Si Mongi Loukil nous a quitté, doucement, sereinement, avec élégance, comme il avait vécu
Je ne vous parlerai pas aujourd’hui du jeune et brillant expert des Nations Unies que sa carrière conduisit d’Afrique en Amérique. Ceux qui ont partagé cette aventure le feront mieux que moi. Je ne vous parlerai pas non plus du nationaliste fervent qui répondit présent à l’appel de son ami Mohamed ben Smaïl, jeune ministre du tourisme de la Tunisie nouvelle. Les anciens de ce ministère s’en souviennent encore. Je ne vous parlerai pas davantagedu pionnier du tourisme qui très vite, avait compris les extraordinaires potentialités de ce secteur où tout était à faire, à condition d’en avoir l’audace et de s’en donner les moyens. Ses pairs sauront le faire. Pas plus que je ne vous parlerai de celui qui eut le courage de sortir des sentiers battus, d’aller là où les autres n’allaient pas, de créer des concepts nouveaux, d’allier le voyage au séjour quand cela n’était pas encore dans l’air du temps. Ceux qui ont suivi son exemple se reconnaitront.
Je voudrais vous parler de l’érudit, de l’amoureux des belles lettres, de l’homme de grande culture passionné d’histoire et de littérature. Celui qui surprenait toujours ses interlocuteurs parce qu’il avait tout lu, analysé, comparé avant tout le monde. Celui qui souhaitait faire de son hôtel emblématique, la Villa Didon, un lieu de rencontre pour les écrivains et n’avait pas hésité à y inviter le jury du prix Goncourt. Je voudrais également vous parler de l’amateur d’art éclairé, au regard affuté, éclectique, audacieux dans ses choix, ouvert à la modernité, avec pour seul critère celui de la qualité. Sa collection d’œuvres d’art, mais aussi de créations de design contemporain, témoigne de la justesse de ses goûts et de la cohérence de sa démarche. Je voudrais aussi évoquer aujourd’hui l’amateur de gastronomie, fin palais qui aimait à faire partager à ses amis les belles tables qu’il savait découvrir avant qu’elles ne soient à la mode. Celui qui avait confié son restaurant à Alain Ducasse, l’inventeur des cuisines du monde, n’hésitant pas ainsi à prendre le risque de bousculer les habitudes culinaires des tunisiens.Je ne voudrais pas oublier de parler du mélomane confirmé, à la vaste culture musicale. Je voudrais enfin vous parler du mécène discret qui savait toujours soutenir un créateur en difficulté, aider à monter un projet, éditer un livre ou finaliser un film.
Et puis, bien sûr, je voudrais vous parler de l’homme qui aimait la femme. Admirateur inconditionnel de la femme tunisienne, de sa force, de sa créativité, il avait choisi de lui rendre hommage en lui consacrant un prix: le Didon d’or. Cet amoureux de Carthage avait choisi la reine emblématique, le plus bel exemple qui soit de l’ingéniosité et de l’esprit d’entreprise, pour honorer la femme tunisienne. Ni culturel, ni social, ni professionnel, ni scientifique, le Didon d’or avait pour particularité de ne s’adresser qu’aux femmes. Il consacrait une femme ou une institution féminine dont l’action aurait honoré son pays, action qui pouvait être la plus simple ou la plus glorieuse, la plus modeste ou la plus valeureuse. Le Didon d’or n’avait d’autre exclusive que l’excellence.
Alya Hamza
- Ecrire un commentaire
- Commenter
Magnifique Hommage à Si Mongi Loukil décrivant ce grand personnage exactement comme je l'ai connu..