Myriam Belkadhi ne peut être réduite au silence

L’arrêt de l’émission quotidienne Tounes El Youm de Myriam Belkadhi, sur Al Hiwar Ettounsi, fin mai, pour des raisons budgétaires pose le grand problème du financement des médias audiovisuels. Si la presse écrite est achetée par ses lecteurs, radios et télévisions sont suivies gratuitement. Les stations et chaînes publiques sont financées par les Tunisiens, au titre de la vieille redevance acquittée en même temps que la facture de consommation électrique perçue par la Steg pour le compte du Trésor public. Une dotation d’équilibre puisée dans les caisses de l’Etat leur est en outre allouée en budget annexe. Celles privées n’ont que les recettes publicitaires comme seules ressources. Là aussi, c’est le consommateur tunisien qui paye sur le prix de ses achats, le coût des frais marketing, donc de publicité, inclus dans le prix de revient et répercutés sur le prix de vente.

Les radios et télévisions commerciales n’ont qu’à accroître leur audience pour attirer les annonceurs, ce qui les incite à favoriser les émissions shows grand public. Quant aux débats politiques, moins prisés par les annonceurs, voire évités, ils souffrent du tarissement des spots rémunérateurs. D’où un problème de déficit du pluralisme démocratique et des délibérations publiques indispensables. Certes, avec talent et intelligence, Myriam Belkadhi a fait de son forum un rendez-vous incontournable. Décrié ou plébiscité, il a eu le mérite d’entretenir un croisement fécond de prises de position, d’analyse et de mise en perspective. Condamner cet espace au silence, c’est réduire la portion de liberté et d’indépendance qu’il offre aux Tunisiens. S’y résigner est une complicité avec la pensée unique. Une aide de l’Etat ciblée, au titre de la défense de la libre opinion et de la diversité, est à envisager, à l’instar des démocraties libérales.