Opinions - 02.02.2020

Neila Charchour: Scénario de sortie de crise

Neila Charchour: Scénario de sortie de crise

L’article intitulé «Détresse» de Taoufik Habaieb m’a beaucoup interpelée. Il y dresse un bilan complet de la sombre situation politique, économique et sociale de notre pays.  Il m’a interpelée surtout par  sa dernière phrase: «Qui en est conscient?»

Une question étonnante, car comment ne pas être conscient de ce que nous vivons?

Puis je me suis souvenue d’un certain nombre de réflexions qui m’ont semblées si évidentes au point de ne jamais en parler alors que le temps a démontré plus tard qu’elles étaient fondamentales et qu’il aurait fallu en parler à temps avant qu’il ne soit trop tard.

Par ailleurs, j’ai presque cessé d’écrire, parce que je constate que tout ce qui se dit sur les plateaux de télévision, à la radio ou sur les journaux n’a aucun impact réel sur le quotidien des Tunisiens.  L’on finit par penser que nous ne sommes jamais entendus et qu’il ne reste que  la violence comme ultime recours. D’ailleurs, au niveau verbal la violence ne cesse d’augmenter.

Quand j’ai fait part à Si Taoufik de ma déception il m’a répondu par un simple «Ecrivez!»

Je m’y suis mise immédiatement. Oui, son article m’a beaucoup interpelé parce que j’ai eu l’occasion de voir et de ressentir toute cette détresse dont il parle, et ce, lorsque j’ai participé, sans y réussir, à la dernière campagne électorale législative.

Mais soyons optimiste et tirons profit de cette expérience afin d’être constructif et de faire renaitre l’espoir. Je propose de: Lancer le Premier Gouvernorat du Futur en Tunisie.

Ma réflexion première est partie du plus triste constat, la majorité de la jeunesse s’expatrie ou rêve de s’expatrier par n’importe quel moyen au risque même de leur vie.
Or nous savons tous, que les Tunisiens expatriés sont capables de produire et même de briller à l’étranger dans le cadre d’une bonne gouvernance. Autrement dit, le problème ne se trouve pas dans le peuple tunisien avec ses différents niveaux intellectuels, sociaux et financiers mais bien dans le mode de gouvernance qui est appliqué dans le pays.
Un mode de gouvernance qui découle d’une législation obsolète et dictatoriale. Un mode de gouvernance qui génère des comportements  très négatifs chez le citoyen qui le subit et devient donc dépourvu de tout sentiment d’appartenance.

En effet autant notre mode de gouvernance que notre législation  n’ont jamais mis le citoyen au centre de leur préoccupations  ni de la construction de leurs stratégies. Ces derniers sont conçus dans l’intérêt et la protection de l’Etat et de ses dirigeants afin de leur permettre, non pas de gouverner, comme dans les pays civilisés, mais de diriger par la force et l’instrumentalisation de la loi si nécessaire.

Il est donc impératif de réformer toutes nos lois en fonction de la nouvelle constitution et de faire prévaloir la présomption d’innocence. Nous sommes usés de subir des justices à différentes vitesses, l’abus de pouvoir et par conséquent l’instabilité d’un système qui finit fatalement par imploser.
Dans notre cas, les soulèvements populaires spontanés de 2010 se sont carrément transformés en révolution  « grâce» à la fuite de Ben Ali. Jamais un Bourguiba n’aurait fui ses responsabilités.

En tant que citoyens, soyons donc responsables et avançons dans la positivité et surtout dans la continuité en évitant les erreurs du passé et en nous basant uniquement sur nos acquis et nos réussites. Tout Etat a besoin de continuité dans sa gouvernance.
Pour en revenir à mon expérience lors de ma campagne électorale, j’étais arrivée à l’idée de faire évoluer le gouvernorat de Monastir vers un gouvernorat modèle.  Malheureusement,  n’ayant pas réussi à me faire élire mais persévérante que je suis surtout face à l’immensité des problèmes à résoudre, je me sens le devoir de participer à créer ne serait-ce qu’un maillon d’une chaine à construire pour sortir notre pays de la crise.

Partant de là, j’ai pensé plus décent de me tourner vers un Gouvernorat moins privilégié que Monastir  et j’ai naturellement pensé  au Gouvernorat de Kasserine berceau de la révolution.

Un gouvernorat qui  souffre depuis fort longtemps, et qui, après neuf ans de révolution n’a pas encore vu aucune amélioration. Un gouvernorat qui a surement ses problèmes spécifiques en plus de tous les problèmes communs à tous les gouvernorats.

Mettre en place un Gouvernorat modèle est autrement moins coûteux que de remettre à niveau un pays entier. Ça permet d’établir plus facilement le budget nécessaire pour une mise à niveau décente et viable. Ça permet de mieux classer les priorités et d’évaluer les réformes nécessaires.  Ça permet de prouver que nous avons la capacité de bien faire et de réussir. Ça permet une saine compétition entre les Gouvernorats. Ça permet enfin de faire avancer le pays et d’obtenir des résultats palpables pour les Tunisiens, pendant que les semblants de partis s’entretuent pour le pouvoir.

Voici donc une esquisse de feuille de route qui une fois appliquée sur une durée maximale de cinq ans dans un gouvernorat, pourrait servir de « Modèle » à tous les autres Gouvernorats.

Axe Sécurité

Faire respecter et appliquer la loi

Mettre le holà à l’insécurité et faire de la sécurité le pilier de l’économie régionale

Axe Gouvernance et décentralisation

Assoir une gouvernance locale conformément à la nouvelle constitution

Mettre un dispositif anti-corruption efficace

Revoir le système de financement de la région

Axe Infrastructures et Investissements

Restaurer l’infrastructure de base

Développer des projets de protection de l’environnement

Développer l’agriculture

Restaurer et rééquiper les écoles, les lycées et les universités

Restaurer et rééquiper les structures sanitaires

Fournir l’eau potable pour tous

Fournir l’énergie solaire pour tous

Axe Services Publiques

Remettre à jour et dynamiser les espaces sportifs et culturels

Numériser l’administration

Axe Commerce et entreprenariat

Créer des pôles technologiques

Développer des «Clusters» dans la région

Favoriser l’exportation

Régulariser le commerce parallèle

Identifier les richesses naturelles de la région et les mettre en valeur

Favoriser la création d’emplois en assouplissant les lois afin de favoriser l’investissement

Classer le gouvernorat en zone touristique

Classer le gouvernorat en zone universitaire

Un tel projet, décortiqué axe par axe, étudié en profondeur et présenté avec une feuille de route précise et complète dans le cadre d’un échéancier réaliste, devrait sans aucun doute recevoir l’appui d’une panoplie de bailleurs de fonds si ce n’est carrément des donateurs. Y réussir garantira la suite.

Ne laissons pas la détresse nous envahir et agissons pour notre pays. Le vrai pouvoir c’est NOUS peuple Tunisien.

Qui serait prêt à s’embarquer avec moi dans cette belle aventure ?

Neila Charchour
Tunis le 02-02-2020

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