Covid-19: Appel des associations et de 400 défenseur.e.s des droits humains pour la sauvegarde des droits de l’enfant
Préparé par le Pr. Hatem Kotrane, Membre du Comité Scientifique de l’Institut arabe des Droits de l’Homme - L’Institut arabe des droits de l’homme invite toutes les personnes et organisations, engagées dans le domaine de la défense des droits de l’homme en général et des droits de l’enfant en particulier, à se joindre à cet appel préparé par le professeur Hatem Kotrane, membre du Comité scientifique de l’Institut arabe des droits de l’homme, pour que les droits de l’enfant ne soient pas marginalisés ou violés en Tunisie dans le contexte de la lutte contre le Coronavirus « Covid-19 ».
Les organisations, associations et militants des droits des enfants signataires
Rappelant les dispositions de la Convention des droits de l’enfant et de ses Protocoles facultatifs ratifiés par la Tunisie, et les engagements pris à l’égard de tous les enfants, sans distinction aucune, pour que, en toute hypothèse, la dignité individuelle, les besoins particuliers, l’intérêt supérieur et la vie privée des enfants soient respectés et protégés ;
Rappelant également les dispositions de l’article 47 de la Constitution du 27 janvier 2014 aux termes duquel : « Les droits à la dignité, à la santé, aux soins, à l’éducation et à l’enseignement sont garantis à l’enfant vis-à-vis de ses parents et de l’État.
L’État doit garantir toute forme de protection à tous les enfants sans discrimination et en fonction de leur intérêt supérieur » ;
Profondément préoccupés par les conséquences de la pandémie « Covid-19 » sur le sort des personnes les plus vulnérables dont les enfants ;
1) Notent, avec une grande inquiétude, que la pandémie « Covid-19 » et les restrictions qui en ont résulté par suite de l’adoption du décret présidentiel n° 2020-28 du 22 mars 2020, ont accentué la discrimination et creusé les inégalités entre les enfants, au détriment notamment des enfants pauvres et de leurs familles démunies, et ce, en dépit des aides et des mesures sociales d’accompagnement arrêtées par le Chef du gouvernement, qui pourraient s’avérer dérisoires en rapport avec la réalité.
2) Expriment leur vive préoccupation quant à l’interruption des services de protection de l’enfance déjà limités exacerbant la vulnérabilité des enfants abandonnés, des enfants handicapés, des enfants privés d’écoles, de lycées et de loisirs, dont encore un grand nombre n'ont pas accès au numérique et ne peuvent être aidés par leurs parents, des enfants exposés aux différentes formes de violences et mauvais traitements, y compris au sein du foyer familial ou dans certaines institutions et centres de protection, qui se révèlent pour beaucoup d’entre eux, en cette même période de confinement sanitaire total, un lieu de peur et non un lieu de sécurité.
3) Regrettent vivement que les mesures arrêtées par les pouvoirs publics, pour remédier aux conséquences économiques et sociales du confinement sanitaire général, ainsi que celles rendues par les tribunaux, ne prennent pas suffisamment en considération le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant proclamé par la Convention des droits de l’enfant et consacré expressément en Tunisie par l’article 4 du Code de protection de l’enfant et l’article 47 de la Constitution, y compris notamment lors du règlement de différends relatifs à la garde des enfants et l’à l’exercice du droit de visite dans le strict respect des restrictions sanitaires décrétées par les pouvoirs publics.
4) Déplorent que les enfants n’aient pas été en mesure d’exprimer leur opinion et de participer activement, en fonction du niveau de développement de leurs capacités, à la réponse à la crise née de la pandémie « Covid-19 ».
