2017, une année à risque pour la Chine au plan économique
L’année 2017 s’avère être pour la Chine une année particulièrement cruciale au plan économique. L’obstacle principal que les dirigeants chinois devront surmonter est celui de la confiance. Le thème de la « menace chinoise », à l’honneur depuis le début des années quatre-vingt-dix d’abord au Japon, puis aux États-Unis et en Europe, et véhiculé par de nombreux médias occidentaux, peinait à convaincre le grand public et les milieux d’affaires, attirés par cette formidable croissance économique à deux chiffres depuis le début des réformes en 1978. Mais ces dernières années, confrontés à la crise économique et financière de 2008, les responsables chinois ont choisi de mener une politique plus agressive au plan financier et commercial en traitant avec une certaine négligence les menaces de représailles de ses partenaires qui accusaient Beijing de dumping commercial permanent et de manipulation monétaire.
Mais la montée en puissance généralisée du populisme en Europe et aux États-Unis, phénomène qui a conduit à l’élection de Donald Trump à la présidence de la première puissance mondiale, au Brexit au Royaume Uni, et probablement en 2017 à l’arrivée au pouvoir de droites plus conservatrices et protectionnistes en France ou aux Pays-Bas, menace de transformer en profondeur les règles de la mondialisation économique et financière pourtant tant souhaitée par Washington tant que les États-Unis étaient les premiers à en tirer un bénéfice outrageux.. Déjà en 2016, d’après le ministère chinois du Commerce, 27 pays et régions ont imposé aux produits chinois 119 nouvelles mesures commerciales séparées, pour une valeur totale de 14.34 milliards de dollars, ce qui représentait une augmentation de 76% par rapport à 2015. Ce fut particulièrement vrai dans le secteur de l’acier où 49 mesures tarifaires nouvelles ont été appliquées à l’acier chinois, en particulier par l’Union Européenne.
Sur le plan financier, l’année 2016 fut une année record pour les opérations d’acquisition à l’étranger par des sociétés chinoises. Le montant de ces opérations a atteint 105 milliards de dollars, soit une augmentation de 46% par rapport à 2015. Mais cette percée, soutenue massivement par le gouvernement chinois, a provoqué une onde de choc, une grande inquiétude et de fortes résistances aux États-Unis et en Europe. La conséquence en a été un niveau jamais atteint d’échec, notamment dans les secteurs stratégiques et sécuritaires, plus de 35 milliards de dollars d’opérations d’acquisition engagées n’ayant pas abouti. En 2015, les entreprises chinoises n’avaient connu que 2 milliards de dollars d’échec. Ces résistances sont d’autant plus fortes que la Chine est accusée d’une part de favoriser à l’excès – par un soutien financier – les acquisitions à l’étranger de ses entreprises tout en bloquant l’entrée des entreprises étrangères sur le marché chinois. Les conditions d’exercice dans certains secteurs étant devenues particulièrement difficiles ces dernières années pour les sociétés étrangères, par exemple pour les sociétés de gestion d’actifs, certaines ont commencé à quitter la Chine. Malgré des déclarations répétées de bonne volonté au fil des années de la part des responsables chinois, les réglementations sont devenues particulièrement opaques et bloquantes pour des étrangers.
Alors que les réserves de devises chinoises diminuent à un rythme inquiétant – elles atteignent les 3000 milliards de dollars considérés comme un plancher par les économistes -, en particulier en raison de la nécessité pour Beijing de soutenir sa monnaie, le Renminbi, face à son effritement continu, les exportations continuent parallèlement à baisser – de 7.7% en 2016 –, ce qui a contraint le gouvernement à augmenter les dépenses publiques et à encourager les banques à accorder massivement des prêts, risquant ainsi de provoquer une augmentation préoccupante du stock de dettes existant.
Face à ses difficultés propres à l’état de l’économie mondiale et aux défis structurels auquel la Chine est confrontée après trente années de réformes, l’élection de Donald Trump est une très mauvaise nouvelle. Ses déclarations de candidat quant à la nécessité de mesures de représailles commerciales contre la Chine, accusée d’avoir « volé » aux États-Unis 25 millions d’emplois, auraient pu demeurer de simples engagements non-tenus une fois installé à la Maison Blanche, comme de coutume aves les campagnes électorales. Pourtant, le président-élu ne cesse de rappeler ces engagements et a choisi de nommer à la tête du nouveau « Conseil National du Commerce » à la Maison Blanche l’un des plus farouches critiques de la Chine, Peter Navarro. Auteur d’un ouvrage très remarqué dénonçant les politiques commerciales chinoises à l’égard des États-Unis, accusées d’« empoisonner » délibérément les consommateurs américains, Peter Navarro semble déterminer à engager dès la prise de fonction de la nouvelle Administration un véritable bras de fer avec Beijing en utilisant une stratégie asymétrique, par exemple avec la menace de ne plus adhérer par rapport à Taiwan, au concept d’« une seule Chine ». Face à une Chine inquiète et économiquement fragile, cette relation sino-américaine marquera vraisemblablement l’année 2017 et pourrait aboutir à une reconfiguration d’ampleur des relations commerciales et financières internationales.
Lionel Vairon
Président
CEC Consulting (Luxembourg) – Elysha Business Consulting (Tunis)
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