Elyes Jouini : Du rêve !
On parle depuis plusieurs jours voire plusieurs semaines d’un changement de gouvernement et l’on entend de nombreuses voix appeler à la constitution d’un gouvernement d’Union Nationale.
Or ce dont le pays a besoin avant tout c’est d’un d'un projet et d'une vision. La recherche permanente du consensus avant l'action a été jusqu’à présent le catalyseur si ce n’est le moteur de la régression économique et sociale à laquelle nous assistons.
La recherche du consensus avant l'action est à la fois retour au parti unique, déni de démocratie, paralysie garantie dans l'action et inefficacité garantie dans la construction d'une vision.
C'est peut être un cliché mais cela n'en demeure pas moins un préalable car en l'absence d'un projet, on ne peut que s'étriper à l'infini sur les détails.
Ce qu'il faut, c'est un gouvernement fort de par sa détermination, c'est à dire tout l'opposé d'un programme d'Union Nationale. Un gouvernement qui pourrait afficher quelques priorités en petit nombre en s’adressant directement aux citoyens car en mobilisant les citoyens autour d’un sujet porteur, on coupe l’herbe sous les pieds des politicards réticents et on les rend responsables devant les citoyens de tout immobilisme. A l’approche de nouvelles élections, quel parti prendrait le risque de s’opposer à un programme de lutte sans merci contre la corruption ? Quel parti prendrait le risque de s’opposer à une mobilisation en force de toutes nos universités pour coacher – chacune en ce qui la concerne – ses diplômés chômeurs et les aider à remettre le pied à l’étrier ? Quel parti oserait s’opposer à une politique fiscale génératrice de justice sociale et dans laquelle les très hauts revenus et les très grands patrimoines seraient taxés de manière conséquente pour générer des ressources nouvelles pour l’Etat et pour financer, par exemple, une couverture santé universelle? Quel parti oserait s’opposer à un choc de simplification pour libérer l’investissement et libérer plus encore le citoyen du poids des procédures administratives consommatrices d’énergie et de temps collectifs?
Bien sûr, de telles réformes heurteraient violemment les intérêts d’un grand nombre de personnes et le chemin ne sera pas facile mais c’est ce que les tunisiens attendent. Et c'est parce que c’est difficile que ça ne se fera pas dans le consensus des alcôves.
Le consensus en amont est forcément un consensus mou que nous ne pouvons plus nous permettre. Il faut un gouvernement porteur d’une feuille de route courageuse et d’une vision, la vision d’un avenir auquel le citoyen moyen est susceptible d’aspirer. L'Union Nationale se fera d'elle même le jour où un tel projet porteur sera mis sur la table. Politiciens véreux et hommes d'affaires pourris tenteront de s'opposer en coulisses mais le peuple soutiendra et une majorité parlementaire se ralliera car elle n’aura pas le choix.
Populisme direz-vous ? Non, juste considération pour un peuple qui a conduit et cru en la révolution et se sent aujourd’hui floué.
Alors j’espère que le prochain gouvernement ne mettra pas des semaines à se constituer en tentant d’équilibrer les desiderata des uns et des autres. Alors j’espère que le prochain gouvernement ne mettra pas 100 jours pour annoncer qu’il va commencer à réfléchir à un plan d'action alors que le plan aurait dû être là dès le départ et que l’exécution de ses principaux éléments aurait dû être déjà entamée au bout des 100 premiers jours. Alors j’espère que le prochain gouvernement sera constitué d’hommes intègres et capables de rallier autour de leur projet et non pas d’attendre que se dégagent d’improbables orientations consensuelles. Alors j’espère que le prochain chef de gouvernement sera en mesure d’annoncer dès le départ son rêve pour la Tunisie, sa vision. Pour finir, revenons au Littré qui donne au moins deux définitions pour le mot «vision» 1. Action de viser à, de se représenter en imagination. 2. Idée folle, extravagante. Et c’est d’un mélange des deux que nous avons besoin : un avenir que l’on puisse s’imaginer en commun, un rêve assez fou pour exalter les énergies et écraser les difficultés. Car «la sagesse c’est avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu’on les poursuit».
