News - 09.08.2016

A l’heure où notre futur gouvernement est en gestation, un grand diplomate français plaide en faveur de l’habitabilité de la terre

A l’heure ou notre futur gouvernement est en gestation, un grand diplomate français plaide en faveur de l’habitabilite de la terre

Le 23 juin dernier, l’Institut Diderot à Paris a proposé à son public une conférence intitulée «L’avenir de la géopolitique». L’orateur n’était autre que M. Hubert Védrine, ancien secrétaire général de l’Elysée et ancien ministre français des Affaires Etrangères. Au cours de cette conférence, l’orateur a souvent eu recours à son dernier ouvrage «Le monde au défi» (Fayard, 2016, Paris) dans lequel il plaide pour «une communauté internationale». Réaliste, l’ancien ministre reconnaît qu’il s’agit là d’un objectif non encore atteint. Il déplore le fait que ni les idéaux de l’ONU ni le marché global n’ont suffi à fonder cette «communauté». Pourquoi ? Parce que le monde est éclaté, le pouvoir est émietté, les mentalités s’opposent et chaque peuple est mû par ses passions propres et surtout ses intérêts immédiats. Parce que «le court-termisme économique  et politique, la dictature de l’urgence réactive, l’esprit de lucre du capitalisme financier contemporain, l’égoïsme («après moi le déluge), la paresse, mais aussi le manque d’imagination sur le contenu possible d’une autre croissance» (p.99).
Pour s’en sortir, M. Védrine ne voit qu’une issue: la cohésion de l’humanité autour de la vie sur la planète car «il est impossible de nier que la vie sur terre puisse un jour devenir quasi impossible. Mais ce risque n’est pas admis par tous… » écrit (p. 85) l’ancien diplomate.

A l’heure où un spécialiste des questions agricoles est chargé de former le gouvernement tunisien et étant donné la modestie des propos de  l’Accord de Carthage sur l’environnement (Voir site de Leaders, 26 juillet 2016), il est utile de prendre connaissance  des vues de M. Védrine sur la question écologique… même si nous ne les partageons pas toutes, notamment quand il affirme, sans évoquer l’histoire, le colonialisme, les guerres de l’Occident, sans proposer de solutions solidaires, sans tenir compte des souffrances des damnés de la terre mais tout en admettant qu’un Américain rejette annuellement 18 tonnes de CO2 soit 32 fois plus qu’un Somalien: «il faudrait plusieurs planètes pour permettre à dix milliards d’êtres humains de vivre à «l’occidentale», c’est-à-dire en consommant autant de ressources non renouvelables, en produisant autant de déchets et en asphyxiant les mécanismes naturels.» On rappellera qu’en 2011, le journaliste (qui a  longtemps collaboré au Monde), Hervé Kempf, disait déjà: «L’Occident doit apprendre à partager le monde avec les autres habitants de la planète » (in « L’oligarchie ça suffit, vive la démocratie», Editions du Seuil, Paris, 2011)

Il n’en demeure pas moins que, face aux allées et venues enfiévrées de nos politiciens dans cette sarabande échevelée à la chasse aux maroquins à Dar Eddiafa, on ne peut qu’être inquiet face à l’évacuation de la question écologique dans le discours des uns et des autres et le renvoi sine die des élections municipales alors que des himalayas d’ordures enlaidissent et parfument de leur pestilence à l’hydrogène sulfuré notre pays de Tabarka à Ben Gardane et de Sfax à Kasserine.  Or, la  question écologique  devrait concerner tous les Tunisiens : la crise de l’eau touche l’essentiel du pays et menace l’ordre public… comme cela a été le cas en Algérie à la veille de sa terrible décennie noire. De plus, la fièvre typhoïde - maladie hydrique moyenâgeuse - est aux portes de Gabès comme la rage est aux portes de Bizerte. Nos villes sont asphyxiées par une circulation démente et notre agriculture semble droguée aux pesticides toxiques et cancérigènes et aux engrais chimiques qui artificialisent le sol et gêne la production de matières organiques.   Or, M. Chahed  serait  l’homme de la situation en sa qualité de spécialiste des OGM (pardon, de « biotechnologie ») et des pesticides. Ces questions méritent d’être inscrites très vite sur l’agenda du futur gouvernement. Elles ne sont pas marginales ou folkloriques. M. Youssèf Chahèd devrait faire son miel avec ce que dit à ce sujet M. Hubert Védrine pour  faire admettre - s’il en a la volonté - à ses interlocuteurs l’urgence de la question écologique: «Depuis le XVIIIème siècle, les sciences et la culture (les humanités) ont été complètement séparées. Les scientifiques ne sont pas devenus incultes, bien au contraire, mais l’ignorance scientifique des littéraires, des juristes, des politiques et même des économistes n’a cessé d’empirer… jusqu’à présent, pour le plus grand nombre parmi les élites classiques politiques, littéraires ou juridiques, aujourd’hui largement technocratiques ou économiques, ces questions n’ont tout simplement pas compté et ne comptent toujours pas. L’idéologie productiviste… a toujours jugé dérisoire de [s‘en] préoccuper».Peu ou prou, ceci s’applique à notre pays.

