Boujemaa Remili: Les «carthago boys»
Il y a du rififi sur la scène politique tunisienne, avec un impressionnant débarquement de ‘carthago boys’ en chemises manches courtes, jeans et baskets, roulant la mécanique du rajeunissement-modernisation, du balayage des caciques du système figé et offrant sur schéma Excel l’organigramme multipolaire du prochain gouvernement, un gadget qui nous a été présenté par Afek Tounes juste au lendemain des élections législatives et auquel nous avions accordé zéro attention. L’on savait qu’il y avait de l’atugiénisme dans l’air mais on ne pensait pas que cela était devenu aussi prégnant. Que l’on nous resserve de cette manière les plats réchauffés de l’amateurisme scolastique, cela dénote du mépris dans lequel on tient ce pays et de l’irrespect profond de ses valeurs.
Que Béji Caïed Essebsi ait l’esprit et le cœur ouverts à tous, y compris à ceux qui lui ont joué les plus sales tours, soit en le dénigrant en Tunisie ou à l’étranger, soit en étripant le parti qu’il a créé en l’amputant d’un morceau entier sur lequel a été collée l’étiquette trompeuse de ‘Nouveau projet pour remplacer le parti ancien d’où il ne fait que provenir’, soit en se présentant aux élections contre lui à un moment décisif de l’Histoire de la Tunisie où il fallait plutôt serrer les rangs que de vendre sa camelote, soit carrément en encourageant un candidat non seulement à se présenter contre BCE mais avec un scandaleux certificat médical à la main ; que Béji Caïed Essebsi donc pratique à forte dose l’ouverture et l’écoute, ce n’était pas une raison pour lui conseiller la seule chose à ne pas faire, ajouter de l’incertitude et du trouble à une situation qui n’en manque pas, sans prendre la précaution de bien suffisamment retourner la question, ses tenants et ses aboutissants et la place qu’y tient ce qui relève vraiment de l’intérêt national et ce qui se rattache uniquement au partage de la dépouille d’un Nida Tounes assassiné.
Beaucoup de gens sont restés hébétés par l’initiative présidentielle. Mais pas ceux qui ont suivi sa trop subtile trajectoire, venue de loin, de l’idée du ‘Front présidentiel’, ce qui devait entre autre permettre de remettre en selle le Machrouâa et sa Kotla Hourra, l’idée trouvant également auprès du Massar et du Joumhouri et d’autres, une écoute intéressée, en vue d’une perspective de rattrapage concernant des élections décevantes, dont aurait bénéficié abusivement Nida Tounes au moyen du vote utile. Ces réflexions, non intéressantes mais intéressées, ont également bénéficié de bonnes prédispositions d’un staff de conseil à la Présidence voulant montrer que c’est ici et pas ailleurs que se fera la pluie et le beau temps de la Tunisie, oubliant de penser que cela peut également se transformer en tempête.
Quel que soit le Gouvernement qui viendra, il ne pourra ni effacer la dette qui grève le Budget, ni annuler d’un trait les augmentations salariales, obtenues d’ailleurs avec la bénédiction du Palais, ni rouvrir les frontières libyennes, ni faire remonter l’effondrement vertigineux des prix du pétrole qui ont fait fuir les investisseurs, en rappelant au passage que le bilan de la baisse des prix de pétrole est positif pour l’économie tunisienne, ni faire revenir le tourisme à ses niveaux d’avant parce qu’il s’est effondré pour un temps, ni résoudre définitivement la question phosphatière qui renvoie au problème d’une région politiquement rebelle mais socialement sinistrée, ni booster aisément l’exportation industrielle ou amener rapidement de nouveaux investisseurs dans un climat mondial profondément morose. Que pourrait alors proposer un nouveau gouvernement ? De la sueur et des larmes, et surtout pas de sang parce que les Tunisiens n’en ont que trop donné. Et comment cela peut-il être obtenu ? A travers la cohésion sociale, mais qui reste à établir, et l’unité politique, mais qui reste à construire, sachant que le premier parti national de la Tunisie est parti en lambeaux en l’espace de quelques mois après la réalisation des succès fulgurants que l’on connait. C’est au prix d’un réalisme non menteur, d’une volonté commune guerrière et d’un esprit de sacrifice et d’abnégation qui se dresse contre les calculs égoïstes de ceux qui n’ont vu dans l’initiative qu’une aubaine pour pousser quelques pions, que nous pouvons tous dire non au fatalisme et à la résignation devant la corruption, l’inefficacité, le laisser-aller, et nous dresser comme un seul homme pour sauver notre projet, le véritable celui-là pas le factice, et parachever les objectifs de notre glorieuse révolution dont beaucoup de jeunes semblent de plus en plus enclins à en douter. Si l’on veut donner ce type d’allure à l’Initiative, alors nous ne pouvons être que d’exaltés preneurs. Mais sommes-nous capables d’ainsi la transformer ? Toute la question est là.
Boujemaa Remili
- Ecrire un commentaire
- Commenter
Bravo si Boujemaa, je suis toujours heureux de vous lire et de suivre votre raisonnement...mais il faudrait avouer qu'il y a un certain laxisme de la part du gouvernement actuel!?..,que la situation socio-économique,politique et sécuritaire ne peut attendre un dérapage non maitrisable en se contentant de solutions provisoires et aléatoires de bricolage,de colmatage et de replatrages!?...
..........parachever les objectifs de notre glorieuse révolution dont beaucoup de jeunes semblent de plus en plus enclins à en douter. Oui, Mr Jemaa , c'est plutôt une cascade évènements qui ont contribué à la genèse des problèmes actuels en Tunisie 1. Evènement du 14 janvier 2011 (ou révolution ?), tout semble confirmer qu’il s’agit d’une manœuvre qui s’intègre dans le cadre du plan de déstabilisation de la zone arabo-musulmane orchestrée par des intérêts extérieurs :l’Irak, la Syrie, la Libye, le Yemen , l’Egypte , la Tunisie, ……. et certainement bien d’autres sur la liste . Madeleine Albright l’appelait : le désordre créatif 2. Election d’une Assemblée Constituante pour 6 à 12 mois - Résultat : Prise du pouvoir pour 4 ans par un Gouvernement et un président provisoires 3. Des promesses électorales non respectées ; L’actuel 1er Ministre n’est pas originaire du 1er parti au parlement ! L’application de la nouvelle constitution a abouti à un gouvernement instable (majorité obtenue à travers une coalition), les intérêts particuliers des parties semblent bien constituer la base 4. Tourisme des parlementaires qui est contraire à l’éthique, au code de bonne conduite et qui transforme le parlement sans le vote du peuple ! La cours constitutionnelle doit statuer sur la pratique de cette démarche. Le règlement intérieur du parlement doit interdire de telles pratiques 5. Nomination, en janvier 2016, du fils de Béji, Hafedh Essebsi, au poste directeur exécutif du parti créé par son père. 6. Mr le Président de La République en reconnaissant tardivement l’échec du gouvernement actuel, propose aux mêmes parties qui ont fait sombrer la Tunisie dans l’échec, de constituer un gouvernement d’union nationale ! le probleme , c'est que tous ou la plus part des policiens sur la place ont leurs part de contribution !