Mohamed Nafti: Charade à Chahed

Par Mohamed Nafti - Entrée de ballet, tel était le divertissement orchestré par un certain nombre de troupes dans  différents coins du pays pour applaudir le départ du nouveau gouvernement d’Union Nationale. Au commencement des hostilités, l’orchestration de la bataille a été organisée avec un souci optimal à Djebel Samama  quand les tambourins ont joué une danse macabre qui a coûté la vie à trois de nos valeureux soldats. Le  premier acte d’hostilité prend fin pour laisser la place aux acteurs du bassin minier qui poursuivent le  ballet par la même impulsion tout d’une  pièce. On brandit la hâche de guerre,  la hâche des «boiseurs de guerre»^*, et on la jette en signe de refus de travail. L’acte trois se poursuit par une autre troupe qui récupère la hâche et lui inspire une idée géniale. Eureka! s’écria-t-elle: la hâche ça sert à couper non! des mains, des têtes, n’importe quoi… au fond c’est son rôle. Dans l’entracte, une nouvelle troupe s’apprête à entrer en scène, les précepteurs de la fine fleur de notre jeunesse, de notre futur et de nos espérances. Quelle pièce vont-ils monter? peut être mettre tout en pièces! Et ça ne finit pas, tout le monde veut mettre une action sur la scène. On continue à danser comme les indiens autour du feu qui embrase les engins d’une société de travaux qui construit la route de la mise en valeur du développement. Deviner ce début de Charade en action pourrait être utile pour comprendre la situation au pays des jasmins. Cela est d’autant plus nécessaire au chef du gouvernement pour ne pas se laisser  détourner de ses objectifs de travail. Cette mise en scène, une diversion  ne doit en aucun cas occuper l’effort de la besogne.

La deuxième moitié de la Charade peut sembler, à première vue, n’être ni nécessaire ni suffisante. Je n’ai pas hésité cependant à la signaler; je crois que cette idée n’est pas superflue et qu’elle est susceptible de rendre un service. C’est une idée qui se propose d’attirer l’attention sur la manière de réaliser des objectifs visés par le gouvernement d’Union Nationale. En premier lieu, faut-il rappeler qu’en politique tout comme en guerre  l’objectif est concret (il n’est pas subjectif ). D’une manière générale, en opération, l’objectif est matérialisé en terme  d’occupation de terrain ou d’élimination de l’ennemi.  Ce premier concept guidera tout le raisonnement qui va suivre. La guerre n’est –elle pas la continuation de la politique? Et comme la situation de notre pays s’apparente plus à une situation de guerre il serait sage de s’en inspirer. Les cinq priorités du Gouvernement  ont été annoncés dés la première allocution de M. Youssef Chahed.  Après cent jours, l’équipe gouvernementale présentera à l’ARP mais surtout au peuple ce qu’elle a réalisé. Mais la population ne sera convaincue que par les réalisations objectives et concrètes. A ce sujet le gouvernement pourrait dès maintenant identifier un objectif lié à chaque domaine prioritaire. La réussite du travail du gouvernement réside dans l’identification de ces objectifs. Des objectifs réalisables, même en partie, offriront une lueur d’espoir pour le peuple et une confiance dans le gouvernement, ce qui sera nécessaire pour la suite la période d’administration. A titre d’exemple, des objectifs faciles à atteindre pourraient meubler les axes prioritaires du travail du nouveau gouvernement:

En matière de lutte contre le terrorisme, mettre en œuvre la stratégie de lutte contre le terrorisme est une tâche facile à accomplir et urgente à la fois. C’est un document qui pourrait être finalisé en un mois. Les agences onusiennes peuvent aider énormément dans la finalisation de cette œuvre. Préparer et résoudre le problème du retour des jihadistes est un deuxième volet très urgent et qui pourrait être entamé avant l’échéance des cent jours.

En matière de protection de l’environnement et l’assainissement de nos villes, il est nécessaire de responsabiliser les gouverneurs et les délégués et les inviter à assumer cette tâche et ne pas attendre une action centrale du gouvernement. Ce dernier peut aider mais non s’accaparer le travail régional. L’action des gouverneurs dans les cent jours à venir sera évaluée sur la base de cette tâche urgente qui est la propreté de notre pays.

Dans le volet de lutte contre la corruption, le projet de la réconciliation pourrait être l’objectif à atteindre. Faire la guerre à la corruption, c’est concevoir un plan d’opération qui se résume dans l’acronyme LIT (Localiser, Identifier et Traiter) en d’autres termes Aliter la corruption et la préparer à une opération de dissection en vue d’un examen scrupuleux. Il ne sera pas difficile de localiser les terrains de la corruption elle est partout. Identifier et catégoriser les corrompus est la première phase de l’examen. Identifier les «grands voleurs» ceux qui ont dépouillé l’Etat et les traduire en justice. Identifier ceux qui ont été bénéficié des largesses et les inviter à rendre les services obtenus en investissant dans les régions défavorisées. Un projet par gouvernorat qui sera conclu au mieux entamé avant les cent jours sera la meilleure preuve d’une bonne réconciliation.

Le cheval de bataille de l’assainissement de l’économie pourrait s’appuyer sur la résolution du problème du bassin minier et Petrofac, mais aussi trouver une solution pour le commerce parallèle. Enfin, limiter au maximum les importations pour la période à venir pourrait aussi être très bénéfique pour l’économie.

C’est la deuxième partie de la Charade qui pourrait sembler bizarre aux yeux des experts, mais le commun des tunisiens n’attend que des preuves concrètes pour avoir confiance dans ce gouvernement et pour le soutenir dans son œuvre jusqu’à la fin du quinquennat. Que Dieu protège notre pays et qu’il vienne en aide au gouvernement d’Union Nationale ? Tous  Unis derrière le gouvernement de Youssef Chahed.

Mohamed Nafti

(*) " boiseurs de guerre" est une qualification d'ouvrier travaillant dans la mine de phosphates. il a la tâche de retirer la traverse (en bois) qui soutient le plafond de la galerie. c'est une tâche risquée car le plafond s'ecroule aussitôt la traverse retirée. d'où le nom de boiseur de guerre.