Mohamed Larbi Bouguerra: Cuisant échec pour les soutiens d’Israël au Palais Bourbon
Lors de sa séance du 4 juillet 2019, l’Assemblée Nationale française a discuté de la loi relative à la prévention de la haine sur Internet. Trois députés ont tenté d’inscrire l’«apologie de l’antisionisme» dans cette loi. Ils ont déposé quatre projets d’amendement qui ont été tous rejetés. Il s’agit des députés Sylvain Maillard, Aurore Bergé et Meyer Habib.
Or, l’antisémitisme est une forme de racisme et de haine de l’Autre sanctionnée en France par la loi (Loi Gayssot du 13 juillet 1990 réprimant tout acte raciste ou xénophobe) mais l’antisionisme est une opinion politique. Critiquer la politique d’Israël est un crime entonnent en chœur ces trois élus. En somme, pour ces députés, il semble loisible à tout un chacun de critiquer le Nicaragua, le Bhoutan ou même la Chine mais pas Israël !
La voix de son maitre
Le député Meyer Habib est un proche de Netanyahou et un militant actif de son parti droitier, le Likoud. Il est la voix de son maître au Palais Bourbon. N’a-t-il pas appelé, 17 décembre 2018, le Président Macron à transférer l’ambassade de France en Israël à Jérusalem ? Habib se rengorge et éructe : “Par mes prises de position et mon style direct, sans langue de bois, je suis devenu de fait le « Monsieur Israël » de la politique française, voire même un peu le député des Français juifs. On a pu me le reprocher, je l’assume parfaitement et si je suis réélu, je continuerai à défendre Israël avec la même force et la même détermination**…..D’une manière générale, je suis très fier d’avoir clamé haut et fort notre attachement à Israël, à la centralité de Jérusalem. Pour la première fois, j’ai prononcé en hébreu devant un hémicycle plein[du Parlement français] « LéChana HaBaa Bi-Yeroushalaim ». De même, le 17 janvier dernier, devant une assemblée abasourdie, j’ai rappelé au Ministre des Affaires étrangères cette évidence incontestable : « Jamais un juif ne sera un colon à Jérusalem, ni en Judée ou en Samarie. Jamais ! » (Lire Pierre-Alain Depauw, Médias-Presse.Info). Lors du débat, pour probablement impressionner son monde, Habib a rappelé qu’il a eu un entretien en tête-à-tête d’une heure et quart avec le Président Emmanuel Macron et a fustigé le BDS ainsi que l’association France Palestine Solidarité (AFPS)qui dénonce les crimes d’Israël et œuvre pour les droits des Palestiniens et la fin de l’occupation.
L’arrogance de ce personnage est sans limite- un parfait exemple -jusqu’à la caricature- de « l’hubris des sionistes »- : il a poussé l’outrecuidance jusqu’à tweeter, le 3 juillet 2019, pour dénoncer « le manque de courage » du président du Parlement français, Richard Ferrand, qui n’avait pas répondu positivement à ses injonctions.
Une définition qui vise la liberté d’expression
De fait, le 19 février 2019, le Président Macron et le Président du Parlement ont rejeté l’idée d’une loi contre l’antisionisme proposée par Sylvain Maillard.
Et, depuis le 29 mai 2019, la bataille est centrée sur la proposition de résolution 1952 déposée par le même député Sylvain Maillard. Ce projet de texte ne comporte qu’un article unique qui consiste à « approuver sans réserve » la définition dite « IHRA » (Alliance Internationale pour la mémoire de l’Holocauste) de l’antisémitisme.
Cette définition est particulièrement floue. Elle est qualifiée dans le communiqué de presse de l’IHRA comme « une définition de travail non contraignante sur le plan juridique ».
Sa rédaction laisse rêveur : « L’antisémitisme est une certaine perception des Juifs, qui peut s’exprimer par la haine envers les Juifs. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme sont dirigées contre des personnes juives ou non-juives et/ou leur propriété, contre les institutions de la communauté juive ou les lieux religieux. » Par-dessus tout, elle introduit des exemples très contestables. L’introduction à ces exemples affirme d’emblée que : « Les manifestations de l’antisémitisme peuvent inclure le ciblage de l’Etat d’Israël ». L’Etat d’Israël est cité à 9 reprises dans ces exemples. La commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) en France, a rejeté à deux reprises cette « définition ».
En clair, le but cherché n’a d’autre but que de criminaliser la critique de la politique de l’Etat d’Israël et ses orientations. C’est incontestablement une atteinte à la liberté d’expression.
Notons qu’en France, le Collectif National pour une Paix Juste et Durable entre Palestiniens et Israéliens (CNPJDPI) « s’indigne d’apprendre que, la veille de la date programmée pour le débat sur la proposition, M. Sylvain Maillard, député LaREM [Parti du Président Macron] a reçu, avec d’autres députés, une délégation du lobby israélien des colons, en violation totale de la politique de la France, et alors que la colonisation est un crime de guerre en droit international. Et qu’il a évoqué avec eux la proposition de résolution qu’il devait présenter le lendemain à l’Assemblée Nationale ! Alors que l’Etat d’Israël viole tous les jours le droit international et les résolutions de l’ONU, qu’il mène une politique de colonisation qui compromet toute perspective de paix, et qu’il introduit dans sa loi fondamentale des dispositions racistes, suprémacistes et discriminatoires, ce serait une erreur tragique de laisser se développer dans notre pays des conceptions de la lutte contre l’antisémitisme qui la mêlent en quoi que ce soit avec la politique de l’Etat d’Israël ».
