Opinions - 24.10.2016

Ce qu’on est en droit d’attendre du Chef du Gouvernement

Ce qu’on est en droit d’attendre du Chef du Gouvernement

Le  discours d’investiture du chef de Gouvernement, à l’ARP, a laissé bon nombre de citoyens sur leur faim. Ils se sont dit, qu’un package de mesures concrètes suivra. Mais l’attente a été longue alors que le rendez-vous de fin novembre des investisseurs arrive à grand pas. Gardons, cependant, bon espoir.

Peut-on oser dire ce que nous attendons ? Oui, cette «révolution» a diminué notre niveau de vie mais nous a gratifié de la liberté d’expression.

Il y a des préalables à satisfaire

  1. Ce n’est pas parce que le chef du Gouvernement s’est entouré, surtout de jeunes collaborateurs, bardés de titres, que la croissance économique repartira. Il ne faudrait pas faire l’erreur de mettre sur le bord de la route les gosses pointures de notre économie qui ont exercé surtout des fonctions ministérielles.On pourrait les inviter à faire partie du « Pool économique » à créer ou du « Conseil économique et social »  dont l’intérêt, tant pour l’ARP que pour le Gouvernement, est évident.
    A cet égard,pourquoi ne pas mettre à contribution, par exemple, monsieur Mohamed Ghannouchi pour ne citer que cette illustre personnalité qui  a pu assurer  à notre économie une croissance de 5%  en moyenne en dépit des dérives dont il n’assume pas, à mon humble avis, la responsabilité ? Il faudrait les pousser à mettre la main à la pâte, au moins pour nous aider à faire repartir la machine économique qui patine.
  2. Eviter, à tout prix, de lancer un mauvais signal aux investisseurs en se bornant à reproduire une loi des Finances préparée par le Gouvernement précèdent et qui n’a d’autres préoccupations que de trouver des ressources.
  3. L’Etat devrait se doter des moyens juridiques permettant de dépasser les contraintes administratives source de lenteurs et de débats interminables, quitte à ce que les contrôles a posteriori de l’ARP sanctionnent toute dérive. Cependant, cette délégation législative est à limiter dans le temps.
  4. Le Chef de Gouvernement n’a d’autres choix que d’agir, dans le cadre de ses larges attributions constitutionnelles, contre les individus qui dévergondent l’économie, en ayant le courage de se soustraire aux pressions  diverses qui pourraient s’exercer sur lui. C’est cette action courageuse que le peuple attend impatiemment. Le chef du Gouvernement devrait se placer au-dessus des partis en faisant peu de cas de son avenir politique. Il devra  apprendre à s’adresser directement et franchement au peuple en lui demandant son soutien, soutien qu’il lui accordera et qui légitimera son action.
  5. Engager, sans tarder, la réforme de la justice. Le Conseil supérieur de la justice, nouvellement élu, sera là pour épauler l’action du Ministre de la justice.Cette réforme pourrait se traduire, notamment, par l’informatisation et le renforcement des moyens humains. A cet égard, certains juges à la retraite, mus par un esprit nationaliste, pourraient faire bénéficier, bénévolement, la justice de leurs compétences, pendant une certaine période, pour traiter les dossiers en suspens. Une justice sereine, indépendante et rapide renforcera la crédibilité de l’Etat et sécurisera tout justiciable.

Quelques mesures attendues

a) La loi de Finances pour 2017 devrait représenter la première année du plan de développement en cours d’élaboration. Elle se devrait de contribuer à rétablir la confiance des investisseurs  et du citoyen en général. Certes, il faudrait identifier des ressources. Mais, plutôt que de chercher à augmenter la pression fiscale il faudrait s’engager plutôt  sur la voie de sa compression. En effet, c’est sur l’entreprise que pèse la responsabilité de la création des emplois devant l’absence de moyens suffisants de l’Etat. Rappelons, que lorsque l’Etat a diminué, à un certain moment, les droits d’enregistrement, le citoyen a accouru aux guichets des Finances, pour enregistrer ses biens. Il faudrait gagner le pari  d’une diminution de l’impôt qui encouragerait le citoyen à s’acquitter de ses obligations fiscales. C’est  là aussi un signal positif adressé aux investisseurs, surtout étrangers.

b) Veiller à ce que la fiscalité soit une obligation pour tous, soit juste sans être un frein à la croissance.

c) Le déficit en ressources pourrait être comblé, par un élargissement des assiettes fiscales (limitation du régime forfaitaire… ) et la mise à contribution des professions qui ne paient pas actuellement suffisamment d’impôt. Il n’y a d’autres voies que le dialogue technique serré avec les professions qui ont chacune leurs spécificités.

