L'ATFD célèbre le 8 mars sur le thème de l’égalité devant l’héritage
La salle du 4e art était bondée le soir du 7 mars, à la veille de la Journée internationale de la femme, où se tenait en avant-première une pièce de théâtre intitulée « Terka » (Héritage), avec un thème d’actualité et clivant : l’égalité des hommes et des femmes devant l’héritage. Montée par un groupe de jeunes de l’Université féministe Ilhem Marzouki, la performance a été encadrée par la comédienne et professeure de théâtre Lobna Mlika et organisée par Emna Ben Miled, psychologue, membre de la commission permanente de l'Université féministe, Ilhem Marzouki (rattachée à l'ATFD).
Une courte pièce humoristique et guillerette, mais qui s’en prend à un thème fortement chargé socialement. Car bien que souvent présentée comme n’intéressant que les cercles bourgeois où les enjeux liés à l’héritage peuvent être conséquents, cette question clive l’opinion dans son ensemble en raison de l’essence islamique – donc sacrée – de la règle en vigueur en matière de partage de l’héritage.
1/3 ? 1/5?
Chaque acte de la pièce se présente sous la forme d’une dialectique entre les personnages qui entend mettre en relief l’anachronisme du dispositif juridique inégalitaire en matière d’héritage, surtout depuis l’accès de la femme à l’espace public. Le but est aussi de tourner en dérision ce qui est perçu comme une absurdité dans la démarche qui consiste à « sur-mathématiser » le lien humain inquantifibale qui peut exister entre un frère et sa sœur. L’un des échanges met ainsi en scène un couple dont les trois enfants (une fille et deux garçons) ne cessent de se disputer jouets, gourmandises, cahiers... Le père, sommé par son épouse de trancher le différend qui divise la fratrie, prend alors l’initiative de départager entre eux les 18 cahiers contestés selon la règle de la double-part pour l’homme. Une démarche qui implique une répartition cocasse (1/5 pour la fille, 2/5 pour les deux garçons) qui nécessite de déchirer des pages puisque 3,6 cahiers reviennent à la fille, 7,2 à chacun de ses deux frères…
«Toucher un public de plus en plus large»
Ecrite collégialement par l’ensemble de l’équipe organisatrice – dont les 9 acteurs de la troupe -, la pièce a ainsi été l’occasion pour l’ATFD de souligner l’importance de la tenue d’événements culturels promouvant l’égalité entre les sexes dans une société tunisienne « où les femmes se voient bien souvent sommées de remplir un double rôle, parfois éreintant, de maîtresse de foyer et de travailleuse », a expliqué Héla Ben Salem, en présentant le travail associatif de l’ATFD. Dans le sillage de la pensée de Bourguiba, l’association estime que les tâches accomplies quotidiennement par les mères de famille, leur participation à la vie publique et économique et leur contribution désormais égale voire supérieure à celle de leur mari aux dépenses du ménage justifient amplement l’adoption d’instruments juridiques consolidant l’égalité en matière d’héritage. « Les femmes participent par leur travail au développement économique du pays et à la prise en charge matérielle de leur famille par une contribution ‘visible’, en mobilisant leur salaire, et par une contribution ‘invisible’, sous forme de travail domestique dont la valeur est estimée à 47% du PIB du pays, a encore déclaré Hela Ben Salem. Les revenus des femmes sont investis dans le consommable et l’invisible : nourriture, habillement, soins médicaux et fournitures scolaires, quand ceux des hommes sont orientés vers le durable et le visible : logement, loisirs, etc. L’apport des hommes est donc plus valorisé. »
La première pièce du genre organisée par l’ATFD a été jouée en avril 2015 au théâtre El Hamra et avait eu pour thème la centralité de l’amour dans la relation homme-femme. « Le but poursuivi à chaque fois est de relier militance, égalité des sexes et création artistique pour toucher un public de plus en plus large », a souligné Emna Ben Miled en marge de la représentation.
Nejiba Belkadi
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