News - 09.10.2019

Mohamed Salah Ben Ammar : Vox Populi Vox Dei?

Mohamed Salah Ben Ammar : Vox Populi Vox Dei?

Des années durant je cherchais avec avidité dans les journaux et revues nationales ou internationales le moindre petit entrefilet ou dépêche concernant la Tunisie. Je parcourais des kilomètres pour trouver un numéro du journal le Monde. Aujourd’hui je réalise qu’involontairement mes yeux évitent de capter la partie où je risque de trouver des articles et autres analyses sur la situation actuelle du pays et quand par hasard j’en trouve un, je le lis en diagonale. Que s’est-il passé ces dernières années pour que progressivement je n’essaye même plus de comprendre ce qui nous arrive ? Peut-être la liberté de parole retrouvée, l’abondance de la matière? Pas seulement, à mon avis.

En réalité malgré des efforts sincères, je n’ai pas encore lue une analyse convaincante qui pourrait m’éclairer sur ce que nous vivons actuellement. Certes il y a des bribes de vérités dans certains papiers, le bilan de la dictature, le reliquat des années de plomb, les injustices sociales accumulées, l’apprentissage de la liberté, l’équilibre non trouvé entre les pouvoirs ou plutôt le déséquilibre entre les pouvoirs instauré par la constitution, ou plus conjoncturel l’alliance controversée entre les « deux lignes parallèles » qui ont fini par donner l’illusion de se croiser, ou plus encore le fiasco de ce gouvernement plus préoccupé par son propre avenir que par celui de la Tunisie. Rien de tout cela ne peut expliquer les résultats des élections présidentielles ou législatives. Un vote de rejet sans fil conducteur mais qui expose le pays à de grands risques.

Certes durant les cinq dernières années la classe politique a donné d’elle une piètre image. Elle s’est décrédibilisée, discréditée et pour longtemps auprès de l’opinion publique mais de là à aller voter pour des populistes avec des programmes totalement irréalistes, farfelus, haineux, xénophobes, régionalistes…c’est violent.

Le mal est fait, nous sommes tous perdants et en premier lieu ceux qui ont voulu jouer à un Monopoly politique, malheureusement à les voir pérorer encore je crois qu’ils ne réalisent pas à quel point ils ont mis le pays dans de sales draps. Ils sont responsables de la colère qui s’est traduite par un taux d’abstention record, un désengagement des jeunes et des femmes, une révolte des régions, des chômeurs, des enseignants, des fonctionnaires, des retraités, de tous.

Aux présidentielles, nous aurons au deuxième tour deux candidats atypiques. L’un d’eux est en détention préventive pour des raisons obscures dans tous les sens du terme, l’autre, un conservateur atypique qui n’a pas de parti, pas de programme, n’a jamais fait de politique, plus grave cette tendance a été logiquement confirmée par les législatives.

Nous avons touché du doigt le mal dimanche soir 6 octobre. Les résultats du vote nous ont sidérés. Mes ami(e)s me disent, je ne dors plus la nuit, je me sens étranger(e) dans mon pays, je suis inquiet(e). De fait les profils de certains élus au passé trouble a de quoi inquiéter. Rappelons qu’une fois élu un député devient notre représentant à tous et pas seulement de sa région ou de son parti. Aussi, peut-être avons-nous réalisé que de toute évidence que la prochaine ARP n’a aucune chance de conduire les réformes nécessaires ?  Un exemple, quelle cour constitutionnelle pouvons-nous espérer aujourd’hui ?
Ici se pose la question du mode de scrutin, du financement de la campagne électorale, des modalités de déroulement de la campagne. Un autre exemple de dysfonctionnement, plusieurs candidats à la présidentielle, l’étaient aussi pour les législatives ? Ils ont donc commencé la campagne électorale des semaines bien avant les autres, est-ce équitable ? Ici encore, il y a peu de chance de voir les dysfonctionnements constatés corrigés par la nouvelle assemblée.

Nos concitoyens réaliseront d’eux-mêmes que les discours qu’on leur a vendus sont démagogiques, pèle mêle, je dis que la charité ne réglera pas le drame de la pauvreté, la production de pétrole ou de sel n’est pas la solution, revenir de façon mortifère sur le passé ne réduira pas le chômage, les libertés individuelles avanceront qu’ils le veuillent ou non, le modèle de société qu’ils proposent est hypocrite et irréaliste, la liberté de la femme ne se discute pas…ils finiront par comprendre que le modèle de société ne s’impose pas, il se vit.
Il y a un temps pour tout. Nous n’avons pas le choix, il faut respecter les résultats des urnes, mais le temps de la sidération passé, il faudra corriger le tir, écouter la colère et rapidement se remobiliser pour y répondre et que le discours de la raison redevienne audible pour nos concitoyens. Ne perdons pas espoir et rappelons-nous que l’histoire a plus d’imagination que les hommes.

Dr Mohamed Salah Ben Ammar

 

Vous aimez cet article ? partagez-le avec vos amis ! Abonnez-vous
commenter cet article
2 Commentaires
Les Commentaires
ahmed - 10-10-2019 10:53

En résumé......c’est violent. Des électeurs schysophrènes s'il ne sont pas absents. Quel gâchis!

zakia Ben Mahmoud - 10-10-2019 12:31

Une analyse très juste. La conclusion est optimiste. Karama, Nahdha et les autres c'est l'extrême droite, il faut le dire. Le monopoly politique a cassé beaucoup de partis; tous ceux qui ont approchés Chahed ont été cassée. Il a pleuré tout le temps Hafedh m'a tapé, Zbidi m'a fait, Abdelkafi m'a pris, Karoui makrouna et il a oublié ce qu'il a fait aux autres. C'est un catastrophe

X

Fly-out sidebar

This is an optional, fully widgetized sidebar. Show your latest posts, comments, etc. As is the rest of the menu, the sidebar too is fully color customizable.