News - 26.03.2020

Samir Abdelly : Le coronavirus Peut-on invoquer la force majeure pour résilier les contrats ?

Samir Abdelly : Le coronavirus Peut-on invoquer la force majeure pour résilier les contrats ?

Le Corona virus est devenu une source de peur et d’anxiété dans le monde entier sur une échelle personnelle, gouvernementale et au niveau des entreprises. Le monde des affaires se trouve face à des défis majeurs qui l’obligent à prendre de dures décisions et voir s’il est capable de maintenir ses activités et toute sorte de service d’approvisionnement et de livraison de marchandises; et en même temps remplir leurs obligations contractuelles avec la conjoncture critique actuelle.

Comme nous avons pu le constater, et particulièrement dans le domaine de l’hôtellerie, le sport et le divertissement, les annulations et des reports sont d’une très forte probabilité voire inévitables dans certains domaines, ce qui va cause la perte d’emploi de beaucoup de salariés.

Tout cela mènera à des blocages au niveau des affaires et rend l’accomplissement des engagements contractuels difficile voire impossible.

Par conséquent,  ce qui aura assurément un impact négatif sur les prestations de services et de engendrera un manque de liquidité financière, ceci étant deux conséquences parmi d’innombrables autres répercussions qui en résulteront.

Compte tenu de ce qui a été  exposé, cela entraînera des litiges entre les parties contractuelles à cause des dites répercussions, citons à titre d’exemple les retards et/ou le défaut de livraison dans les délais convenus ou l’absence de la livraison.

Cette situation nécessite une analyse juridique de la part les établissements corporatifs vis-à-vis de leurs cocontractants, les employeurs envers leurs employés, les créanciers envers leurs débiteurs et les fournisseurs envers les clients sur la question de savoir s'il faut suspendre les activités, s'abstenir de payer et/ou mettre fin aux contacts et le plus important encore, si la survenance du Covid-19 peut justifier légalement de tells agissements ou non.

Il est également important de se concentrer sur le maintien de voies de communication ouvertes et sur la recherche de solutions et de réponses adéquates aux demandes de renseignements.

Prenons par exemple le cas des entreprises, des institutions, des usines et des particuliers qui ont été contraints de suspendre toutes leurs activités commerciales en raison des directives imposées par leurs gouvernements pour refreiner la propagation de Covid-19.

On pourrait très facilement voir comment de tels cas tombent dans des clauses standard de force majeure qui contiennent souvent une référence directe aux pandémies et aux actions du gouvernement ou des pouvoirs publics, bien qu’établir le lien de causalité, l'impact et l'événement de force majeure, reste une barre très haute à franchir.

A travers une perspective tunisienne et internationale, il faut considérer les critères applicables localement aux cas de force majeure susceptibles d'être utilisés par les parties contractantes en Tunisie?

Tandis que les nations du monde entier tentent de gérer la propagation du coronavirus en utilisant des méthodes similaires.

Le domaine juridique diffère d’un pays à un autre compte tenu des différents systèmes juridiques et des forums de règlement des différends.

La plupart des pays arabes ont des systèmes judiciaires basés sur les procédés du droit civil.

Tandis que la plupart des pays anglo-saxons adoptent les systèmes de common law.

Le présent article traite les lois applicable en droit tunisien et au droit des pays du moyen orient et du nord de l’Afrique.

Avant de déployer la situation du Droit tunisien, sur laquelle une partie devrait s'appuyer sur l'absence d'une clause de force majeure expresse, à travers laquelle on peut comprendre à quoi sert ce genre de clause.

Dans un contrat, une clause de force majeure dispense généralement l'une ou les deux parties de l'exécution du contrat d'une manière ou d'une autre à la suite de la survenance de certains événements.

Son principe sous-jacent est que, lors de la survenance de certains événements, qui échappent totalement au contrôle d'une partie, cette partie est dispensée ou a le droit de suspendre l'exécution de la totalité ou d’une partie de ses obligations.

En d'autres termes, cette partie ne sera pas responsable de son manquement aux obligations contractuelles qui lui incombent, conformément à la clause.

En l'absence d'une clause expresse, la partie concernée devrait se référer à la position de la législation tunisienne.

En appliquant la loi tunisienne aux situations liées au Covid-19, il existe quatre scénarios où l'impact du coronavirus pourrait être soulevé comme un événement de force majeure ayant un impact direct sur les activités ou les contrats, comme suit:

1. Dans le cas où le travail, les contrats ou les activités ne sont pas directement et entièrement affectés par les répercussions du COVID-19, par exemple une usine qui produit et fournit des gobelets en plastique et qui continue à être en mesure d'obtenir les composants nécessaires à la fabrication desdits gobelets et d'avoir la main-d'œuvre nécessaire pour maintenir son activité.

