Ann Linde - Ministre suédoise des A.E : Soutien à la Tunisie, hommage à Lina Ben Mhenni et plaidoyer pour la fin du calvaire du peuple libyen (Vidéo)
Stockholm – De l’envoyé spécial de Leaders, Fatma Hentati. L’année 2020 marque la célébration du 60e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Tunisie et la Suède. Une longue amitié de plus de trois cents ans lie déjà les deux pays. Les dernières années de braise sous l’ancien régime avaient affecté la chaleur de ces relations, suscitant, pour des raisons économiques la fermeture pendant plus de 13 ans de l’ambassade de Suède à Tunis. Mais, la visite d’Etat historique effectuée en Suède par le défunt président Béji Caïd Essebsi en novembre 2015 a ressuscité cette amitié et ouvert de nouveaux horizons entre les deux pays.
Dans son magnifique bureau au siège du ministère des Affaires étrangères, en plein centre de Stockholm, la ministre Ann Lind est accueillante. Dès qu’on l’a sollicitée pour une interview à un média tunisien, Leaders, elle s’est arrangée de libérer un créneau de son emploi du temps fort chargé. Autre marque particulière à l’égard de notre pays, en ce début de février 2020: son post sur la page Facebook officielle du ministère où elle exprime ses sincères condoléances et celle de son pays, à la suite du décès de la militante tunisienne des droits de l’Homme Lina Ben Mhenni.
Simple, courtoise et sincère, le visage de la ministre Ann Linde s’illumine à l’évocation de la Tunisie. Recevant l’envoyée spéciale de Leaders, elle n’a éludé aucune question, et a évoqué dans une interview exclusive, tour à tour, les relations bilatérales, la situation en Libye et le plan proposé par le président Donald Trump pour la paix aux Moyen-Orient.
Interview.
Vous venez de rendre hommage à Lina Ben Mhenni, disparue récemment…
C’était une personne très attachante. J’ai moi-même été plusieurs fois en Tunisie en tant que secrétaire nationale du parti social-démocrate suédois et plusieurs de mes collègues et amis ont également publié des posts dans les médias et les réseaux sociaux pour exprimer leurs condoléances, surtout pour l’importante inspiration qu’elle était pour les Tunisiens en général et la jeune génération en particulier.
Où en sont les relations bilatérales entre la Tunisie et la Suède?
Excellentes. Elles remontent à presque trois cents ans. C’est suite à la visite du président Caïd Essebsi en Suède en novembre 2015 que nous avons décidé de rouvrir notre ambassade à Tunis. Ce qui nous a permis de rétablir nos contacts en Tunisie. Comme je l’ai dit, juste après le Printemps arabe, les membres du Parlement, du Centre national, de la Confédération des syndicats et moi-même sommes allés en Tunisie pour renouer de nouveaux contacts, notamment avec M. Mustapha Ben Jaafar, ainsi qu’avec des femmes qui jouent un rôle important dans la vie politique et dans la vie quotidienne.
Nous soutenons cette consolidation de la jeune démocratie tunisienne et nous apprécions beaucoup le fait que les élections de l’année dernière aient été une réussite. La Tunisie est l’un des rares pays du Printemps arabe qui a vraiment connu une évolution positive. Nous continuerons à être un partenaire proche de la Tunisie dans cette évolution.
Je tiens également à dire, en tant qu’ancien ministre du Commerce, qu’il y a des échanges commerciaux entre la Suède et la Tunisie. De nombreuses entreprises suédoises sont établies en Tunisie et tout y est, des cosmétiques à la mode et même les airbags.
Nous entretenons aussi une coopération en matière de développement du journalisme et des médias libres. Et ici, bien sûr, Lina Ben Mhenni a beaucoup fait pour cette coopération. Lina Ben Mhenni nous manquera beaucoup et surtout son expérience en tant que militante tunisienne.
La Suède est l’un des pionniers de l’égalité hommes/femmes dans le monde. La Tunisie a accueilli le forum du «Gender Equality» en avril dernier qui est une continuité du même forum à Stockholm. Pourquoi avez-vous choisi d’organiser ce forum à Tunis?
En fait, depuis cinq ans, la Suède a une politique étrangère féministe et je cite très souvent la Tunisie comme exemple pour une égalité formelle entre les genres qui fait suite à la conférence sur l’égalité des genres que nous avons initiée ici à Stockholm. Pour nous, les questions des droits de la femme, de l’autonomisation des femmes, de la représentation des femmes sont essentielles. Quand nous disons Femme, nous parlons aussi de paix, de sécurité et de santé, ainsi que du développement social et économique des femmes. Tous ces sujets sont très importants. Et je pense que la Tunisie est un partenaire dans ce travail.
La Suède a toujours été une terre d’asile. Qu’ils viennent de l’UE ou de partout dans le monde, vous les accueillez et les intégrez dans votre société. Aujourd’hui, la Libye est en pleine ébullition et nous nous attendons à recevoir un grand nombre de refugiés. Quelle est votre analyse de la situation en Libye? Quelles recommandations donneriez-vous au gouvernement tunisien pour faire face à cet afflux de réfugiés?
La situation en Libye est très importante dans l’agenda politique actuel. Hier encore, je discutais de la situation avec mes collègues. Le peuple libyen se trouve dans une situation très, très difficile et il devrait avoir le droit de jouir de la paix, de la démocratie et de la stabilité comme tout autre peuple. Mais aujourd’hui, la situation se détériore et il est nécessaire de respecter pleinement l’embargo sur les armes imposé par les Nations unies. Il y a eu un sommet à Berlin, et j’espère vraiment que les conclusions ne tarderont pas. Mais malheureusement, les développements sur le terrain n’incitent pas à l’optimisme. C’est une situation difficile à bien des égards. En tant que ministre, je constate que la femme est la grande absente dans les discussions alors que sa présence est absolument importante.
Lorsqu’il s’agit d’un réfugié, la meilleure chose est, bien sûr, que les gens n’aient pas la contrainte de fuir leur pays. La meilleure chose à faire pour éviter que les gens ne soient pas obligés de fuir, c’est de s’occuper de la situation politique en Libye. Quand les migrants arrivent, la situation est très difficile pour les pays d’accueil.
Comme vous le savez, depuis 2015, la Suède a accueilli environ 260.000 réfugiés. Nous estimons que le plus important est de faire en sorte que ces personnes s’intègrent dans la société. Mais ce n’est pas une tâche facile pour un pays qui accueille des migrants.
Qu'elle est la position la Suède concernant le plan Trump pour le Moyen-Orient?
L’Union européenne dont la Suède fait partie continuera à défendre le droit international et les résolutions pertinentes des Nations unies. Le conflit entre Israël et la Palestine doit être négocié avec les deux partenaires qui y participent. Et puis, j’ai pris note que la Ligue des Etats arabes et l’Organisation de la Coopération islamique ont fait des déclarations claires. Je pense que la société internationale doit défendre une solution à deux États, avec Israël et la Palestine comme États aux frontières reconnues et sûres. Jérusalem devrait être la capitale de ces deux sites. Et aussi, quand il s’agit d’annexion, nous sommes très inquiets parce que c’est contraire au droit international. La question de l’annexion de la vallée du Cisjordanie est, bien sûr, particulièrement préoccupante. Cela dit, Israël a évidemment des préoccupations quant à sa sécurité qui doivent être satisfaites et le droit d’existence d’Israël ne devrait jamais être remis en question. Mais à mon avis, il est nécessaire que les Palestiniens fassent partie d’un accord négocié et non pas, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Propos recueillis par Fatma Hentati
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