Adnène Zghidi: La PME Tunisienne, au rythme de la révolution du Jasmin
Avec un tissu entrepreneurial caractérisé par le capitalisme familial, quelques 500 mille TPE/PME représentant plus de 97% des entreprises en activité opèrent en Tunisie.
Qualifiées de petites, voire très petites, ces entreprises ne souffrent pas en fait de leur taille, mais plutôt d’un ensemble de problèmes liés notamment à leur structure financière, à leur mode de gouvernance, à l’étroitesse du marché Tunisienet à un manque d’accompagnement.
En effet, la plupart des PME se caractérisent par un déséquilibre financier structurel malgré leurs difficultés à accéder au financement. Ce constat paraît contradictoire, mais illustre en fait un endettement à des taux d’enfer sur le court terme affectant leur rentabilité qui se trouve forcément compromise du fait d’une insuffisance notoire de fonds propres.
Malgré l’institution des organismes de financement telles que les SICAR et les FCPR, dont l’objectif premier est de financer l’Economie Nationale avec une véritable prise de risques, les PME tunisiennes ne profitent pas du financement ni de l’accompagnement stratégique, censés être assurés par les «PrivateEquity».
La PME tunisienne est souvent dirigée par son promoteur qui prend toutes les décisions seul. Absorbé par l’expédition des affaires quotidiennes, le promoteur n’arrive pas à consacrer suffisamment de temps pour les aspects stratégiques et de développement et n’arrive pas, faute de délégation de pouvoirs, à se déconnecter des tâches opérationnelles, auxquelles il accorde une priorité absolue. Ceci s’explique en fait par l’insuffisance de trésorerie quasi-permanente qu’il essaie de résoudre en privilégiant la production, la facturation et le recouvrement au détriment des efforts de développement.
Un changement inattendu!
La révolution du jasmin enclenchée en 2011 n’a pas été évidement sans incidence sur ces acteurs souvent vulnérables. Entre les opportunitéscréées par cet évènement historique et les menaces inhérentes à tout changement, les dirigeants des PME Tunisiennes étaient astreints à vibrer au rythme du pays et à régler leurs boussoles auxorientations dictées par les nouvelles donnes.
Insuffisamment préparées à ce changement imprévisible, certaines PME notamment celles souffrant de déséquilibres financiers structurels et d’insuffisances notoires de fonds propres, ont été très touchées par le flottement économique qui a frappé le pays tout au long de la période de transition qui a duré plus de trois années. Une menace pour les unes mais une grande opportunité pour d’autres qui se sont vite adaptées aux nouveaux contextes socio-économique et géopolitique en se positionnant sur de nouveaux créneaux, segments, marchés, niches… monopolisés jusque-là par l’ancien régime.
En effet, les opportunités nées de la révolution saisies par certaines PME et à saisir par d’autres dans divers secteurs d’activité (Franchises, concessions, privatisation d’entreprises confisquées, nouveaux marchés, nouveaux besoins-clients, nouveaux partenaires économiques…etc.),ainsi que ce vent de liberté d’action plein d’espoirs constituentun challenge sur tous les plans profitant aux PME les plus avisées.
Une nouvelle perception
Une petite entreprise doit, en effet, être perçue comme une grande entreprise au stade de «l’enfance», mais qui est destinée à grandir…
Une vision globale du potentiel des PME tunisiennes, eu égard à leur nombre et à leur emplacement à travers la république, permet d’affirmer leur apport pour l’Economie de par leur potentiel de création d’emplois et de leur support, ô combien important, pour les grandes entreprises pour lesquelles, elles servent de relais via les services de sous-traitance et de chaînes de valeurs caractérisées dans la plupart des cas, par une rapidité d’exécution à des prix compétitifs.
La proximité du site Tunisien du carrefour de la méditerranée, les nouvelles politiques de voisinage et les nouveaux partenariats économiques ne peuvent qu’être de nouveaux leviers pour les PME Tunisiennes pour qu’elles s’ouvrent sur l’international, consolident leurs positions sur le marché local et se hissent au rang des entreprises dynamiques et innovatrices, créatrices de valeurs et d’emplois.
La nouvelle perception Tunisienne de l’investissement direct étranger ne peut que réconforter les dirigeants de nos PME à la quête de partenaires stratégiques et ne peut qu’encourager les investisseurs étrangers à retenir la Tunisie en tant que destination, créant ainsi leur nouvel écosystème et leur nouveau hub pour servir les deux rives de la méditerranées et s’ouvrir sur le continent Africain en pleine croissance.
Si les dirigeants des PME,souventabsorbés par l’expédition des affaires quotidiennes etsubmergés par les tâches opérationnelles, auxquelles ils accordent une priorité absolue, veulent saisir toutes ces opportunités, ilsgagnent à remettre en question leur façon de gérer, d’agir et de piloter leurs entreprises et tirerAvantagesde l’accompagnement et de l’assistance dans la gestion et la conduite de leurs affaires.
