Mokhtar El Khlifi : Le Front populaire, un exemple à suivre ?
Comme chacun le sait, le FP est un ensemble de partis de gauche qui ont décidé de constituer un front commun autour d’un dénominateur commun qui respecte la spécificité de chacune de ses composantes. Nonobstant cette alliance ce front n’est pas arrivé à constituer un bloc assez puissant légitimant son accès au Pouvoir. Cantonné dans une opposition farouche à presque tout ce que fait le Pouvoir en place de peur que les éventuelles divergences fassent éclater cette force, il donne l’impression à une fraction de citoyens, qu’il verse dans un négativisme qui ne tient pas compte de la situation d’un pays en crise où tous les efforts sont requis pour le sortir, sans compromission, du marasme. Ce négativisme empêche une partie des citoyens à venir renforcer ce Front. Mais cette politique simpliste jusqu’à quand devra-t-elle durer? Certains au FP l’ont compris.
L’élément majeur nouveau a été d’instituer, pour la première fois dans le pays, des primaires devant départager les deux personnalités appartenant à deux partis différents (poct et watad) et qui se proposent d’être candidats aux présidentielles au nom du Front. Bien entendu les deux candidats proposeront à leurs électeurs des programmes d’actions différents et il semble que le plus jeune ( Mongi Rahoui) d’entre les deux candidats a senti intelligemment le besoin d’une adaptation de la politique du Front de nature à attirer de nombreuses nouvelles adhésions et de faire bouger les lignes.
Si la base du Front entérinait la nouvelle orientation, on pourrait s’en réjouir si elle comportait une conception beaucoup moins rigide du rôle de l’Etat et donnait davantage d’importance à divers facteurs tels que le travail, la production, la productivité et concevait le droit à la répartition des richesses, une fois produites, comme une résultante de ces facteurs, pas avant.
Ni l’Etat et ni l’entreprise ne seraient plus considérés comme des ennemis à abattre mais de vrais partenaires pouvant pousser, par exemple, l’entreprise à ouvrir son capital à ses agents.
Une telle évolution serait tentante et amènerait plus d’un à adhérer au Front populaire ainsi rénové.
Nous avons constaté des évolutions similaires dans des pays européens.
Une telle évolution devrait pousser les autres partis, à l’exclusion du parti des islamistes qui a sa propre idéologie et dont on sait les buts, à dépasser leurs égos en se fondant dans un mouvement homogène et à opter pour des primaires qui dégagerait une personnalité représentant ce second front.
La modification du paysage politique qui comprendrait le parti islamique, le Front populaire rénové, le rassemblement souhaité des démocrates progressistes, facilitera grandement le choix des électeurs et éviterait au pays l’abstention et la mainmise définitive du pays, pour longtemps, sans l’ombre d’un doute, du parti Ennahdha, avec toutes les conséquences que cela implique pour notre modèle de société.
Mais pour que les jeunes particulièrement, et les électeurs échaudés, aillent voter, Il reste des préalables à réaliser pour ressusciter une confiance émoussée et créer un nouvel élan. Ils doivent pouvoir croire que les élections de 2019 seront transparentes, amèneront du sang nouveau et donc des idées et une démarche nouvelles marquées par la prééminence de l’intérêt du peuple.
Parmi les préalables à réaliser de préférence, avant les élections, qui pourraient être décalées, si la volonté politique existe, figurent:
- L’ouverture du registre électoral, jusqu’à la veille des élections, pour permettre l’inscription d’une large frange de la société qui semble ne pas être concernée par le devenir de son pays. On ne peut parler de démocratie tronquée.
Une mobilisation des partis politiques, de la société civile et de l’ISIE est plus que nécessaire. A cet égard, la nouvelle direction de l’ISIE ne semble pas disposée à faire bouger les lignes et préfère se réfugier derrière le respect des procédures et des dates. - Le second préalable est que la justice doit se prononcer sur l’existence ou non de « l’appareil secret ». On ne peut aller voter alors que des présomptions d’illégalité pèsent sur certains hommes politiques.
- Le troisième problème est l’épineuse question du financement des partis politiques. Ceux qui sont en charge de contrôler les associations et les comptes des partis doivent faire leur travail. On ne peut accepter que des partis accèdent facilement à des ressources dont la nature est inconnue alors que d’autres n’ont pas suffisamment les moyens financiers de mener leurs campagnes électorales.
- Le quatrième préalable est la modification du mode de scrutin en s’inspirant de ce que propose Monsieur Hachmi Aleya dans son « Kitab » paru récemment, « le modèle tunisien ».
Sa proposition comporte une dose de proportionnelle, une dose d’élections nominatives, à l’échelle locale, des représentants des partis et enfin la nomination directes de certaines personnalités connues pour leurs compétences et leurs expériences dans divers domaines. Cette potion magique est de nature à relever le niveau des débats à l’assemblée, à limiter le nombre des députés et à rendre cette Institution plus efficiente.
A mon avis, mieux vaut introduire ces aménagements au risque de bousculer, faute de temps, les textes, que de reproduire l’expérience de la législature précédente qui a contribué à faire fuir le citoyen de la politique.
Si certains politiciens dont le peuple n’en veut plus parce qu’ils n’ont rien changé, ou n’ont pas pu changer les choses, pourraient défendre, sous de fallacieux prétextes, le maintien du statut quo, refusant ainsi d’instaurer une véritable démocratie et de se sacrifier pour ce pays, il n’y aura pas véritablement des élections susceptibles de tenter l’électeur et le risque islamiste sera au rendez-vous.
Alors, c’est à la société civile de dire non, à sa façon, mais pacifiquement.
Mokhtar El Khlifi
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