Exhortent le gouvernement à tenir compte des recommandations suivantes
R1- Promouvoir le droit de l’enfant à la vie, à la santé et au développement et répondre aux besoins pressants générés par la pandémie «COVID-19»
• Protéger la santé des enfants en veillant à ce que des fournitures et des équipements de protection soient accessibles à toute la population, y compris dans les régions les plus pauvres, où les enfants doivent avoir accès aux services élémentaires dont ils ont besoin pour se protéger, en se lavant correctement les mains et en observant des règles d’hygiène.
• Faire des besoins des enfants vulnérables une priorité et ne pas interrompre les services de santé maternelle, néonatale et infantile qui sauvent des vies.
• Continuer à répondre aux besoins pressants générés par la pandémie « COVID-19 » tout en maintenant des interventions de santé essentielles.
• Intensifier les mesures de protection sociale en adoptant des programmes et des politiques qui permettent aux familles d’accéder à des services vitaux de santé, de nutrition et d’éducation.
• Accélérer l'adoption du projet de loi fondamentale sur la création d'un socle national de protection sociale, y compris l’octroi de l’Allocation universelle pour l'enfance pour tous les enfants jusqu'à l'âge de 18 ans, qui leur permettra de répondre à leurs besoins fondamentaux appropriés à leur développement mental, spirituel, moral et social, en particulier en ce qui concerne la nutrition et l'habillement et les frais d'études de base.
R2- Assurer une protection spéciale aux enfants ayant un handicap
• Intégrer les besoins particuliers des enfants ayant un handicap dans les plans et mesures de prévention, tels que l'élaboration de directives supplémentaires sur le lavage des mains pour les enfants handicapés qui ne peuvent pas se laver les mains fréquemment, ou seuls, ou qui manquent d'eau suffisante pour l'hygiène.
• Fournir des informations précises et disponibles sur la maladie, les méthodes de prévention et les services disponibles, en temps opportun et dans des formats accessibles, tels que la langue des signes, le braille et les services téléphoniques avec des options de texte pour les sourds et les malentendants.
• Fournir aux enfants handicapés, à leurs familles et aux professionnels chargés de leur apporter les soins, des services de consultation préventive, des programmes de conseils en cas de crise et des services supplémentaires de soutien en santé mentale, en particulier pour les enfants ayant des déficiences socio-psychologiques et leurs familles qui peuvent souffrir de stress, d’anxiété et de dépression.
• Mettre l'accent sur le contrôle au sein des établissements de soins, en respectant une hygiène stricte et une distance physique, et en développant des règles pour les visiteurs qui assurent l’arbitrage entre la protection des résidents et des employés avec les besoins de communication avec la famille.
R3- Garantir le droit à l’éducation et permettre aux enfants de continuer à bénéficier des divers moyens d’enseignement et d’apprentissage
• Assurer que tous les enfants disposent d’un accès équitable à l’apprentissage, y compris en comblant la fracture numérique afin de permettre à chaque enfant, où qu’il vive, d’être connecté à Internet et de poursuivre son apprentissage.
• Mettre en place, de concert avec les parents, les personnes qui ont la charge d’enfants et les professionnels de l’éducation, de nouvelles méthodes pour permettre aux enfants de poursuivre leur apprentissage en ligne.
• Préparer la reprise du chemin des écoles dès la fin de la période de confinement sanitaire en veillant notamment à préserver la santé des enfants et à les prémunir des risques de contamination en aménageant des règles particulières d’hygiène, de sécurité et d’organisation du temps et de l'espace dans les différentes institutions scolaires.
• Redoubler d'efforts pour lutter contre l'échec scolaire et le décrochage précoce pour des raisons liées à la crise sanitaire du Covid-19 en veillant à fournir aux élèves en risque de décrochage l’aide appropriée, y compris des séances d'information psychosociales et éducatives et en affectant un nombre suffisant de psychologues et travailleurs sociaux.
• Intensifier les soins des infrastructures scolaires et la fourniture du matériel pédagogique nécessaire, étendre l'utilisation des technologies modernes de l'information et de la communication et développer une interaction positive avec l'environnement, tout en allouant des fonds supplémentaires aux écoles des zones rurales et de l'intérieur pour améliorer les infrastructures et les outils éducatifs.
