Taoufik Habaieb: Il n’y aura pas de miracle !
Où trouver les 11.2 milliards de dinars qui font défaut pour boucler le budget de l’Etat en 2020? Déjà en déficit d’entrée de jeu de 3.3 milliards de dinars, et ne réservant que très peu de crédits à l’investissement public (2 MD en fait), il n’augure aucune réelle relance. Ni les 2.4 milliards à lever sur le marché intérieur, ni les 8.8 milliards à solliciter auprès des institutions financières et du marché financier ne seront aisément mobilisables. Sans donner des gages sérieux de réformes décidées par l’ARP, reconquérir la confiance du FMI, de la Banque mondiale et autres bailleurs de fonds n’est guère assuré.
Le signal fort d’un engagement politique puissant autour d’un gouvernement investi de la confiance de l’ARP à une large majorité tarde à venir. L’atomisation du parlement et les querelles partisanes ne favorisent pas un vote massif et prioritaire en faveur de grandes lois structurantes. Les crédits ne seront alors que parcimonieux, accompagnés de conditions en dose de cheval.
Quelle que soit la compétence des nouveaux gouvernants, le déficit budgétaire sera, comme celui du commerce extérieur et l’aggravation du chômage, au cœur d’une problématique complexe. L’accroissement de l’inflation et l’érosion de la croissance ne feront que plomber davantage une économie sous perfusion. C’est-à-dire flambée des prix, rétraction de l’investissement, fragilisation des finances publiques et autres périls.
La somme des attentes est de loin supérieure au total des ressources. La satisfaction recherchée sera impossible à tenir. En désespoir de cause, alors que les politiques sont en mode échec et que le stress économique et social a atteint son paroxysme, il ne reste plus aux Tunisiens qu’à prendre par leur vote antisystème un risque non calculé. Résolus à tenter l’extrême, l’inattendu, ils se retrouvent face à un président qui demeure encore enveloppé dans son plein mystère, ne livrant rien de son programme. La surenchère « révolutionnaire » gagne les bancs de l’ARP et la force des revendications en tous genres se déploie dans le pays, remontant d’El Kamour (Tataouine) vers la capitale et au-delà.
Le risque d’une déferlante populiste, qui a déjà sévi en Amérique et dans nombre de régions du monde, guette redoutablement la Tunisie. La démocratie n’a pas toujours rapidement généré une prospérité économique et instauré la paix sociale. Elle a souvent été minée par les démagogues et leurs successeurs, les populistes. Lorsque l’Etat échoue à redéfinir son rôle, à repenser ses institutions et à intégrer les changements profonds qui traversent la société, une brèche s’ouvre et s’élargit rapidement pour laisser s’y engouffrer les fausses promesses et l’exacerbation des passions. Une fois installés au pouvoir, les populistes, même dans une alternance entre populisme de droite conservateur et populisme de gauche libéral, mettront alors plusieurs décennies pour en être délogés.
Echouer : est-ce une marque de fabrique de tant de dirigeants qui se sont succédé au pouvoir? Les dégâts sont lourds. Le désenchantement est grand. Le désespoir n’a alors qu’une seule issue : la fronde qui couve. Qui parviendra à se faire entendre auprès des démunis, des laissés-pour-compte? Aucune autorité n’aura les moyens suffisants pour répondre à leurs attentes et les convaincre de patienter encore plus. La corde sera alors rompue et la voie de l’aventure ouverte.
Peut-on compter sur les partis politiques en cas de conflits sociaux et de mouvements populaires? Ils ont montré leurs limites, dans une impuissance totale face aux revendications sociales. De quelle marge de manœuvre disposent l’Ugtt, l’Utica et l’Utap ? Malgré la légitimité de ces grandes centrales —ouvrière, patronale et agricole— et leur crédibilité, elles ne peuvent à elles seules se substituer aux pouvoirs publics. Exerçant leur vigie salutaire, elles pèsent cependant de tout leur poids en régulateur politique, économique et social. Cette aura et la masse de leurs adhérents leur permettent d’agir utilement pour l’édification d’un nouveau front national uni et efficient. Par leur insistance, leur pression et leur ultime exigence, les partis politiques finiront par s’agréger autour d’un projet national de relance politique et de restructuration économique et sociale.
Il n’y aura pas de miracle ! Promettre, c’est mentir ! Ca ne passera plus! Il faut de l’action ! C’est tout ce qu’attendent les Tunisiens en ce nouvel an 2020.
Bonne & Heureuse Année 2020
Taoufik Habaieb
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Avant tout, il faut arrêter pendant un an ou deux toutes les importations sauf le nécessaire pour les soins médicaux et le médicaments. Le reste après il faut aller le chercher chez ceux qui ont volent l'Etat et ceux qui freinent les dossiers administratifs.
Si Taoufik, Dans l’absolu vous avez raison ; mais pour l’agriculture et en lui donnant un petit coup de pouce, si on saura bien naviguer dès le début ; on pourra certainement aller dans un sens positif.