Ahmed Ounaies, ancien diplomate : des clefs pour démêler l'écheveau libyen
Avec des initiatives tous azimuts qui se croisent et s'entrecroisent, la crise libyenne ressemble de plus en plus à un écheveau particulièrement emmêlé. Pour vous aider à le démêler nous vous proposons ces quelques extraits de l'interview que l'ancien ambassadeur et fin connaîsseur des relations internationales, Ahmed Ounaïes a accordée à notre consoeur Hella Lahbib de La Presse.
L’impact des dernières initiatives ( la rencontre entre Haftar et Al Sarraj s et l’entretien de Mahmoud Jibril, président de l’Alliance des forces nationales de Libye avec Caïd Essebsi)
Ma conviction est qu’il faut garder la tête froide du fait que les initiatives européennes, française et plus récemment italienne, au cours de laquelle l’Italie a déployé en mer Méditerranée la marine militaire, ne visent pas nécessairement le règlement de la question libyenne. Elles sont plutôt dictées par une priorité européenne qui consiste à mettre un terme à l’invasion croissante de la migration illégale qui en est une, véritablement, quoique pacifique. Ces deux initiatives sont subordonnées à des priorités européennes. Dans le sillage de la démarche européenne, si jamais un dialogue fondamental pouvait s’établir entre les principaux acteurs libyens, ce ne serait pas de refus. Mais la priorité est de répondre à un impératif de sécurité devenu extrêmement pressant aux yeux des Européens.
La position tunisienne?
Le président Caïd Essebsi, à la différence des autres voisins, demande aux Libyens de ne pas prendre en considération les conseils extérieurs quels qu’ils soient. Il les invite à ouvrir des canaux de communication et à s’entendre entre eux, en tant que dirigeants nationalistes libyens appelés à cohabiter demain dans le même pays et avec le même peuple.
Nous n’interférons pas dans les choix nationaux libyens, à la différence de l’Algérie et de l’Egypte. Ces deux pays estiment — et l’ont fait savoir — qu’une entente entre acteurs libyens qui inclurait des forces islamistes ne serait pas acceptable. Pour nous Tunisiens, cette condition signifie que la guerre en Libye ne s’arrêtera pas. En revanche, l’Egypte et l’Algérie soutiennent le général Haftar dans sa doctrine de non-admission d’éléments islamistes au sein du futur régime politique libyen. Haftar est fort de ce soutien, important, bien entendu.
Les chances de succès de l’initiative du président français
A mon avis, elle n’a pas beaucoup de chances d’aboutir. Et pour cause, le même jour les interviews données par l’un et l’autre, Sarraj et Haftar, ont signifié clairement que sur le fond, ils ne sont pas arrivés à trouver un accord. Celui qui résiste le plus, c’est évidemment le général Haftar qui a déclaré que certains alliés de Sarraj — il vise les milices de Mesrata — ne sont pas acceptables en tant que responsables de la sécurité nationale libyenne, et ne devraient pas faire partie du futur Etat libyen. Donc l’adoption d’un communiqué commun préparé par les Français, très habile et prudent, ne les engage en rien, au-delà d’un accord de principe. Sur le plan des compromis nationaux avec les uns et les autres, rien n’est acquis. Donc la question libyenne reste entière.
Quel rôle pour Seif Al Islam
Il n’a pas d’avenir politique. Internationalement, il n’est pas reconnu. Lorsqu’il y aura un gouvernement uni qui contrôlera l’ensemble du territoire par le consensus, à ce moment-là il y aura des élections et le dernier mot incombera aux urnes. Dans les conditions actuelles où il n’y a pas de gouvernement uni, ce sont les acteurs du terrain qui disposent d’une base tribale ou d’une force militaire qui ont la force d’intervenir et sont reconnus.
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