News - 19.09.2019

Riadh Zghal-les résultats de la présidentielle: une révolution dans la révolution

Riadh Zghal-les résultats de la présidentielle: une révolution dans la révolution

Beaucoup me demandent ce que je pense du ce résultat des élections présidentielles. Sans m’instituer en experte faiseuse d’opinion, je vais tenter de mettre mes idées au clair. Quelle image offrent ces deux finalistes du premier tour. Les deux reflètent une révolte contre le modèle de gouvernement en place en plus d’une culture d’assisté que les media n’ont pas cessé de cultiver à travers la victimisation et la déresponsabilisation de tous les acteurs, à part l’Etat. Dans l’imaginaire populaire l’idée que l’Etat est sensé apporter toutes les solutions à tout et à tous a été renforcée.

Aujourd’hui il faudra payer pour près de dix ans de sit in, de grèves interminables dans des secteurs vitaux, de barrages de routes, d’insécurité, de pollution des espaces publics, d’aggravation de la pauvreté, d’endettement de l’Etat, de grippage de la machine productive dans plus d’un secteur sans compter l’administration publique...

Le vote pour NK dénote à la fois le poids de la misère économique qui pèse sur une large frange croissante de notre peuple, la croyance dans un président salvateur et l’ignorance du fait que le régime n’est plus présidentiel depuis la promulgation de la nouvelle constitution. Le vote pour KS nous dit-on est nourri par la déception des jeunes, particulièrement des diplômés de l’enseignement supérieur sans emploi, oui mais pas seulement. Les conservateurs dont la référence est la religion et la langue arabe ont voté pour KS. C’est un retour des deux piliers culturels qui ont servi à mobiliser la population dans la lutte contre la colonisation française. On peut également lire dans ce vote un retour à la problématique de l’identité considérée comme usurpée par une classe politique dont beaucoup de ses représentants sont binationaux ou on fait une carrière à l’étranger.

Nombreux sont ceux qui ont été choqués par les résultats du premier tour des élections présidentielles dont moi-même. C’était un peu parce qu’on a oublié que l’on est dans un processus démocratique qui est loin d’être un long fleuve tranquille. Cela d’autant plus que la situation d’après janvier 2011 s’est détérioré sur plus d’un plan. Au moment où il fallait mettre en avant les questions qui répondent à l’appel scandé en décembre-janvier 2011 « Emploi, liberté, dignité » on a occupé l’espace médiatique et politique par un juridisme assourdissant et un débat stérile sur l’identité d’une société plutôt homogène. L’économie, l’emploi, la gouvernance ont été oubliés au profit d’un conseil constitutionnel dont on peut aujourd’hui apprécier les «performances». L’argent qui devait aller à la création de l’emploi productif a été utilisé dans une approche revancharde de «dédommagement» et de financement de nombreuses instances dites indépendantes. Cependant l’application juste des lois laisse encore à désirer, la corruption fait tache d’huile, les réformes salvatrices de l’économie tardent à venir, les responsables des assassinats politiques ne sont pas encore élucidés…

Aujourd’hui, il faut le reconnaître, on est face à l’expression pacifique d’une nouvelle révolution avec les instruments de la démocratie et fort heureusement non pas dans le sang, ce qui dénote de la sagesse de notre peuple et son attachement à la démocratie. On est dans un processus démocratique qu’il faut réinventer car le modèle que l’on a adopté bat de l’aile dans plus d’une vieille démocratie. A cet égard et au jour d’aujourd’hui, il n’est plus possible de faire du business politique «as usual» à moins de courir plus d’un risque : le risque de l’anarchie et de l’intégrisme qui se cachent dans les replis du populisme, le risque d’un retour à la dictature qui peut aussi prendre la forme d’une «démocrature», celui du renforcement de la corruption au point d’en faire un système de gouvernement «normal» et dominant, celui des conflits sanglants. Tout cela est possible si l’on reste sourd à la colère qui vient de s’exprimer à travers le scrutin. On devrait se rappeler que tout va se jouer à travers les élections législatives. On risque de se trouver face à l’un de ces scenarii catastrophe si le scrutin ne permet pas de dégager une majorité parlementaire capable de satisfaire  à l’appel lancé en janvier 2014 «le peuple veut Emploi, Liberté, Dignité Nationale».  

Riadh Zghal 
 

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