Elyes Jouini
- Ecrire un commentaire
- Commenter
Sagesse et intelligence de Monsieur Elyes Jouini. Tous ses propos sont dignes d'intérêt. La Tunisie dort depuis trop longtemps sur les plans Economiques et Financier et doit se réveiller pour produire mieux, des biens et services, directement pour le Peuple Tunisien, qui patiente calmement sans aucune amélioration de son quotidien, ou pour l'Emploi de ses Jeunes. Romdhanekom kareem
La démocratie au pouvoir. Les principes comme la méthode doivent être tirés de la démocratie même. C'est-à-dire il faudrait un gouvernement issu des partis qui ont une certaine popularité au sein de la population et une méthode tout aussi démocratique, et c'est la majorité qui gouverne et commande. Le plan peut importe qu´il fait rêver ou pleurer, c´est l´alternance qui fera le filtrage. En Tunisie, je crois qu´on n ´est pas encore á l´étape des rêves mais de l´ordre dans ses finances et trouver un plan de développement qui donne du travail aux chômeurs, et assurer une certaine paix sociale.
Quand vous étiez ministre qu'avez-vous fait, sinon écrire et écrire? Si vous voulez aider votre pays allez en silence discuter avec les uns et les autres, comprendre les gens et les gouvernants. Ne restez pas calfeutré dans vos bureaux,à pondre des tribunes. JE Khenissi
Bravo! enfin quelqu'un qui parle d'un programme!
La sagesse est de vous proposer à la tête de ce nouveau gouvernement et à vôtre tour de vous entourer de ministres du même calibre .
Au delà de la pertinence des idées et des propos, il ne faut pas oublier que gouverner est avant tout légiférer, et à ce propos l'ARP constitue paradoxalement un obstacle majeur ! En absence de majorité claire les jeux parfois sinistres des partis politiques empêchera toute bonne volonté de gouverner et réformer le pays.
De belles paroles. Si vous croyez, comme beaucoup d'intellos tunisois, que c'est BCE qui sauvera la Tunisie, surtout avec ses compétences capables de gouverner 4 pays, là vous rêvez. La Tunisie actuelle me rappelle les affairistes mafieux Albanais qui tiennent leur pays (après le "départ" de A Khojja): l'ancien système est revenu en force depuis janvier 2015, et pour cause! Avec un pays dont le 1/4 de la population est dans la misère totale (en 2011), aujourd'hui moins de 20%, vous théorisez avec des programmes, dans les conditions normales de stabilité politique sont les biens venus, qui sont inapplicables pour une raison simple : la corruption, qui était là mais discrète, est devenue voyante et criante; en plus de syndicats non responsables...
"quel parti prendrait le risque de s’opposer à un programme de lutte sans merci contre la corruption ? ................. Quel parti oserait s’opposer à une politique fiscale génératrice de justice sociale et dans laquelle les très hauts revenus et les très grands patrimoines seraient taxés de manière conséquente pour générer des ressources nouvelles pour l’Etat et pour financer, par exemple, une couverture santé universelle? Quel parti oserait s’opposer à un choc de simplification pour libérer l’investissement et libérer plus encore le citoyen du poids des procédures administratives consommatrices d’énergie et de temps collectifs? " ..Sur Elyes Jouini ne sera pas le prochain Président du gouvernement
Sauve qui peut. Les bons mettront beaucoup de temps pour être mieux compris. Je vous invite à consulter l'un des rares documents mettant à la disponibilité du public un sérieux projet de reforme pour notre enseignement. Sur l'une des rares illustrations graphiques de ce document officiel, commandé par des visionnaires soucieux de la chute du niveau du Tunisien et révisé par les meilleurs (page 16), on apprend que la somme des fréquences dans un diagramme circulaire peut valoir 10.1%. Pour ce qui est des autres projets, on nous propose de revenir à la stratégie de ZBA en laissant seul le privé se fier à son instinct pour avoir une meilleure relance de l’économie.