Dans ce scénario, la production de l'usine n'a pas été directement affectée par la situation de force majeure en raison du COVID-19.
En conséquence, les obligations continueront et resteront effectives car le cas de force majeure ne s'applique pas à la nature de l'activité et à la disponibilité de tous les composants nécessaires pour que les deux parties mettent en œuvre leurs engagements contractuels.

2. Si la force majeure due au COVID-19 rend l'exécution du contrat impossible à l'égard de l'une ou des deux parties, le contrat est automatiquement annulé par la loi, de sorte que le contrat soit considéré comme inexistant du fait de la subsistance de l’événement considéré comme force majeure.

3. Si l'événement de force majeure est temporaire, il peut être possible d'exécuter une partie du contrat et non le reste des obligations contractuelles.
Dans ce scénario, la partie du contrat impossible à exécuter, peut être supprimée et/ou suspendue et l'autre partie, qui demeure possible à exécuter sera maintenue à condition que son exécution ne cause pas de difficultés graves à l'une des parties du contrat.

En conséquence, les engagements contractuels peuvent être modifiés ou complétés par exemple en ajustant la valeur, la durée ou en déduisant une partie, ou en prolongeant la durée si elle peut être mise en œuvre en raison d’une impossibilité partielle.

Par exemple, si l'impact du COVID-19 se termine bientôt et une partie du contrat peut être déduite tandis que le reste de ce dernier sera exécuté, sauf que dans ce cas, la mise en œuvre de l'engagement déviant éprouvante, de manière significative pour l'une des parties.

4. Même si le contrat est partiellement possible à exécuter, il est permis à l'une des parties du contrat de demander la résiliation du contrat, motivée par l’impossibilité ou la difficulté de l’exécution du contrat ou par la transformation des obligations en d’autres obligations  radicalement différentes de celles contractées au moment de la conclusion du contrat (proche de la doctrine de frustration du droit anglais) même si l'impossibilité est partielle ou temporaire du fait d'un cas de force majeure.

La force majeure peut être claire et évidente et facilement applicable à certains cas tandis que d'autres cas sont beaucoup plus difficiles à argumenter.
Il est essentiel que chaque cas soit traité séparément des autres cas, en tenant compte de sa situation, des faits, des activités et du secteur.

Des changements de situation se produisent quotidiennement et ces changements auront également une incidence sur la possibilité de faire valoir ou non la force majeure, à titre d’exemple la récente directive du ministère de l'Éducation concernant la fermeture des écoles et des établissements d'enseignement. Il ne s'agit pas d'une fermeture définitive, le ministère a spécifié des dates de début et de fin, des programmes d'apprentissage en ligne ont été mis en œuvre par les écoles, les enseignants et le personnel est employé sans qu’aucun remboursement des frais de scolarité ne soit accordé.

Les événements sportifs et de divertissement ont été affectés plus tard que les écoles et voici donc un exemple où le même événement de force majeure affecte certains secteurs et entreprises plus tard que d'autres et probablement avec des impacts plus ou moins importants.

En outre, l'article 282 du code des obligation et des contrats tunisien prévoit qu'en cas d'événements imprévisibles qui rendent l'exécution du contrat contraignante, voire impossible, pour le débiteur d'une manière qui le menace de lourdes pertes, le juge a la discrétion, selon les circonstances et en comparant les intérêts des parties, pour réduire la charge dans des limites raisonnables. Tout accord contraire à la décision du juge est nul.

Le Coronavirus est un événement exceptionnel qui touche plusieurs secteurs mais pendant combien de temps peut-on affirmer qu'il reste imprévisible et que son impact reste le même tout au long de sa chronologie et une fois par exemple, que les plans d'urgence ont été mis en œuvre?

L’Article. 282 et suivants peuvent être utilisés par certaines parties lorsque les obligations contractuelles deviennent impossibles ou contraignantes et que la poursuite même du contrat est directement menacée par le fait de Covid-19.

Une partie peut demander au pouvoir judiciaire d'équilibrer raisonnablement les intérêts des parties du contrat et d'alléger le fardeau de leurs obligations.

Cet équilibre peut être la résiliation du contrat, l'augmentation de la valeur du prix du contrat, ou accorder un délai de grâce ou toute autre circonstance qu'un juge peut, à sa discrétion, déterminer.

En revanche, les critères de force majeure et de circonstances exceptionnelles changeantes ne s'appliquent pas uniquement aux contrats liant les deux parties. Leurs effets peuvent même s'étendre à des actes préjudiciables, qui sont généralement en violation d'une règle de droit ou d'une ordonnance contraignante, survenant entre les parties sans contrat ni accord mutuels.

