La mort de Khalil Karoui
Un jeune étudiant, Khalil Karoui (fils de Nébil et Salwa) a été ravi à la fleur de l’âge, fauché dans un accident de la circulation. Un véritable drame pour ses parents, ses amis et de nombreux tunisiens. Une pénible épreuve qui a suscité beaucoup de réactions et de controverses. Deux témoignages significatifs méritent de retenir l’attention : celui d’Elyès Jouini à propos de la sécurité routière et celui d’Habib Karaouli au sujet de cet abject « emballement ad nauseam, la Chmata ». Repose en paix Khalil
Elyès Jouini : Chaque génération a connu l'horreur et nous n'avons rien appris!
Nous sommes nombreux à être sous le choc. Famille et amis sont effondrés. Je les assure de toute ma compassion et de toute ma sympathie.
Et pourtant, chaque génération a connu l'horreur!
Chaque génération a connu l'horreur et nous n'avons rien appris!
Me revient en mémoire Sami Blal (allahyarhmou), décédé lorsque j'étais au lycée. Dans la nuit, même route ou presque, même jeunesse!
Peut-être serons-nous cette fois-ci en mesure d'avoir une prise de conscience collective. Une prise de conscience que nous devons à Khelil, à Sami et à tant d'autres.
Les chiffres sont clairs et le diagramme ci-joint est criant. La seule solution c'est la mise en œuvre de mesures de préventions contraignantes pour tous et que nous nous devons d'accepter pour ne plus connaitre de tels réveils douloureux.
Cessons de jouer aux matamores, de croire que la ceinture c'est pour les autres, que les limites de vitesse c'est pour les ploucs, que nous sommes au-dessus des règles ou que nous pouvons ne pas les respecter parce que d'autres ne les respectent pas!
J'ai modestement eu l'occasion de co-signer au moins deux rapports (en 2000 et en 2003) remis aux autorités et appelant à faire enfin en sorte que nous ne soyons plus les champions de la sinistralité automobile. Les recettes sont connues, il faut le courage politique de les décréter et de les faire appliquer.
Que notre émotion de ce jour se transforme en pression et en lobbyisme et nous rendrons peut être ainsi un dernier hommage à de trop nombreux chers disparus sur la route.
Habib Karaouli : De la chmata (الشماتة) en toutes choses
Par les temps qui courent, il n’est pas un jour où nous n’avons pas une illustration pratique de ce vocable dont l’équivalent stricto sensu n’existe pas dans bien d’autres langues. Les propositions de traduction : dépit, jubilation, délectation, jouissance, ... Aucun de ces mots ne couvre totalement le sens profond de la chmata. Essayons de la définir : C’est prendre plaisir et se réjouir des déboires et malheurs des autres sans aucun intérêt particulier ou profit à en tirer (للله في سبيل الله ) . Donc comportement en ne peut plus irrationnel, contre-productif voire suicidaire puisqu’il peut avoir un effet boomerang sur ses adeptes.
Tous ceux qui réussissent ou tentent de le faire ont connu les affres de cet exercice à leur dépens au moindre faux pas ou contre-performance Rien n’y échappe et les réseaux sociaux amplifient cette emballement ad nauseam pour transformer son exercice parfois en véritable curée. Cette attitude est d’autant plus dangereuse et pernicieuse, et dont les effets sont malheureusement peu étudiés, parce qu’elle inhibe l’initiative voire toute action chez certains de crainte de se voir faire l’objet de cette chmata.
Cet état d’esprit trouve son illustration partout ! Même la détresse de parents éplorés par la perte d’un être cher n’échappe pas à cette vindicte et à cet écharnage. Nous venons malheureusement d’en avoir la triste illustration après le décès du fils de Salwa Smaoui et de Nabil Karoui où le dégoût l’a disputé à l’effarement devant tant d’ignominie. Est-ce génétique ? Sans faire dans la psychologie de magazines de salles d'attente, c'est souvent si ce n'est toujours l'expression de frustrations, de situations d'échecs, de gens en incapacité et inaptes à l'amour de leur prochain. Les spécialistes sont mieux outillés que moi pour nous décortiquer tout cela.
BOURGUIBA connaissait bien ce trait de caractère de ses concitoyens et avait la hantise de ce qu’il appelait « les démons numides », ceux de la division et de la discorde, responsables selon lui de l’échec de JUGURTHA dans sa résistance à Rome. Comme il savait également que la Tunisie n’avait à craindre que de ses enfants. En grand féru d’histoire, il savait mieux que quiconque qu’une civilisation ne meurt pas par suite d’attaques extérieures, elle se suicide. Et ce genre de comportements y concourt grandement. Tant que l'on ne rompra pas avec ce genre d'attitude, point de salut.
Encore une fois, dans ces conditions, a-t-on besoin d’ennemis alors ? Je ne le crois pas. On s’en sort très bien tout seuls.
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