Le moment est venu de changer de logiciel, d’adopter les principes d’une économie durable et d’un recyclage systématique et d’exclure de nos villes le diésel et ses particules fines à l’instar de Tokyo, d’Athènes et de Milan. Les pays scandinaves ont franchi le pas, assure M. Védrine. De plus, le fonds d’investissement souverain norvégien s’est retiré des énergies fossiles. Le Costa Rica, petit pays d’Amérique Centrale, a fonctionné en 2015 avec 99% d’électricité renouvelable. C’est donc faisable… quand la volonté politique et la conscience environnementale des électeurs sont là ! En outre, les liens entre santé et environnement  sont maintenant solidement établis par les scientifiques comme par la Maison Blanche. En diplomate chevronné, M. Védrine conseille de procéder par étapes  et éviter les décisions «punitives» quant à la question écologique car «chaque groupe humain défend avec acharnement ses habitudes et ses intérêts immédiats» notant que  le marché est aveugle tant qu’il ne sera pas réorienté par un prix élevé du carbone et qu’il ne sera pas astreint à tenir compte des coûts écologiques abusivement externalisés ni de l’amputation non comptabilisée du patrimoine naturel et que «tout cela devrait venir en déduction du PIB».

La jeunesse, la compétence et la féminisation, nous annonce-t-on, vont marquer le futur gouvernement. Un tel aéropage est de nature à comprendre qu’il nous faut construire une société tunisienne où l’économie est outil et non  l’alpha et l’oméga comme disent ceux qui ont parrainé tant de désastres au Sud. Un tel gouvernement serait bien armé pour comprendre que le bien commun l’emporte sur le profit.  Ce bien commun riche de nos plages, de nos forêts, de nos nappes phréatiques, de l’air que nous respirons, de notre biodiversité préside aussi  à nos relations sociales.  La crise écologique du pays, si elle n’est pas maîtrisée, risque de nous entraîner dans la violence et l’autoritarisme… tout autant que le terrorisme.

A Dar Eddiafa, ces vérités devraient être rappelées à tout candidat à un maroquin. Les consultations ne sont-elles pas menées par un homme auquel la question écologique parle tout autant que  «l’habitabilité» de la verte Tunisie?

Mohamed Larbi Bouguerra

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4 Commentaires
Les Commentaires
Mansour Lahyani - 09-08-2016 12:28

Ce cher Pr Bouguerra, toujours une originalité à exprimer !! Y a-t-il une incompatibilité entre la "gestation de notre futur gouvernement" et le plaidoyer de ce "grand diplomate français en faveur de l’habitabilité de la terre" ??? Généralement, on emploie cette formule lorsqu'il y a contradiction ou incompatibilité... Le Professeur se fera peut-être un plaisir de nous exposer un peu plus clairement l'antagonisme qu'il a cru déceler entre les deux actions...

Touhami Bennour - 10-08-2016 02:11

Mr. on a besoin de realiser plusieurs objectif et avant tout terminer la transition démocratique.l´environnement du pays il est urgent surtout le nettoyage des villes et des rues.mais ce qu´il nous faut c´est aussi la construction, des chantiers de toute sortes. Un pays propre est necesssaire et agreable, mais il doit aussi vu comme un pays moderne avec des constructions, des habitations, des hopitaux etc. Le probleme des produits fossils ne doivent pas nous aveugler que c´est un grand probleme et immence. N´oublions pas que la civilisation actuelle est construite grace au petrole et ca continue; les americains( et c´est la moitié du monde) voient que du petrole, que ce soit en libye ou ailleurs, pour le reste la geopolique s´en occupe comme en Syrie. Et meme les Scandinaves donnent la priorité aux emplois et au travail quelque soit le moyen. Il n´est plus permis d´être naïf, et les Scandinaves defendent avant tout leurs interêts. Actuellement il ya une campagne la plus déraisonnable qu´on puisse imaginer contre les refugiers Syriens qu´ils accusent de voler leur travail, et ils s´enfoutent carrement des droits de l´homme, et ils veulent plutôt s´en retirer de toutes ces conventions. Le prochain chef de gouvernemt tunisien doive avant tout être tunisien et non pas croire qu´il ya un people qui pense á nous ou á l´environnement quelque part . Ca n´existe pas. Les grands problèmes doivent être resolus mondialement,comme le petrole, et il faut que ca donne des resultats d´abord chez les autres.

Touhami Bennour - 12-08-2016 02:30

Le problem du rechauffement du globe depasse les preoccupations de la Tunisie.C´est une question qui interesse tous les pays et doit être resolue ensemble. La tunisie si elle est devenue propre partout, tout le people tunisien serait reconnnaissant au gouvernement. Mais moi je ne crois pas que le temps du petrole est fini. On le voit pratiquement partout. Si le gouvernement aurait l´idee de commencer a creer une autre forme d´energie. ce serait le solaire, et ce serait une excellente initiative qui pourrait donner du travail á des milllions et rapporterait des devises serieuses au pays. Voilä comment on lie la theorie á la pratiqe. Celui qui veut enlever quelque chose il doit mettre autre chose á sa place. L´Occident n´est pas fou pour faire autre chose.

ZINSMAN - 12-08-2016 05:41

L'ex NOUVEAU monde est encore habitable avec même l'Ajout de 2 milliards de bipèdes de l'ancien monde ! Ainsi allégé, l'ancien monde serait réhabilité en paix ! Tout terrien aurait alors 5000 m3 d'eau renouvelable / an sous main,( les tunisiens n'en ont que 410 m3, même pas le dixième, ce pauvre pays ne devrait loger ainsi qu'1 million) çà serait le Paradis sur terre et on peut dire adieu aux guerres et à la misère si sa Gracieuse Majesté le tolère bien-sur ?!!

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