Mohamed Larbi Bouguerra: Les prisonniers palestiniens ont vaincu leurs geôliers!
Pour le gouvernement israélien, c’est une sombre période car, comme disait le Président Chirac, «les ennuis volent en escadrilles.»
D’abord, la visite de Trump - menacé d’impeachment - n’a rien apporté et certains sionistes commencent à regretter son prédécesseur. Du temps d’Obama et de Kerry, Netanyahou savait au moins à quoi s’en tenir tandis qu’ avec Donald Trump, il est en plein cirage. Trump n’a-t-il pas comme politique cette sentence: «I don’t have a clue and I don’t really care» (Je n’en ai pas la moindre idée et je m’en fiche)? Netanyahou pensait s’être débarrassé de l’épine Obama mais avec le nouveau locataire de la Maison Blanche, il se retrouve perdu dans un champ plein de… chardons!
Un peuple réuni, une solidarité sans failles
Ensuite, la grève de la faim de 41 jours des 1600 prisonniers a permis de ressouder le peuple palestinien autour de leurs revendications. Elle a montré aussi la force de la résistance dans toutes les villes de Cisjordanie et de Gaza en dépit d’une répression féroce. Consensus palestinien atteint: les femmes ont cessé de manger et les manifestations ont fait florès! Le leadership de Marwan Barghouti a été assuré non seulement vis-à-vis des prisonniers (Hamas et FPLP compris) mais aussi pour tout le peuple palestinien. De plus, le Shin Bet (espionnage intérieur israélien) et le ministère de la Sécurité Publique ont dû prendre langue avec lui pour mettre fin à la grève en dépit de tous leurs efforts pour la briser; même en mettant la vie des grévistes en grand danger comme le prouve le témoignage de Mahmoud Amil Rimaoui (22 ans) dans l’Humanité (29 mai 2017, p. 5). Ce jeune gréviste, qui ne peut pas se tenir sur ses jambes, déclare : «Le gouvernement israélien a tout essayé pour la [la grève] briser. Par exemple, quand l’un de nous s’effondre, le garde attend de voir si vous vous relevez tout seul. Et, quand il vient, il vous demande d’arrêter la grève pour obtenir des soins…»
La visite de Trump n’a pu écarter la grève de la faim des prisonniers de la première page des journaux. Le jeudi 23 mai 2017, la question de la grève a prévalu lors des entretiens de Mahmoud Abbas avec Jason
Greenblatt, l’envoyé américain. Jack Khoury écrit (Haaretz, 27 mai 2017) que Greenblatt, sitôt la rencontre finie, a mis le cap sur Jérusalem pour pousser les Israéliens à trouver une solution à cette grève. La grève a été au menu des conversations d’Abbas et de Netanyahou avec le locataire de la Maison Blanche.
La solidarité internationale a été déterminante
La cruauté de Benjamin Netanyahou et de Gilad Erdan, son ministre de la Sécurité Publique, a amené la presse à se demander quel intérêt Israël pourrait-il récolter d’une troisième Intifada ? Sur le plan international, nul ne peut ignorer à présent le calvaire que fait subir Israël à ces résistants. Julie M. Norman a évoqué dans The Washington Post (26 avril 2017) « le traitement cruel, inhumain et dégradant » infligé aux prisonniers palestiniens par Israël.
