Mohamed Chawki Abid - Covid-19: Quelle nouvelle stratégie de combat?
Nous avons entamé, depuis un mois et demi, une longue guerre contre un ennemi invisible et féroce, qui s’avère extrêmement offensif face à un faible système défensif. Au terme d’un premier plan de lutte préventive, la physionomie épidémique parait stable en Tunisie, mais demeure fragile. Cependant, toute levée partielle du confinement devrait être astreinte à une série de préalables, en vue de circonscrire tout risque de submersion par une seconde vague dévastatrice.
En Tunisie, le confinement total commence à donner des résultats satisfaisants notamment en matière de ralentissement de la croissance de la courbe de contamination en vue de son aplatissement (nombre de porteurs actifs = nombre de cas identifiés – nombre de décès – nombre de malades rétablis).
Toutefois, si le confinement venait à se prolonger très longtemps avant l’apparition d’un remède approprié, il causerait plusieurs nuisances sociales et entrainerait d'importants préjudices économiques, d’autant plus que le taux de déclin économique évoluera dans le même sens que la durée de l’épidémie.
Au niveau mondial, les épidémiologistes assurent que la pandémie continuera de se propager sur plus de 6 mois (voire plus d'un an), ce qui entraînera la mort de centaines de milliers d'êtres humains (sinon de millions), l'épuisement des économies internationales, et le supplice des couches sociales fragiles. Ils précisent que l’enrayement de la pandémie ne pourra se produire qu’à l’une des deux conditions :
• mise en œuvre et distribution d’un ou plusieurs traitements efficaces
• constatation d’une immunité collective après contamination des deux tiers de population.
Dans l’attente d’une mise sur le marché de produits pharmaceutiques performants, la littérature scientifique révèle l’existence de deux formes de ‘‘stratégie d’étouffement’’ de l’épidémie meurtrière:
1) Le confinement intermittent pour l’ensemble de la population, au cas où l'économie du pays est forte et les caisses de l'État renferment suffisamment de réserves pour distribuer des dédommagements et assurer des compensations ; ce qui n’est pas le cas pour la Tunisie.
2) Le confinement strict et sélectif pour les individus à faible immunité et les personnes âgées (+65ans), conjugué à une campagne massive de dépistage ciblé pour identifier & isoler les porteurs et contenir l'infection, avec obligation du port de masques pour les individus non confinés.
Même le choix de la stratégie de confinement par intermittence (alternance de confinement et de déconfinement), non adaptée pour la Tunisie de par son coût insoutenable, il n’est envisageable qu’après avoir bien dépassé le pic de la courbe épidémique et enregistré une baisse considérable durant au moins une quinzaine de jours.
Afin d'atténuer ces retombées dramatiques et redémarrer la machine économique dans la pérennité, le gouvernement tunisien étudie sérieusement le scénario d’un confinement sélectif, orienté sur les personnes âgées ou fragiles et les individus porteurs de covid, le reste de la population restant opérationnel avec des mesures barrière (port de masque obligatoire, distanciation sociale, interdiction de foules, ...).
Dans cette perspective, les scientifiques nous alertent que si nous déconfinons trop vite avant d’atteindre la crête de la cloche, une nouvelle vague nous renversera et nous fera tomber au fond avant d’essayer de remonter de nouveau une pente encore plus raide. Par conséquent, un déconfinement rapide, non assorti de mesures consolidatrices et de conditions prudentielles, pourra nous exposer à un retour violent et renversant de l’épidémie.
Redoutant l'arrivée d'une seconde vague dévastatrice avant l'apparition d'un traitement pharmaceutique efficace ou avant atteindre le seuil d'immunité collective (contamination de 60 à 70% de la population), je suis parmi ceux qui conditionnent un éventuel déconfinement partiel à la réalisation des actions préalables suivantes:
1- confirmation du fléchissement de la courbe épidémique ‘‘covid actifs’’, obtenue par l’intégration des cas infectés, des admis en soins intensifs, des décès et surtout des malades rétablis
2- large campagne de dépistage massif à raison de 5.000 tests par jour dans les périmètres touchés, identifiés par le traçage de la circulation des porteurs confirmés
3- mise en isolement obligatoire et rigoureux des nouveaux covid+ dans des locaux dédiés
4- confinement sélectif et rigoureux des individus souffrant de maladies chroniques ou potentiellement fragiles (+65ans, faible immunité, ...)
5- numérisation maximale des services basiques au public par l'administration, les banques et divers autres prestataires ordinaires
6- port de masque obligatoire par les individus sains (≈90%) avec limitation de leurs sorties au travail ou aux courses de première nécessité, et respect stricte de la distanciation sociale
7- maintien de l'interdiction des mouvements de foules et des rassemblements de toutes natures
8- déconcentration des classes scolaires et amphi universitaires, avec répartition en petits groupes
9- instauration de règles de distanciation sanitaire dans l’usage du transport en commun
10- sanctions financières et administratives de toutes formes d’infraction aux mesures (oubli de port de masque, spéculation, déconfinement interdit, viol de l’isolement obligatoire, etc…).
Ce faisant l'appareil économique se remettra en marche, les petits commerces & services reprendront leurs activités, et les élèves-étudiants retourneront à l'école. Le port obligatoire de masque n’empêchera pas le Covid-19 de renouer avec la contagion, qui s’activera à arroser progressivement la majorité de la population déconfinée, jusqu'à atteindre le seuil d'immunité collective et briser in fine le processus épidémique.
Sans la mise sur le marché de produits pharmaceutiques efficaces (vaccin ou remède), ou sans constatation d’une immunité collective, toute baisse rapide de la garde anti-covid serait suicidaire.
Mohamed Chawki Abid
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