Méconnaissant les avantages qu’ils peuvent se procurer en se faisant accompagner dans la gestion et la conduite de leurs affaires, certaines PME se livrent à leurs propres sorts en essayant de trouver des demi-solutions dont les incidences pourraient être irréversibles.
Ce constat, qui ne peut bien évidemment être généralisé à l’ensemble des PME, constitue un message pour les dirigeants des PME qui gagnent à croire en leurs potentiels moyennant une remise en question de leur façon de gérer et de piloter leurs entreprises.
Des chances de réussite
Outre la problématique du financement qui s’est amplifiée après la révolution, les tensions et revendications sociales, la flambée des prix des matières premières et l’accentuation de l’économie informelle sont autant de facteurs qui ont sensiblement affecté les PME.
Plusieurs PME ont subi des pertes d’exploitation, des vols et des pillages pendant les premiers mois de la révolution. Cette situation a amené certaines entreprises, déjà en situation précaire, à arrêter leurs activités pour de longues périodes. D’autres, ont définitivement fermé leurs portes et notamment celles qui étaient orientées vers le marché libyen, devenu impénétrable suite à l’explosion du commerce informel et à la situation socio-politique prévalant en Lybie.
En revanche, profitant des «opportunités de crise» d’autres PME ont su s’adapter au nouveau contexte en identifiant de nouveaux marchés et en procédant à une compression de leurs coûts.
Ces entreprises ont certes subi la pression des revendications salariales, mais ont réussi grâce à un encadrement stratégique rapproché assuré par leurs conseillers, non seulement à garder leur potentiel, mais à se développer davantage en exploitant de nouvelles niches de business orientées vers l’exportation, en se restructurant davantage et en instituant un monitoring régulier de leurs activités grâce à un accompagnement ciblé et rapproché assuré par des consultants spécialisés.
Ce constat ne peut que confirmer la flexibilité de la PME Tunisienne et son adaptation rapide à tout changement même imprévisible. Dotées de ressources humaines qualifiées et polyvalentes, les pronostics de réussite de la PME Tunisienne dans cette nouvelle ère ne peuvent qu’être bons surtout avec la bonne volonté qui prévaut au niveau des acteurs économiques et politiques.
Une reconsidération pour une nouvelle lancée
Le dirigeant d’une PME doit se positionner très vite par rapport à tout autrechangement brusque de l’environnement, définir le rôle de chacun, arrêter et consacrer la vision de son entreprise. Il doit s’efforcer à calmer ses équipes en les rassurant, analyser les problèmes, déterminer leurs causes, comprendre, écouter et en somme jouer son rôle de leadership.
Si la crise est beaucoup plus profonde, Il faudrait peut-être remonter au projet d’entreprise, à son business, à ses valeurs et ses «INSIDE» et à agir en temps opportun.
Par ailleurs, les PME Tunisiennes doivent se préparer pour une vague importante de transmissions devant toucher celles établies dans les années 70, période faste de l’essor de l’économie Tunisienne et dont les promoteurs sont les véritables bâtisseurs. Ces entreprises se trouvent actuellement devant une croisée de chemins nécessitant une remise en cause de leur business, de leurs stratégies et de leurs modes de gouvernance.
Les «Corporate finance services», les «transactions services» et l’ingénierie financière, sont devenus aujourd’hui des spécialités des cabinets d’audit et de conseil tunisiens qui se sont dotés de toute l’expertise nécessaire pour répondre à ces nouveaux besoins et accompagner les dirigeants dans cette phase délicate de changement, de transmission et d’adaptation.
Le potentiel des PME post-révolution devrait être mesuré à sa juste valeur en ce sens que moyennant un encadrement rapproché et un accompagnement ciblé, ces entreprises, constituant le cœur de l’économie tunisienne, recèlent un levier important au niveau de tous les secteurs d’activité qu’il y a lieu de consolider.
Adnène Zghidi
Expert-Comptable –-Consultant
Managing Partner de BDO Tunisie
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Excellente analyse et vision éclairée d'un expert qui connait les PME et l'assistance aux PME depuis les années 80. C'est ce genre d'analyste et cette maturité intellectuelle que notre économie a besoin. Maintenant, il y a un facteur que nous devons discuter et mettre sur la table pour la survie de l'entreprise, de l'initiative privée, de l'économie, du pays et pour assurer notre sécurité C'est le Rôle de l'UGTT ??? Ce rôle doit être examiné !!! Est-ce que son rôle et de faire de ce pays calme un pays anarchiste sans loi ...... c'est ce que les révolutionnaire anarchistes qui dirigent cette organisation veulent !!! En tant que consultant des PME, plusieurs chefs d'entreprises refusent aujourd'hui de grandir, d'étendre ses activités, et surtout de recruter ou d'employer car ils ont vu de toutes les couleurs ces cinq dernières années....