Ahmed tous ces objets sont tombés entre les mains de sa sœur qui aurait dû être une fidèle gardienne de cet héritage et pourquoi pas les offrir au ministère de la culture.
Comment ces objets ont-ils pu traverser la frontière ? Après avoir réussi à faire suspendre l’opération de vente le gouvernement tunisien devrait engager une enquête à cet effet et faire rapatrier ce patrimoine
Abdelkader Maalej
Ecrivain et ancien communicateur
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