Lettre ouverte aux Tunisiens et à leurs élus sur le patrimoine historique du pays
Carthage, la Médina de Tunis, Kerkouane, Dougga, la Médina de Sousse, la Médina de Kairouan, El-Jem...(etc.). Tous ces sites ont un point commun, l’inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Héritages du passé, ce programme de l’UNESCO a pour objectif de protéger ces sites classés afin de les transmettre aux générations futures. Mais la crise générale qu’a subie la société tunisienne durant ces dernières années a bouleversé la fonction symbolique que l’on attribuait aux sites et aux monuments historiques dont la protection, la réhabilitation et le sauvegarde relèvent d’un enjeu collectif puisque les points de rencontre entre économie et culture sont de plus en plus nombreux.
A) Patrimoine archéologique et développement: Quel rapport?
Large creuset de l’histoire, la Tunisie a vu la succession de plusieurs civilisations qui ont marqué son territoire. Ces dernières ont laissé des empreintes permanentes. En vue de déployer leurs pouvoirs et d’exercer diverses fonctions et activités : économiques, sociales, culturelles, militaires…(etc.) elles ont procédé à l’édification de nombreuses cités, d’ouvrages et de bâtiments attribuant à la Tunisie un paysage riche et diversifié. Certaines de ces réalisations ont pu défier le temps et parvenir aux sociétés contemporaines sous forme de vestiges archéologiques d’une importance considérable. Toutefois, ces sites archéologiques ne sont pas à l’abri des actes de pillage et de transactions illicites effectuées par des receleurs de pièces archéologiques. Faute de moyens efficaces de protection et de gestion attentive, ces sites subissent l’usure du temps et les actes de vandalisme de la part de quelques tunisiens. Mais, ce problème se pose avec plus d’acuité dans les sites situés dans des milieux ruraux qui sont livrés à eux-mêmes. Ils sont soumis aux attaques et aux menaces émanant des propriétaires terriens inconscients de leur valeur inestimable.
La politique tunisienne actuelle de l’aménagement du territoire est révélatrice d’une forte dynamique constructive ; elle s’accompagne effectivement de projets et d’importants travaux d'aménagement : infrastructures de transport, défrichements et expansion urbaine. Ces perturbations du sol mettent en danger les vestiges archéologiques et plus particulièrement ceux qui sont enfouis sous les couches du sol. Ces réalisations ont un impact considérable sur la conservation du patrimoine notamment la mise en valeur des sites archéologiques. Il est impératif de réfléchir à la protection du patrimoine selon une nouvelle vision et d’envisager son intégration dans le contexte de la planification urbaine et régionale globale du pays. En fait, les sites archéologiques sont tantôt visibles, tantôt invisibles. Pour les premiers, l’enjeu consiste en la conservation et la mise en valeur à des fins touristiques et culturelles. Pour les seconds, l’enjeu consiste surtout à les conserver intacts, notamment pour une mise en valeur ultérieure. Dans toutes les opérations relevant de la planification, les autorités doivent donc tenir compte de la strate historique (sous-sol et monuments archéologiques). De ce fait, les sites archéologiques et l’aménagement du territoire entretiennent une relation réflexive. Aujourd’hui, dans divers pays européens, les sites archéologiques font, au sein de leurs politiques de l’aménagement du territoire, l’objet de protection effective et législative. En contrepartie, la démarche suivie pour leur conservation est inscrite dans une démarche globale de développement territorial durable. Cette démarche de conservation et de valorisation a été conçue de manière à intégrer davantage les nécessités du développement du territoire et de répondre aux aspirations de la société. D’une manière générale, l’intérêt du développement des territoires et le souci de préservation des ressources patrimoniales en général et les sites du patrimoine archéologique en particulier représentent deux attitudes de nature conflictuelle et contradictoire. En fait, il est aisé de constater qu’un compromis conciliant ces deux préoccupations semble difficile à réaliser.
Afin de cerner le phénomène dans sa totalité, une série de questions méritent d’être posées aux différents responsables du gouvernement:
- La politique nationale de l’aménagement du territoire introduit-elle la notion de conservation intégrée des sites archéologiques ?
- Comment protéger les vestiges du passé et construire l’avenir des territoires ?
- Les outils réglementaires et législatifs actuellement disponibles sont-ils suffisants et adaptés pour toutes les situations ?
B) Enjeux et défis
Les éléments patrimoniaux ne vivent pas de manière isolée; ils s’intègrent dans un site, un contexte marqué par des usages et des qualités spécifiques. C’est ce constat qui a donné lieu à la Convention de Florence (2000) dont l’aspect central est le paysage, paysage permettant d’aborder le patrimoine de façon globale et rendant caduque la distinction entre patrimoine historique et culturel. Dès lors, le processus de patrimonialisation peut être défini comme le passage d’un patrimoine en puissance à un patrimoine reconnu en tant que bien collectif, caractérisé tout à la fois par ses dimensions scientifiques, économiques, sociales et culturelles. Ces différentes dimensions, d’importances relatives variables selon les types considérés de patrimoine reconnu, confèrent à ce patrimoine une valeur qui justifie, pour la collectivité considérée, sa conservation pour transmission aux générations futures. Il s’agit bien d’un processus de reconnaissance de cet ensemble de biens en tant que bien collectif.