L'article 82 Code des Obligations et des Contrats Tunisien stipule que toute personne lésée par les actes d'autrui sera indemnisée. L'article 282 et suivants du même Code stipule que si une personne prouve que le dommage a été causé par une cause étrangère dans laquelle elle n'avait aucun pouvoir, un accident soudain, un cas de force majeure, l'acte d'autrui ou l'acte lésé n'était pas lié par une garantie sauf si la loi ou un accord le prévoit.

Une personne est normalement tenue, conformément à la loi, d'indemniser autrui pour le préjudice ou les dommages causés  et qui sont une conséquence directe de son acte.
Toutefois, si la personne prouve que le dommage a été causé par une cause étrangère pour laquelle elle n'avait aucun pouvoir, un accident soudain, un cas de force majeure, l'acte d'autrui ou la personne lésée elle-même, elle ne sera pas tenue d'indemniser pour les dommages subis.

Conformément à ce qui précède, il est incontestable que le COVID-19, qui peut être décrit comme un cas de force majeure pour être un événement mondial impliquant tous les pays du monde et dont les conséquences ne peuvent être prévues ou empêchées, peut dans une large mesure être juridiquement possible pour certaines personnes, les activités commerciales et de services qui ont été directement affectées de soulever le cas de force majeure comme justification et base de la résiliation des contrats.

Les autres secteurs ou entreprises qui ne sont pas directement touchés par la force majeure mais dont le travail et les activités ont été affectés par l'évolution des circonstances engendrées par celle-ci, des coûts ou du temps, qui pourraient modifier les termes du contrat dans l'intérêt des deux parties en raison de l'évolution des circonstances dans société à la suite du COVID19.

Quant aux autres activités qui n'ont pas été affectées par la force majeure ou par les circonstances changeantes, et qui ont été maintenues dans des circonstances tout à fait normales dans le climat actuel, elles ne peuvent pas soulever l’argument de la force majeure et les circonstances d'urgence actuelles.

Cependant, si la crise engendrée par le COVID-19 se poursuit pendant une période plus longue, la situation peut changer dans la mesure où la législation économique, commerciale et les législations connexes pour la protection des individus et la société évoluent et peuvent dans ce cas affecter indirectement certaines activités économiques ou certains contrats établis entre les parties.

En raison de la propagation rapide et mondiale de la maladie, le meilleur conseil qui puisse être donné aux parties prenantes, aux sous-traitants et aux communautés en général est de parvenir à un accord qui satisfera les deux parties à l'amiable, sans avoir recours à la justice ou à des procédures judiciaires, et d'une manière qui tienne compte des conditions économiques, climatiques et sanitaires mondiales afin qu'ils puissent mettre fin à leur relation contractuelle d'une manière qui minimise les dommages, les dépenses ou divise les obligations par étapes de réalisation dans l'avenir, à la fois en termes de temps et valeur d'achat, dans l'intérêt des parties.

Cette opinion peut s'appliquer non seulement à l'entrepreneur, au propriétaire de l'immeuble, à l'acheteur, au vendeur, à l'importateur et à l'exportateur, mais aussi à la banque et à son client et à l'employeur et ses employés et au propriétaire de l'établissement d'enseignement avec ses étudiants et le transporteur avec ses passagers, dans divers secteurs qui ont été touchés par le COVID 19 ou pourraient l'être dans l'avenir, bien sûr, nous souhaitant qu’il soit à sa dernière étape afin de parvenir à la paix et à l'harmonie dans le monde entier.

Dr Samir Abdelly
Lawyer at the Supreme Court
Ceo and Managing Partner


 

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1 Commentaire
Les Commentaires
Benhariz Naim - 26-03-2020 19:32

l'art 282 COC permet certes à toute partie se prévalant de la force majeure d’être exonérée de toute conséquences dues à l'impossibilité d’exécution de ses obligations contractuelles ; Or en application du principe "Le contrat constitue la loi des parties. Pacta sunt servanda, " le pouvoir du juge se limiterait au cas de recours judiciaires à vérifier le bien fondé de l'invocation de la force majeure uniquement , mais sans aucun pouvoir de modifier ou rééquilibrer le contenu des obligations contractuelles Je pense que vu la multiplications des événements perturbant l'exécution des contrats aussi bien au niveau international ou national ( Révolution 2011 / Attentats / gréves sauvages et blocage des sites de chantier ou de production /Chute de la valeur du dinar / Pandémie ) pour le législateur pour adopter la théorie de l'imprévisibilité (HARDSHIP ) permettant au juge d'intervenir pour rétablir l'équilibre des obligations contractuelles à l'instar de l'initiative du législateur Français en 2016 ou le nouvel article 1195 du Code civil dispose : « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent demander d’un commun accord au Juge de procéder à l’adaptation du contrat. À défaut, une partie peut demander au Juge d’y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe »

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