News - 30.03.2020

Hatem Kotrane: Comment régulariser le sort des travailleurs migrants et des membres de leur famille en période de confinement sanitaire général

Le sort des travailleurs migrants et des membres de leur famille en période de confinement sanitaire général : Régulariser leur situation pour les protéger du «Covid-19»

(A) Analyse de la situation

1. Partout où le confinement est appliqué, en Tunisie comme ailleurs, se pose la question du sort des populations les plus exposées – dont les travailleurs migrants, surtout ceux d’entre eux en situation irrégulière. Le Portugal, par exemple, vient de donner un exemple pour tous les pays européens, en régularisant toutes les personnes qui en avaient fait la demande avant l’entrée en vigueur de l’état d’urgence, observe El País(1). Ils obtiennent ainsi “les mêmes droits que les citoyens portugais”, tant au niveau de l’accès des soins de santé que des aides financières, explique le journal.

2. La Tunisie, qui n’est est pas elle-même un pays d’immigration, gagnerait néanmoins à prendre des mesures similaires, en vue du traitement de la situation des travailleurs migrants et des membres de leurs familles, notamment les ressortissants de pays africains subsahariens contraints de rester en Tunisie, du fait des restrictions à la circulation et au transport international des personnes en cette période de confinement sanitaire général décrétées par les pouvoirs publics.

3. Cela permet de résoudre le problème bureaucratique entraîné par l’état de confinement sanitaire général : de nombreux services publics étant fermés, dont les services en charge de l’immigration, les travailleurs étrangers ne seraient pas en mesure d’honorer les rendez-vous accordés précédemment pour régulariser leur situation. De même, les permis de séjour peuvent arriver à échéance sans être renouvelés dans les conditions définies par la réglementation en vigueur, à savoir les dispositions des articles 258 à 269 du Code du travail (Chapitre II du LIVRE VII « Emploi de la main-d'œuvre étrangère »), ainsi que celles découlant de la loi n° 1968-07 du 8 mars 1968 relative à la condition des étrangers en Tunisie et du décret n° 1968-198 du 28 juin 1968 règlementant les conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Tunisie.

3. Le système ainsi mis en place est assorti de sanctions pénales, sous forme de peines contraventionnelles pour l’employeur et pour le travailleur qui continuerait à travailler, malgré la réquisition notifiée par l'un des agents de contrôle : la peine est une peine privative de liberté : 1 à 15 jours de prison et une amende de 120 à 300 dinars ou l'une de ces deux peines seulement (article 266 CT).

(B) Recommandations

4. Des mesures exceptionnelles gagneraient à être adoptées vis-à-vis des travailleurs migrants en cette période de confinement sanitaire général décrétées par les pouvoirs publics, pour rompre avec le système actuel de traitement, suggérant notamment les recommandations suivantes :

R1- Suspendre l’application :

Des sanctions pénales – par ailleurs trop injustes – prévues à l’égard du travailleur irrégulier pour non-respect des règles organisant l’emploi de la main-d’œuvre étrangère,
De la loi n° 1968-07 du 8 mars 1968 relative à la condition des étrangers en Tunisie, notamment son article 11 conférant aux services de sécurité la possibilité de retirer la carte de séjour temporaire à tout étranger « … si les raisons pour lesquelles la carte de séjour lui a été accordée ont disparu », et
D décret n° 1968-198 du 28 juin 1968 règlementant les conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Tunisie, notamment ses articles 33 et 34  concernant le délai prévu au migrant pour quitter le pays en cas de retrait du visa de séjour (délai de 8 jours). 

R2- Régulariser tous les immigrés qui avaient introduit une demande avant l’entrée en vigueur des mesures de confinement sanitaire général.

R3- Reconnaître, surtout, à tous les étrangers et aux membres de leur famille les mêmes droits que les citoyens tunisiens, tant au niveau de l’accès aux soins de santé que des aides sociales d’accompagnement arrêtées par le Gouvernement, y compris les mesures consacrées à l’indemnisation au titre du chômage technique.

Hatem Kotrane
Professeur à la Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales

 

(1) Cf. Courrier international, « Pandémie- Le Portugal régularise temporairement ses immigrés pour les protéger du Covid-19, EL PAÍS - MADRID, Publié le 29/03/2020 - 10:57.

 

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