Pacte pour la compétitivité économique et l’équité sociale Pour une «République contractuelle»
S’il est normal qu’un pays en transition connaisse des difficultés économiques, il est néanmoins constaté que dans les transitions réussies, la croissance reprend au terme de 3 à 5 ans («courbe en J »), alors que la Tunisie a entamé sa 9e année sans reprise. Si une telle situation perdurait, elle risquerait de conduire à l’échec de notre transition. La Tunisie a donc besoin d’un véritable choc de confiance pour faire face à ce danger.
Or étant donné la complexité du contexte politique, il apparaît qu’aucun gouvernement ne pourra, à lui seul, mettre en œuvre les politiques économiques ambitieuses dont le pays a grand besoin sans les faire porter par l’ensemble des parties prenantes, pouvoirs publics et partenaires sociaux (Ugtt, Utica…), à travers un mode opératoire participatif: le Pacte pour la compétitivité économique et l’équité sociale, instrument clé de la «République contractuelle».
Un tel pacte s’inscrit dans une vision de politique économique que l’on veut pour la Tunisie qui repose sur l’instauration d’un Etat de droit, développementaliste, à la fois social et «business friendly» pour une Tunisie partie prenante du monde de la production et de la création de valeur et non acteur passif dans la division internationale du travail, simple consommateur et importateur en voie de désindustrialisation. Pour cela, il faut mettre en œuvre toute la panoplie de mécanismes de politiques publiques avec pour objectif d’instaurer une discrimination positive en faveur des activités de production au détriment des activités de circulation : importations, rentes…
L’objet du Pacte est d’assurer une mobilisation nationale autour d’objectifs ambitieux mais réalistes à l’horizon 2025. L’Etat s’engagerait sur la mise en œuvre des mesures horizontales et sectorielles spécifiques. Les partenaires sociaux s’engageraient sur la réalisation d’objectifs d’investissement, d’exportation, d’emplois, d’innovation et de RSE.
Cinq objectifs principaux assignés au Pacte à l’horizon 2025
- 4,5 % de croissance du Produit intérieur brut contre 2,5% en 2018
- Des exportations de biens à 90 milliards de dinars contre 41 milliards en 2018
- Un taux d’investissement public et privé de 24 % du PIB contre 19,6 % en 2018 (47 milliards d’investissements en 2025 contre 20 milliards en 2018)
- Une création de 84 000 emplois/an à partir de 2024 contre 28 000 en 2018
- Faire partie du Top 50 des classements Davos et Doing Business.
4,5 % de croissance en 2025 peut paraître un objectif timoré mais l’effort d’investissement qu’il suppose (doubler les exportations et les investissements globaux et tripler les investissements privés et les investissements industriels) fait que des objectifs plus ambitieux seraient tout simplement populistes.
Le Pacte comprend 87 mesures et engagements pour la compétitivité économique et l’équité sociale, répartis en 53 mesures à mettre en œuvre par l’Etat et 34 engagements des partenaires sociaux.
Dans ce cadre, nous pouvons affirmer que le Pacte sera autofinancé, le coût des mesures proposées étant compensé par les effets induits en termes de croissance et d’inclusion de l’informel. Il ne s’agit donc pas d’une relance keynésienne, mais d’interventions ciblées.
Enfin, ce Pacte pour la compétitivité économique et l’équité sociale qui s’inscrit dans le cadre de vingt pactes thématiques et sectoriels selon la répartition suivante:
- Pacte pour la compétitivité économique et l’équité sociale, centré sur les secteurs productifs, et 16 pactes de filières associés: (énergie, phosphate, composants automobiles, composants aéronautiques, TIC, textile, industrie pharmaceutique, huile d’olive, dattes, BTP, logistique, environnement…).
- Pacte contre la pauvreté et la précarité
- Pacte pour la restructuration des entreprises publiques
- Pacte pour la maîtrise des grands équilibres macroéconomiques
Les conditions de réussite et de mise en œuvre de ces pactes sont tributaires de la célérité de leur adoption et de leur mise en œuvre qui nécessite une gouvernance exceptionnelle et appropriée à travers la mise en place d’instances de pilotage impliquant toutes les parties prenantes ainsi que la définition précise des responsabilités et des calendriers.
En conclusion, il est certain que la Tunisie n’a plus droit à l’erreur, notre pays peut et doit s’en sortir, les solutions existent, encore faudrait-il mobiliser toutes les énergies pour les mettre en œuvre et il est certain que si la Tunisie se présentait en rangs serrés, pouvoirs publics et organisations nationales, sur la base de pactes conjoints, cela constituerait le choc de confiance recherché qui s’imposera tant sur le plan national que sur le plan international.
Afif Chelbi
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