En effet, il apparaît que le déroulement même de ce processus est variable selon les territoires et qu’il est fortement influencé par la nature de la demande sociale, souvent plurielle, car elle a une forte dimension identitaire. Dans chaque cas, la nature du processus de patrimonialisation est variable selon ses initiateurs, les logiques des acteurs de cette patrimonialisation, leurs modèles, imaginaires, référents et anticipations, les conflits entre acteurs et les formes de l’appropriation locale de ce processus. Ainsi, la place du patrimoine dans les processus de socialisation doit être nettement soulignée, en particulier à travers de nouvelles formes de « sacralisation » qui lui sont liées. Il en est de même de sa fonction identitaire et de son rôle en tant qu’élément fédérateur de la volonté d’une population de vivre ensemble. L’importance de la place, potentielle ou effective, du patrimoine dans le processus éducatif des jeunes générations est à remarquer. Mais ces fonctions favorables à la cohésion sociale n’empêchent pas l’existence de conflits d’usage, relatifs à ce patrimoine, qui ne sont pas toujours aisés à résoudre.C’est, en particulier, le cas lorsque s’affrontent des usages religieux et de sociabilités culturelles (le cas de la grande mosquée du Kairouan). De nombreux conflits se nouent donc autour des enjeux de la patrimonialisation et, étant donné le processus de valorisation qu’elle nourrit, à propos de l’identification des « propriétaires » des sites et objets reconnus.
Dès lors, pour régler ces conflits et ceux liés à une urbanisation qui met en danger ce patrimoine, la question de la gouvernance des sites est à analyser systématiquement. En effet, l’importance de la gouvernance provient de la nécessité d’élaborer une convention patrimoniale, formelle ou informelle. Mais, cette démarche est, souvent, la source d’un enchevêtrement de réglementations, contreproductif quant à la valorisation du patrimoine.
La reconnaissance d’un patrimoine est le résultat d’un compromis entre acteurs tout autant que le produit d’une politique qui peut être imposée par le haut. Dans un contexte de faiblesse administrative et politique des autorités locales, sans parler des problèmes de corruption et de non maîtrise de l’information, l’élaboration de règles, accompagnées de contrôle et de sanctions pour les contrevenants, est pour le moins difficile. Les heurts et les conflits entre acteurs ne peuvent qu’en être renforcés. Les différents réseaux d’acteurs s’affrontent pour définir des règles ou y échapper. En fait, les diverses parties prenantes sont d’autant plus susceptibles d’entrer en conflit que,dans le contexte actuel du pays, les processus de développement sont très souvent brutaux, rapides et accompagnés de modalités variées de prise de contrôle externe, souvent incomprises des populations locales.
Dans le cas d’un processus de patrimonialisation initié de l’extérieur du territoire concerné, sa pérennité est d’autant plus fragile qu’il se traduit par une dépossession des populations résidentes, non seulement de sa conduite, mais aussi de l’essentiel de ses bénéfices économiques. Ce phénomène est même aggravé en cas d’éviction des habitants les plus pauvres des quartiers patrimonialisés ou en voie de l’être. Ces constats conduisent donc à porter l’analyse sur les populations concernées. Ainsi, dans le centre-ouest tunisien, l’importance des mouvements historiques des populations complique la reconnaissance patrimoniale de quelques sites du fait de la quasi-disparition des populations. Certes, la mise en route d’un processus de patrimonialisation peut être déclenchée par une intervention internationale ou nationale, qu’il s’agissedu classement au patrimoine mondial de l’UNESCOou, plus modestement, de l’action des institutions spécialisées ou d’une ONG extérieure. Mais, il apparaît qu’est essentielle, pour la valorisation durable d’un patrimoine, son appropriation par les populations résidentes sur le territoire considéré. C’est pourquoi la mise en place d’une nouvelle stratégie nationale de conservation des biens patrimoniaux semble plus qu’urgente dans cette période post-transitionnelle.
Mohamed Arbi Nsiri
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Lorsque l'institut de patrimoine arrive a définir les vrais sites archéologiques par exemple a Carthage et respecter les recommandations de l'UNESCO. En ce moment la on peut parler de stratégie de sauvegarde et de développement culturel et touristique. Mais maintenant on a le gabegie causé pour la tentative de vouloir voler les terrains des gens ( Moi que je fais partie ) au nom du sauvegarde du patrimoine sans présenter des preuves ou des donnés de leurs existence .