Blogs - 04.02.2020

Hédi Béhi: Quand les footballeurs montrent la voie

Hédi Béhi: Quand les footballeurs montrent la voie

Le monde du football nord-africain est en train de vivre une véritable révolution, similaire à celle que le football européen avait connue en 1995 avec le fameux arrêt Bosman qui avait permis aux joueurs communautaires d’évoluer dans les clubs européens sans tenir compte des quotas imposés aux joueurs étrangers. Un quart de siècle plus tard, c’est au tour des footballeurs nord-africains de bénéficier  des mêmes avantages grâce aux mesures prises dans ce sens par l’Unaf (l’Union nord-africaine de football). Plus réactifs que leurs homologues marocains, algériens, libyens ou égyptiens, les dirigeants sportifs tunisiens ont été les premiers à les appliquer. «La Tunisie est devenue le nouvel eldorado des footballeurs algériens», constate avec amertume le quotidien algérois L’expression. De fait, en un laps de temps très court, les grands clubs tunisiens, notamment l’Espérance sportive de Tunis, l’Etoile sportive du Sahel et... l’Union sportive de Tataouine, ont écrémé les clubs algériens et libyens, les privant de leurs meilleurs éléments. On parle déjà d’une bonne vingtaine de footballeurs algériens et d’une dizaine de joueurs libyens qui ont été recrutés lors du mercato d’hiver. A titre d’exemple, l’équipe sénior du club de Bab Souika pourra évoluer avec pas moins de 6 joueurs algériens et 3 ou 4 joueurs libyens.

En prenant cette décision, l’Unaf vient peut-être de donner un coup d’accélérateur au football tunisien en réussissant là où les politiciens avaient lamentablement échoué pendant des décennies. En même temps, elle a ouvert une brèche dans un souverainisme suranné qui avait empêché les pays maghrébins depuis une cinquantaine d’années de réussir leur intégration économique à l’instar des autres ensembles économiques régionaux. Il est des termes ou des concepts qui, à force d’être pris en mauvaise part, ont fini par prendre une connotation péjorative. c'est le cas de La libre circulation des personnes et des biens à travers les frontières dans quelque secteur que ce soit n’a jamais été une atteinte à la souveraineté d’un pays. Bien au contraire, c’est la preuve d’une confiance en soi et le révélateur d’une volonté de s’ouvrir sur l’autre, surtout dans un monde globalisé. En tout cas, l’Unaf a eu le mérite de s’attaquer à un sujet tabou. C’est un pas dans la bonne direction qui pourrait inspirer les politiques d’autant plus que les hommes d’affaires réclament depuis longtemps une mesure similaire sans être entendus.

Il y a quelques années, Moncef Marzouki, alors président de la République, avait décidé unilatéralement d’ouvrir les frontières aux Algériens. Nos voisins devaient bénéficier de la liberté de se déplacer, étudier, travailler et résider en Tunisie. Mal lui en a  pris. Il s’est fait rabrouer par les Algériens comme s’il avait commis l’irréparable.

En visite en Tunisie, il y a quelques années, l’ancien Premier ministre marocain Abderrahmane El Youssefi a raconté comment un groupe d’étudiants maghrébins s’était rendu à Alger au lendemain de l’indépendance de l’Algérie pour demander à Ferhat Abbas, alors  président provisoire de la République, d’œuvrer pour l’accélération du processus d’unification du Maghreb et la suppression des frontières. Sa réponse a été claire : «Laissez-nous le temps de savourer notre indépendance, notre hymne national, notre drapeau. On verra plus tard». Deux exemples qui montrent bien à quel point on est rétif à tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à l’abandon d’une parcelle de notre souveraineté.

Soixante ans après les indépendances, les politiques maghrébins, s’accrochant à leurs vieilles lunes, en sont encore à savourer leurs drapeaux et leurs indépendances comme si c’était la fin des fins, au point de ne pas s’être aperçus que le monde avait changé et que par leur passéisme, ils représentent aujourd’hui un obstacle infranchissable à toute velléité d’action commune et d’ouverture sur le monde.

Hédi Béhi

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1 Commentaire
Les Commentaires
Touhami Bennour - 04-02-2020 23:41

il est toujours deux choix possible,ou bien le repli sur soi parce qu´on est grand ou parce qu´on a des resources nuturelles, les alliances viennent après, l´exemple de la grande Bretagne et l´EU. L´Angleterre est un grand pays et un passé qui lui manque. C´est l´esprit du temps. Les sociétés sont devant le choix ", les uns ont devant eux les consommateurs, il doivent alors chercher les alliances, les autres choisissent le nationalisme s´ils sont grands. Il faut en tenir compte.

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