La cruauté du gouvernement sioniste a conduit à des manifestations en faveur des Palestiniens à Paris, à Washington, à Bratislava (Slovaquie), à Albertville, à Lyon, à Nîmes, à Berlin, à Brême (Allemagne), à Londres, à Nairobi… En Afrique du Sud, le vice-président Cyril Ramaphosa a observé une grève de la faim symbolique. En Irlande, d’anciens prisonniers se sont exprimés. Des interpellations ont eu lieu au Parlement Européen - comme celle de Patrick Le Hyaric - et même au Sénat chilien par la voix du sénateur Alejandro Navarro - pour condamner la conduite inhumaine du gouvernement israélien. De leur côté, 26 ONG ont écrit au Président Emmanuel Macron pour qu’il intervienne en faveur des prisonniers palestiniens et rappellent que « la France, garante du droit international, a des obligations au regard de l’article 1 de la 4ème Convention de Genève dont elle est signataire. Elle doit rappeler fermement aux autorités israéliennes la nécessité de se conformer aux lois et normes internationales pertinentes concernant le traitement de détenus palestiniens dans les prisons, ainsi que l’interdiction de transférer les prisonniers hors du territoire occupé ». Par ailleurs, le réalisateur sud-africain primé John Trengove a annulé sa participation à un festival de films à Tel Aviv en déclarant : « Il n’est pas question que ma participation serve à faire diversion par rapport aux violations des droits de l’Homme commises par l’Etat d’Israël. Avec la douleur de l’apartheid encore fraîche dans notre mémoire collective, et sachant ce que je sais maintenant, je ressens comme une nécessité impérieuse le fait de retirer ma participation. »
En quoi consiste la victoire des prisonniers?
Bien entendu, Israël nie avoir négocié avec les prisonniers comme il nie avoir accédé à leurs demandes. Mais tout prouve le contraire de ces mensonges car les négociations ont lieu même si peut être elles ont été indirectes. Netanyahou ne peut admettre avoir cédé car tous ses « camarades » au gouvernement ont fait des déclarations plus incendiaires les unes que les autres au sujet des prisonniers. Une compétition féroce a lieu entre les membres du gouvernement - d’autant que Netanyahou ne sort guère grandi après la visite de Trump, de son passage au Mur des Lamentations seul, sans le moindre représentant sioniste et toujours pas d’ambassade américaine à Jérusalem. Mais Netanyahou ne pouvait laisser les choses empirer à la veille du ramadan… par crainte d’une nouvelle Intifada et d’actes individuels type agressions au couteau ou voitures béliers. Les forces armées israéliennes auraient poussé un soupir de soulagement à l’annonce de la fin de la grève.
Certains résultats de la grève mettront probablement quelque temps pour apparaître. Mais si la grève a cessé c’est que les visites des familles passeront d’une par mois à deux. Elles dureront dorénavant de 45 minutes à une heure. Le détenu pourra faire une photographie avec les siens une fois par an. Des médecins indépendants pourront examiner les prisonniers souffrants et l’hôpital de la prison de Ramla sera amélioré. Les femmes seront rassemblées dans une seule et même prison et seules des gardiennes s’en occuperont. Les prisonniers pourront avoir accès à une cuisine dans toutes les prisons. La promenade quotidienne passera de dix minutes à douze. De nouvelles chaînes TV seront accessibles. Pendant les transferts carcéraux, les prisonniers seront autorisés à aller aux toilettes et à manger. Ils auront accès à une ventilation dans les cellules où la température peut frôler les 40°C.
Les négociations, semble-t-il, se poursuivent pour l’installation de téléphones payants mais dûment surveillés bien entendu, sur la question des études par correspondance et sur la mise au mitard (confinement solitaire).
Les résultats atteints par cette grève héroïque mettent à nu le sadisme et la cruauté des conditions faites aux Palestiniens. Ils ne peuvent cependant faire oublier le drame qui se joue à Gaza. Dans son rapport mensuel soumis au Conseil de Sécurité, Nickolay Mladenov, l’envoyé spécial du Secrétaire Général de l’ONU, écrit : « A Gaza, nous nous dirigeons, les yeux ouverts, vers une autre crise. »
Les prisonniers palestiniens n’en ont pas moins affronté à mains nues l’occupant. Ils ont réussi à le faire plier. En dépit de l’omerta des Occidentaux et d’autres gouvernements. Il faudra dorénavant compter avec ces Palestiniens qui sont derrière les barreaux.
Mohamed Larbi Bouguerra
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