• Garantir la reprise progressive des services des crèches et jardins d’enfants et prendre des mesures incitatives en faveur de ces services dans les zones rurales et de l'intérieur.
R4- Protéger les enfants de la violence, de l’exploitation et de la maltraitance
• Veiller à ce que la protection des enfants soit pleinement intégrée dans la réponse à la pandémie « Covid-19 », avec des ressources adéquates allouées à la fois pendant et après la pandémie.
• Intensifier les moyens mis à la disposition des opérateurs de première ligne dans les services de protection de l'enfance, y compris notamment les délégués à la protection de l’enfance en vue de recueillir les signalements et de venir en aide aux enfants victimes de violence à la maison ou en ligne.
• Intensifier les campagnes médiatiques pour diffuser les concepts de signalement et les programmes de sensibilisation pour cibler tous les groupes cibles.
• Activer davantage le numéro vert gratuit 1899 pour signaler les diverses formes de violence, d'abus, d'exploitation et de négligence subis par les enfants en période de confinement.
• Empêcher que la pandémie « Covid-19 » se transforme en crise de la protection de l’enfance en veillant, en cas de prise de mesures d’éloignement social et d’autres mesures de riposte, à prendre en compte les dangers uniques auxquels sont exposés les enfants vulnérables, notamment les enfants victimes de discrimination et de stigmatisation.
• Soutenir les enfants séparés temporairement de leurs parents en raison de la maladie et intensifier les services de protection et de santé mentale à distance.
R5- Protéger les enfants réfugiés et migrants et leurs familles
• Renforcer les mesures de protection et d’assistance arrêtées en faveur des étrangers et des membres de leur famille, tant au niveau de l’accès aux soins de santé que des aides sociales d’accompagnement arrêtées par le Gouvernement en vue de faire face à la pandémie « Covid-19 », y compris les mesures consacrées à l’indemnisation au titre du chômage technique.
• Suspendre l’application des sanctions pénales – par ailleurs trop injustes – prévues à l’égard des travailleurs irréguliers et des membres de leurs familles pour non-respect des règles organisant l’emploi de la main-d’œuvre étrangère,
et de la législation relative à la condition des étrangers en Tunisie.
• Examiner avec bienveillance les demandes de régularisation introduites par les immigrés avant l’entrée en vigueur des mesures de confinement sanitaire général.
R6- Répondre avec bienveillance à l’appel de la directrice générale de l’UNICEF en vue Libérer les enfants détenus
• Tenir compte des risques encourus par les enfants détenus dans les centres de rééducation de contracter le « Covid-19 » et ordonner la libération de ceux d’entre eux qui seraient en mesure de retourner en toute sécurité dans leur famille ou dans toute autre structure appropriée.
• Considérer et concevoir des mécanismes de déjudiciarisation pour les enfants accusés d’infractions délictuelles sans grande gravité.
• Appliquer un moratoire immédiat sur les nouvelles admissions d'enfants dans des centres de détention, y compris notamment les enfants ayant commis des délits.
• Veiller, pour les enfants ayant commis des crimes graves et non susceptibles de bénéficier de la mesure de libération exceptionnelle à réduire le nombre d’enfants par centre de rééducation et veiller à ce que les enfants ainsi privés de liberté bénéficient du meilleur état de santé possible, aient accès aux soins préventifs et curatifs appropriés et à une éducation sanitaire et qu’une attention particulière soit accordée aux risques pour la santé découlant de la privation de liberté.
• Intensifier les efforts visant à maintenir en tout temps les locaux des institutions hébergeant des enfants en état et propres et à ce que ces derniers puissent accéder facilement à des installations sanitaires hygiéniques et respectant leur intimité.
Télécharger le document des organisations, associations et personnalité.e.s signataires
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