Mohamed Larbi Bouguerra: Quand l’archéologie fait voler en éclats la propagande sioniste
Des archéologues israéliens, fouillant au centre de la Palestine, ont mis au jour les restes d’une ville rurale prospère datant du début de la période islamique. On a ainsi découvert de luxueuses demeures décorées avec des mosaïques et des arches, des citernes d’eau enduites de plâtre, des presses à huile jadis très actives ainsi que des ateliers de verrerie remontant à plus de mille ans.
Hélas, personne ne verra ces merveilles léguées par les anciens habitants du site de Chorfat Zacharia appelé aussi Nebi Zacharia. Celui-ci est situé au nord-ouest de la ville de Modi’in, aux abords de l’ancienne route reliant Jérusalem à Jaffa.
Cette zone a déjà révélé un monastère byzantin, des caves utilisées par des moines ermites de la même période ainsi qu’une sépulture décorée byzantine.
La politique du bulldozer que mène Israël contre les maisons et les bâtiments des Palestiniens s’applique aussi à tout ce qui peut rappeler leurs ancêtres tant musulmans que chrétiens.
De fait, le site est livré depuis fin décembre à des entrepreneurs qui vont y construire une plate-forme de logistique et d’industrie! Une pancarte proclame : «Nous offrons un grand choix d’espaces pour l’industrie, le stockage et la logistique.»
Et c’est ainsi que ces beaux restes de la ville islamique disparaîtront à jamais, écrasés par le béton et le bitume.
L’archéologie, entre les mains d’Israël, a toujours été une autre arme de guerre contre l’identité palestinienne. Qui peut oublier les fouilles sous El Haram Echarif sous prétexte de recherche des vestiges du Premier Temple ? Qui peut oublier les tracasseries inventées pour empêcher les travaux d’entretien du Saint Sépulcre et d’autres vénérables églises?
Une ville pacifique et prospère sous les abbasides et les fatimides
Nebi Zacharia est une ville datant des IXème- XIème siècles. On y a découvert des dizaines de constructions révélant une cité bien planifiée, remontant à l’époque où les califes abbassides et fatimides gouvernaient la Palestine. On n’a en fait fouillé que 4000 m2 d’un site bien plus étendu.
Détail important : Nebi Zacharia a abrité des communautés chrétienne et musulmane. On a ainsi découvert des croix gravées sur les pierres des huileries de la ville et des fragments d’inscription en grec, la langue des chrétiens de la région. De plus, les archéologues ont découvert des poids en verre portant des inscriptions en arabe. Ceux-ci devaient servir à peser avec une grande précision des pièces de monnaie. On a aussi mis la main sur des fragments d’inscriptions en arabe d’un verset coranique.
Nulle trace cependant de mosquée ou d’église mais il y a suffisamment d’indices permettant d’attribuer à la ville une identité religieuse mixte.
Pour l’archéologue Avraham Tendler qui dirige les fouilles, la population peut avoir été majoritairement chrétienne comme le prouvent les pièces d’archéologie trouvées ainsi que le rapportent les chroniqueurs contemporains. Ces derniers nous disent que les communautés chrétiennes - notamment dans les zones rurales - ont continué à exister bien après la conquête arabe. (Haaretz, 6 janvier 2019)
Pas de signes de violence
Les fouilles conduites à Nebi Zacharia montrent, selon les spécialistes israéliens, que la transition a été plutôt pacifique quand les armées arabes ont conquis la région sur l’Empire de Byzance dans la deuxième moitié du VIIème siècle. A l’arrivée des Musulmans, le pouvoir changea de main mais rien de plus ne se produisit. Un lent processus de conversion à l’Islam a affecté une partie de la population tant chrétienne que juive. Les habitants jouirent d’une certaine prospérité comme le révèlent les bijoux et les confortables maisons avec sols en mosaïque et plafonds à arches. Le grand nombre d’ateliers et d’entrepôts pour l’huile, la verrerie, le vin et d’autres marchandises suggèrent que Nebi Zacharia était un important centre agricole et industriel pour Jérusalem et pour Ramle qui était la capitale provinciale à l’époque califale. Durant les croisades, la cité a souffert mais a repris brièvement vie sous les Mamelouks entre les 13ème et 14ème siècles avant d’être définitivement abandonnée.
L’activiste Marion Stone affirme que le site n’aurait jamais dû être livré aux investisseurs immobiliers et demande aux autorités d’arrêter la destruction de cette ville islamique et d’en autoriser plutôt la visite. Elle déclare : «Ceci est un site exceptionnel. C’est un endroit magnifique. Détruire quelque chose d’aussi génial est tout simplement criminel.»
Comment affirmer, face à ces preuves, comme le font Netanyahou et ses acolytes, qu’Israël est «l’Etat-nation» des seuls juifs?
Les arguments façonnés par les experts en com’ ne peuvent convaincre… que les Lieberman (ex-ministre promu par les colons et les russophones), Ayelet Shaked («Justice»), Naftali Bennett (Education) et autres Miri Regev (Culture). Tous ces extrémistes continuent, avec leur chef, à raisonner comme Yisraël Koenig qui, dans son rapport datant des années 1970 qualifiait les Palestiniens de «cancer dans le cœur de la nation» menaçant de tuer «un corps sain». (Lire Ilan Pappé, «La propagande d’Israël», Investig’Action, Bruxelles, 2016, p. 50-51).
«Un corps sain»?
Voire
«Ce corps» dans lequel les juifs sépharades s’étaient soulevés à Haïfa en 1959 contre la discrimination dont ils étaient l’objet dans le travail et la vie quotidienne…et cette situation perdure aujourd’hui encore : Avraham Burg, ancien président de la Knesset, écrit dans le quotidien Haaretz (9 août 2016) un long article intitulé «Pour un Israël plus Mizrahi» pour déplorer d’abord la culture par trop ashkénaze de son pays, ensuite, pour dénoncer ses barrières sociales et le plafond de verre – «l’écart social» comme on dit pudiquement en Israël- qui bloquent les juifs orientaux.
Ron Cahlili, juif d’origine égyptienne, a réalisé un documentaire sur la situation des juifs français immigrés en Israël et généralement d’origine sépharade. Il montre que la question de leur discrimination est toujours un sujet tabou en Israël. Cahlili assure dans une interview à Libération (23 février 2018) qu’ «En Israël, les juifs immigrés français sont renvoyés à leur «arabité»» et on leur demande constamment où est né leur grand-père. Même la musique d’inspiration andalouse n’échappe à cette discrimination. Ainsi, le grand chanteur marocain Jo Amar ayant émigré en 1956 en Israël a dû quitter le pays en 1970, sa musique liturgique arabo-andalouse n’ayant pas trouvé sa place!
Mohamed Larbi Bouguerra
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