Abdessalem Kallel - ''Le rêve et le mauvais virage'' : le témoignage d'un (vrai) gouverneur de Bourguiba
Qu’est-ce qui peut inciter un jeune avocat tunisien fraîchement émoulu de la Sorbonne, à l’aube de l’indépendance, de surseoir à arborer la prestigieuse robe noire de défenseur pour consacrer dix ans de sa jeunesse militante à l’action politique sous Bourguiba. Me Abdessalem Kallel nous livre les secrets dans un ouvrage entre récit et essai, intitulé Le rêve et le mauvais virage (Sud Editions). A la différence des mémoires de nombre de proches collaborateurs du Combattant suprême, l’auteur qui a été notamment gouverneur au Kef, après une première expérience sur le terrain à Sfax, puis à la direction du Parti à Tunis, ne se contente pas de restituer son parcours personnel, pourtant si riche. Dans une parie centrale de son livre, il a préféré traiter d’un grand choix politique et économique qui à ce jour n’a pas encore révélé tous ses mystères.
Me Kallel revient, près de cinquante ans après, sur le socialisme destourien prôné par Bourguiba et l’expérience avortée du collectivisme. En acteur sur le terrain, exerçant pleinement le pouvoir local, et en témoin de premier plan ayant pris part à nombre de réunions avec Bourguiba, Béhi Ladgham et Ahmed Ben Salah, il livre une analyse pertinente, nourrie de faits pour la plupart inédits. «La vérité, souligne Chedli Klibi en préface du livre, est celle que nous livre Si Abdessalem : le collectivisme n’a pas échoué. C’est sa généralisation qui a mis en échec cette importante réalisation.»
Refusant de se joindre à la meute, Abdessalem renoncera à son poste de gouverneur à Kasserine, décidant de retrouver sa liberté et de réendosser sa robe d’avocat. L’évocation de cette décision est intéressante à suivre, surtout les débuts difficiles dans le barreau et l’appui providentiel dont il bénéficiera.
Dès le début du livre, à travers un récit passionnant, l’auteur revient sur sa prime enfance dans un borj au milieu d’un vaste jnen à Sfax, ses années de jeunesse au Sadiki, son engagement destourien, militant au sein du Néo-Destour, puis de l’Uget en France. Il nous introduit dans l’intimité des nombreuses rencontres avec Bourguiba et les longues discussions qu’il a eues avec lui, nous faisant découvrir d’autres facettes du Combattant suprême et de sa pensée. La partie consacrée au socialisme destourien relève de la plaidoirie bien argumentée. Celle consacrée aux mémoires, est un grand délice. On y retrouve l’évocation de la naissance de l’Uget, la vie politique durant les premières années de l’indépendance, les visites officielles effectuées par Bourguiba en Yougoslavie et en Grèce, les séjours de Bourguiba au Kef, l’art de tenir compagnie au combattant suprême, d’entretenir la conversation avec lui et de le convaincre du bien-fondé d’une décision à prendre...
Juriste, Abdessalem Kallel est également diplômé en lettres arabes, mais aussi en économie du développement. Cette triple formation, enrichie par une longue expérience, a pétrie son verbe dans un style percutant et raffiné, où le sens de la nuance, et la qualité du récit l’emportent pour garder le lecteur attaché au livre, le savourant de bout en bout, d’un seul trait.
T.H.
Le rêve et le mauvais virage de Abdessalem Kallel
Sud Editions, mai 2018
- Ecrire un commentaire
- Commenter
M Ab M M Abdessalem Kallel est un grand mécénat. Il a offert son borj à une association culturelle qui y exerce actuellement ses activités.Il a crée un prix annuel au meilleur doctorat soutenu à l'université de Sfax. Lors de son passage au gouvernorat du Kef il a désigné mon frère ainé feu Mohamed délégué chargé du collectivisme.Lorsque l'expérience du collectivisme les responsables de ce mouvement furent traduits en justice.M Kalell assuma à ùui seul la responsabilité de l'échec et recommanda à mon frère si jamais il comparait devant un juge de dire je n'ai fait qu'appliquer les instructions du gouverneur.Quelle grandeur d'âme!