La société civile en France s’est fortement mobilisée contre la proposition de Maillard. La Ligue des droits de l’homme, la Plateforme des ONG pour la Palestine et l’APFS ont écrit aux députés de l’Assemblée Nationale et des syndicats, des partis politiques ont manifesté leur opposition à cette résolution.
De leur côté, l’historien Dominique Vidal et le président de l’AFPS, Bertrand Heilbronn, ont été à l’origine d’une lettre signée par 3300 acteurs de la société civile en France remise à tous les membres du Parlement.
Empruntons pour finir la conclusion de l’AFPS sur ces manœuvres cousues de fil blanc des sionistes et des inconditionnels d’Israël pour criminaliser les critiques contre un Etat qui tirent sur les enfants comme des lapins et qui n’a jamais respecté une résolution des Nations Unies : « L’amalgame entre la contestation de la politique israélienne et l’antisémitisme est devenu un « classique » des dirigeants israéliens et de ses soutiens inconditionnels : la « note interprétative » de la Commission européenne sur l’étiquetage des produits des colonies a été qualifiée d’antisémite par Benyamin Netanyahou, et le CRIF a cru bon de déclarer que la tenue de la conférence internationale de Paris en janvier 2017 était « pire que l’affaire Dreyfus » ! Mais au-delà de ces outrances, c’est une politique que l’Etat d’Israël et ses soutiens cherchent à mettre en œuvre : une politique d’amalgame et d’intimidation, extrêmement dangereuse pour le débat public et la liberté d’expression. Un très grand nombre de conférences en milieu universitaire ont été annulées en Angleterre en 2017 à la suite de « l’adoption » de cette définition par le gouvernement britannique. La France et les autres pays européens doivent s’opposer fermement à ces manipulations, et à toute tentative de faire « adopter » une définition sans valeur juridique et qui ne peut qu’introduire la confusion. La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations ne se divise pas, elle ne peut pas devenir l’otage de groupes de pression qui veulent faire taire toute critique contre la politique de l’Etat d’Israël. Au-delà de notre liberté d’expression, c’est l’efficacité du combat anti-raciste et notre cohésion nationale qui sont en jeu. »
Par lettre au Président Macron, l’AFPS demande le rejet de toute ingérence et de toute interférence d’un Etat tiers, sans aucune exception, dans ces débats importants sur sa propre société.
En résumé, la société civile française réclame
- Le retrait définitif de ce projet de résolution de l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale,
- Que la France prenne officiellement ses distances avec « la définition IHRA » de l’antisémitisme et notamment les exemples qui y sont attachés,
- La mise à l’écart de tout Etat tiers et des groupes d’influence qui les représentent, dans la lutte sincère et indispensable contre tous les racismes et l’antisémitisme.
** Défendre Israël qui commet de tels acres, M. le député Habib ?
Abd Arrahman Yaser Shtaiwi, 10 ans a été touché vendredi 12 juillet en pleine tête par une balle explosive tirée par un tireur d’élite.
Abd Arrahman vit dans le village de Kafr Qaddoum, village encerclé par une colonie peuplée de fanatiques religieux.
Tous les vendredis depuis 8 ans, le village et ses habitants manifestent contre la fermeture depuis des décennies par l’armée d’occupation de la route qui conduit au village voisin. Ils sont systématiquement attaqués par l’armée israélienne qui ne supporte pas cette forme de résistance. Le père d’Abd Arrahman est un des responsables de la résistance populaire du village.
Abd Arrahman, jouait non loin de sa maison. IL a, selon des témoins, été visé par un sniper de l’armée israélienne. Un témoin déclare : « J’ai vu un soldat israélien allongé par terre, prêt à tirer. En une seconde l’enfant est tombé à terre. Après, j’ai vu le sang qui coulait de sa tête ».
Les médecins de l’hôpital de Raphidia ont compté entre 60 et 70 fragments de balles dans son cerveau…..
L’AFPS réclame : « Une enquête internationale doit être diligentée sans attendre : toute la clarté doit être faite sur ce qui pourrait bien se révéler être un crime de guerre.
Les dirigeants européens, et notamment Emmanuel Macron, doivent aller au-delà des condamnations certes nécessaires mais inutiles si elles ne sont pas suivies d’actes forts. Benyamin Netanyahou agit en toute impunité. Le soutien inconditionnel de Trump et l’inaction du reste du monde ne peuvent que l’encourager à continuer. Seules des sanctions pourraient l’arrêter. Il est plus que temps de s’engager dans cette voie et de s’y tenir tant que Netanyahou ne respectera pas le droit international et les droits humains. »
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