Boujemaa Remili - A qui pense avoir occupé le sommet de la montagne Tunisie: Un peu de patiente!
Entre celui qui pense être le Hassan Ibn Noaamene fondateur de la Zitouna, celle qui croit être la Kahena qui a vaincu le même Hassan et celui qui s’imagine conduire la révolution de Abouzid, l’homme à l’âne, contre les Chiites fatimides, la Tunisie se trouve tous les jours ensevelie sous plus de couches de fantasmes, qui ne réussissent certes pas à la dénaturer mais quand même à lui brouiller un peu l’image. Aller expliquer à tous ces prétendants, certes légitimement ambitieux mais illégitimement tentés par l’usurpation, que la Tunisie en a vraiment vu beaucoup d’autres, que d’ailleurs elle commence toujours par les accueillir à bras ouverts, pour les serrer un peu par la suite, et puis les retenir dans cette position le temps qu’il faut jusqu’à ce qu’ils ne respirent plus que son air ambiant et ne palpitent plus qu’au rythme de son cœur.
Ni les soi-disant défenseurs acharnés de la révolution, ni les prétendant résolus et sans la moindre modestie à restaurer le glorieux et désormais historique parti destourien de Bourguiba, ni les croisés du combat contre la corruption et le « système », ne sont plus intelligibles par ceux qui ne sont demandeurs que de pain et de liberté.
Mais, malgré ce qui précède, il n’y a pas de nouvelle crise en Tunisie. C’est la simple continuation de celle qui n’a jamais arrêté d’agir, non pas à partir de janvier 2011 comme certains veulent bien s’arranger pour nous l’expliquer, mais en partant précisément des causes qui ont amené les Tunisiens, car il s’agissait bien d’eux, à mettre par terre ce qui leur servait jusque-là d’abri commun, mais devenu à leur sens caduque, pour pouvoir continuer la première longue marche initiée depuis un demi-siècle mais perdant le souffle lui aurait permis d’entamer une nouvelle longue marche, tout aussi exaltante que la première, mais qui exigeait le changement de tous ses logiciels ayant prévalu jusque-là, pour tenir compte de changements très profonds, à l’intérieur et dans l’environnement.
Un douloureux et long travail d’accouchement est ce qui caractérise actuellement la Tunisie à la hauteur du projet qui doit sortir de ses entrailles. Pour passer d’une Tunisie sereinement fière de son identité culturelle à une Tunisie qui doit sévir contre les manipulateurs aux gros budgets pétroliers ou aux systèmes armés à moitié empruntée à d’autres, d’une Tunisie intériorisant les acquis de son Histoire récente à une Tunisie n’ayant aucun complexe d’être lucide à cet égard pour s’autoévaluer et continuer à progresser dans le cadre d’un projet entièrement renouvelé, d’une Tunisie dont on lui a bloqué les rouages de son Etat à une Tunisie qui remet à l’œuvre sa belle machine d’Etat, certes traumatisée par ceux qui ont tenté de la déstabiliser mais reste en possession d’une partie respectable de ses moyens, d’une Tunisie qui a été fragilisée dans sa vocation sociale depuis un certain 1986 mais qui reste certaine que sa survie passe par la restauration des équilibres dont la violation peuvent être la cause de sa perte, d’une Tunisie qui n’a jamais tourné le dos au dialogue comme forme civilisée de progrès à une Tunisie qui refuse la tentation quotidienne et scandaleuse de la fascisation, d’une Tunisie dont le projet culturel semble s’évanouir dans la nature à une Tunisie qui pense que si elle dispose d’une richesse à elle quelque-part c’est bien auprès de son trésor culturel existant et en devenir qu’elle devrait aller la chercher.
Laisser couler ! devrait être le nouveau mot d’ordre national. Le volontarisme en politique existe, à condition que cela ne se mette pas au travers des mouvements les profonds à l’œuvre. Laisser la Tunisie retrouver les équilibres qui sont ls siens ! devrait le complément du précédent mot d’ordre. Le temps qu’une demande politique sereine et d’avenir puisse se révéler et le temps qu’une offre politique à sa hauteur puisse émerger il y a tout lieu de se presser beaucoup… mais très lentement !
Boujemaa Remili
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