News - 23.06.2016

Mon frère Abdelkader Mehiri!

Mon frère Abdelkader Mehir!

Le nom de Abdelkader Mehiri restera intimement attaché à l’école tunisienne de la grammaire. C’est ce que j’ai retenu au hasard d’une rencontre, à peine 48 heures avant son décès, avec un ingénieur, ancien élève d’une grande école française, grand commis de l’État et ancien ministre. Quand je l’ai informé de l’état de santé de mon frère, il m’a demandé s’il s’agissait du grammairien.

J’ai aussi découvert au cours de sa maladie l’attachement filial d’un très grand nombre de ses disciples allant jusqu’à la vénération, et leur abattement de le voir partir.

En tant que frère et au nom de la famille, je me dois de parler succinctement de l’homme Abdelkader Mehiri. Pourquoi et comment, lui qui avait les moyens intellectuels de briller dans toutes les disciplines lui permettant de suivre d’autres carrières tant prisées par ses condisciples, il a emprunté une voie peu classique. Il a su ainsi, dans le domaine des langues, exploiter son côté rationnel pour la réflexion sur la langue et son enrichissement.

Il faut souligner que notre famille, tout en faisant partie de la classe moyenne sfaxienne, descendait tant du côté paternel que maternel d’une lignée attachée à l’instruction et à la culture. Certains de ses membres occupaient des postes en vue tels que enseignant à la Zitouna ou Bach Mufti. C’est ainsi que mes deux frères et moi- même avons suivi le même cursus, à savoir les premières années au fameux Kotteb Haj Khalifa Tayari, chemin obligé de plusieurs générations de l’époque, puis deux années à l’école publique pour l’obtention du Certificat de fin d’études primaires. Dans un livre en hommage à Haj Khalifa Tayari auquel Abdelkader a contribué, en soulignant notamment l’originalité de ce Kotteb, il assurait, outre l’apprentissage par cœur de toutes les sourates du Coran, une solide formation aussi bien en langue arabe qu’en langue française.

Notre frère aîné Hammouda, lui, avait poursuivi, aprèsleKottebdeHajKhalifa, son cycle primaire à l’Ecole primaire supérieure du Collège de Sfax dont les élèves étaient français en majorité. Une fois en possession du Certificat de fin d’études primaires, il a poursuivi ses études à la Zitouna. Quant à Abdelkader, et autant que je me souvienne, un jour du mois de juin, après la Seconde Guerre mondiale, alors que je faisais mes premiers pas au Kotteb, il est rentré à la maison pour nous annoncer qu’il venait de réussir à l’examen de 6e. A part mon frère Hammouda, qui étudiait à l’époque à Tunis, personne ne savait de quoi il s’agissait et où cela pouvait mener, surtout après sa réussite quelques jours auparavant au Certificat de fin d’études primaires.

Au Collège de Sfax, il faisait partie de la deuxième promotion de la section dite «tunisienne», baptisée après l’indépendance « section sadikienne». A la fin de l’année de sa 5e, Abdelkader a informé la famille de la décision du conseil de classe de le faire passer directement de la 5e à la 3e, s’il y consentait. En évoquant nos souvenirs de famille plusieurs années plus tard, il a précisé sobrement que cette décision a été prise en raison du niveau de sa moyenne annuelle élevée en 5e. Il a ajouté en passant que ce saut de classe ne l’a pas empêché de rester premier de sa classe avec une très bonne moyenne.

Sa brillante réussite à la deuxième partie du baccalauréat en juin 1952 avait posé le problème du financement de ses études supérieures. Des notables, dont des dirigeants de l’Association de culture et d’entraide scolaire (A.C.E.S), sont intervenus pour lui procurer un poste de surveillant au lycée Carnot de Tunis.

On ne peut en effet parler de la scolarité de Abdelkader sans évoquer la fameuse A.C.E.S, dotée d’une riche bibliothèque etlieuderencontre,de rapprochement, d’encadrement et d’enrichissement mutuel, d’épanouissement et de loisir pour l’ensemble des promotions du collège jusqu’à la fin des années cinquante. Cette association représentait, durant les années quarante et cinquante du siècle dernier, un creuset où les différentes générations de l’époque recevaient un capital culturel et artistique, bref un enrichissement multidisciplinaire important. Ainsi se sont forgées des amitiés et des relations durables.

Abdelkader était discret sur ses études et ses activités académiques et de recherche. Il pensait qu’elles faisaient partie des exigences de son métier d’enseignant et de sa mission de formateur. C’est à ce titre que de nombreuses générations lui savent gré pour sa rigueur, son sérieux, son engagement pour l’excellence dans toutes les institutions où il a travaillé ou collaboré.

Dans ce cadre, ses disciples sont mieux à même de parler de sa carrière académique et de l’évolution de ses recherches linguistiques.

En tant que mari et père, et grand-père, sa femme Zakia, ses enfants Sonia, Selma et Emna sont mieux placées pour en parler dans leur propre témoignage.

Mokhtar Mehiri

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