d) L’Etat devrait comprimer, cette année, ses dépenses, à l’exception des dépenses destinées à renforcer les équipements de sécurité. Une reconduction des enveloppes budgétaires antérieures et la généralisation de  la gestion informatique s’avèrent nécessaires.

e) L’Etat devrait s’atteler à recouvrer, au plus vite, les créances qu’il détient sur les entreprises et les particuliers.

f) L’excèdent constaté au niveau de la fonction publique devrait être redéployé, au plus vite, dans les administrations qui souffrent d’un manque, dans le renforcement des équipes de contrôle fiscal et dans le déblocage de certains investissements au niveau régional.

g) Qu’attend l’Etat  pour céder  les biens confisqués sans pour autant les brader? Un audit effectué par une équipe d’experts indépendants pourrait évaluer ces biens à leur juste valeur et l’Etat les vendrait, au moins à ce prix, sur appel d’offres transparents.

h) Qu’attend l’Etat  pour céder, dans la transparence, certaines de ses participations dans les secteurs non stratégiques à définir rapidement.

i) Le commerce parallèle accapare plus de 40% du PIB, fait qui ne peut plus durer. Qu’attend-t-on pour démanteler ces réseaux apparemment puissants à partir des résultats obtenus en aval (action dans la rue des salines, étalages de marchandises douteuses dans la rue,)? Certaines langues affirment que ces réseaux pourraient financer certains partis politiques et avoir des ramifications dans les structures de l’Etat. C’est la volonté politique du Chef de Gouvernement et le soutien de la société civile qui permettra de gagner la bataille. Que de nouvelles recettes budgétaires seraient attendues de cette action courageuse ! Certains disent qu’ils connaissent nommément ces barons de la contrebande et de la corruption. Un député  s’est dit prêt à livrer certains noms au chef du Gouvernement lors de la séance de son investiture. Alors ?Où le blocage réside-t-il?

j) Les dépenses de la caisse de compensation deviennent de plus en plus insoutenables. Il va falloir libérer certains prix. En ce qui concerne, le pain, l’huile, le sucre et certaines autres denrées alimentaires, il est possible de verser, à travers l’entreprise ou l’Etat, qui emploie les catégories à  faible revenus, mensuellement et régulièrement, une somme qui couvre leurs dépenses , à ce titre. Pour ceux qui sont sans emplois cet ajustement pourrait s’opérer au niveau des délégations au vu d’une liste ne prêtant à aucune confusion.

k) L’augmentation des cotisations sociales, l’adjonction, au régime de répartition, d’une dose de capitalisation est nécessaire pour le rééquilibrage des caisses sociales. Le recouvrement des créances au titre des cotisations,  le relèvement de l’âge de la retraite  et le réexamen du mode de calcul des pensions nouvelles, urgent.

l) La production de phosphates devra se maintenir et  s’accélérer étant entendu que le Gouvernement  devra honorer les engagements pris pour développer la région minière. Pour résoudre à terme le problème du transport coûteux du phosphate, pourquoi ne pas s’inspirer de l’expérience marocaine du transport par aspiration à  travers un un pipeline ?

m) La transformation d’une partie plus importante de notre dette en investissements et l’étalement du reliquat pourraient être envisagées.

n) Dresser un plan d’actionspour soutenir la campagne céréalière à engager suite aux pluies(augmentation des surfaces emblavées, alimentation en engrais, crédits agricoles).

o) Venir en aide aux PME en difficultés qui emploient déjà un réservoir d’emplois qu’on risque de perdre.

p) Désorganiser le trafic de devises en multipliant les contrôles et s’il le faut en autorisant l’ouverture de nouveaux bureaux de change dans les zones frontalières.

q) Sur le plan extérieur nos exportations devront trouver de nouveaux débouchés avec un nécessaire accompagnement diplomatique et bancaire et la facilitation des moyens de transport maritimes et aériens pour atteindre notamment l’Afrique subsaharienne.

r) Œuvrer pour rétablir plus rapidement la Paix en Libye, l’un de nos principaux partenaires.

En conclusion,ce train de mesures qui serait engagé, au plus vite, mettra le pays sur la voie de la reprise de la croissance.

C’est cette reprise de la croissance, tant attendue, qui diminuera les tensions sociales et poussera ce Gouvernement à aller plus loin dans le développement des infrastructures, les encouragements à la génération des richesses et leur redistribution équitable.

La stabilité politique et sociale et la  consolidation du processus démocratique sont à ce prix.

Nous n’attendons rien de ce Gouvernement que nous soutenons sinon qu’il administre la preuve qu’il est en mesure de mettre le pays sur la voie de la croissance.

Mokhtar el khlifi

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