Economie: La débâcle de l'Etat Omniscient et Omnipotent
En octobre 2011, dans un article publié sur ce site et intitulé Economie: Coup d'Etat de l'Etat, j'écrivais; Le nouvel Etat Tunisien n’est pas le messie. Il est chroniquement incompétent en matière économique pour la prochaine décennie. Il est le principal ennemi de l’économie. La bête est libérée, elle a déjà tous les pouvoirs, prête à foncer et réaliser un massacre en endettant les générations futures."
J'avais alors fait le parallèle avec l'œuvre de Don Quichotte où un chevalier imbibé de sa personne combattait des moulins à vents devant son serviteur dénommé Sancho Panza ( qui ne pense qu'à sa panse) en chevauchant un vieux cheval que j'avais assimilé à l'administration Tunisienne.
A l'époque, je ne savais pas encore que le pays allait être dirigé par les islamistes. Je m'estimes donc en droit de m'opposer à la thèse de facilité qui les accuse de tous les maux. Les islamistes ont essayé de faire de leur mieux dans l'espoir de montrer ce dont ils sont capables. Et ils ont suivi les directives de ceux qu'ils croyaient être "Oulémas" en la matière, à savoir les "hautes compétences de l'Etat" qui, parait il, grouillaient dans notre administration et nos ministères.
Nous constatons que dans notre pays, les gouvernements se suivent avec les mêmes résultats médiocres. L'uniformité doctrinale est telle qu'il a été difficile lors des dernières élections de distinguer le programme des uns de celui des autres.
D'après un grand industriel tunisien qui a été fonctionnaire dans les années 60, jusqu'en 1967, la crème de notre système éducatif entrait dans la fonction publique. Après, c'est vers le privé qu'elle se dirigeait. J'ai pu constater par moi même qu'à partir des années 80, c'est vers l'étranger qu'elle se dirigeait. Le devoir d'objectivité nous amène à conclure que les compétences qui grouillent dans notre Etat ont été obtenues après un double écrémage. A l'opposé, l'élite Marocaine retournait pratiquement systématiquement au pays car le privé Marocain leur offrait des opportunités de retour. Et depuis quelques années, elle se voit confiée des fonctions publiques. Résultats des courses, à conjoncture mondiale égale, le Maroc progresse de plus en plus pendant que la Tunisie régresse de plus en plus.
Cela fait 5 ans que l'investissement en Tunisie est à l'arrêt. Comme l'investissement est un préalable à la production, la récession que nous connaissons n'est pas technique mais chronique. Nous n'avons pas investi dans la capacité de production qui nous permettrait de répondre à un "vent favorable". L'économie Tunisienne est à son maximum et a même été dopé par la consommation artificielle due a un pouvoir d'achat créé artificiellement par la dépense publique et autres "activités non productives" comme l'explosion du fonctionnariat.
En d'autres termes, la Tunisie ne dispose désormais d'aucun potentiel de croissance endogène à court terme. La croissance ne peut provenir que d'un choc exogène détournant vers notre pays les entrepreneurs vivant à l'Etranger (inclus notre élite en exil économique) avec des projets clés en main. Ce piratage de l'entreprenariat mondial ne peut en aucun cas être fait avec nos lois et environnements actuels. Il me parait même impossible qu'il soit initié par nos gouvernants actuels tant ils sont convaincus que la mauvaise direction actuelle est la bonne.
Quel est donc ce mal profond qui ronge la Tunisie et qui que fait l'exil des entrepreneurs suit celui de l'élite de notre système éducatif? Pourquoi la médiocrité prend t elle la place de la compétence , l'ignorance la place du savoir et l'affairisme la place de l'entreprenariat?
Comme en médecine, même si les symptômes sont visibles par tous, le diagnostic et le traitement est une science. Mais dans le charlatanisme post révolutionnaire dans lequel nous vivons, tout le monde se croit capable de faire le bon diagnostic et donner le remède miracle à notre économie agonisante. Je me permet de rappeler le mien.
La croyance est malheureusement fortement répandue que le Messie qui sauvera l'économie sera issu du clergé élevé dans les temples pharisiens de l'Etat. Et c'est naturellement que l'on se retrouve avec un grand commis de l'Etat premier ministre sous les directives du champion incontestable du prestige de l'Etat.
Les Economistes libéraux parlent de notions de Etatocratie et de Etatolâtrie. Depuis la révolution, nous vivons dans la croyance religieuse que l'Etat miraculeusement réformé va sauver le pays. Notre constitution entérine cette foi toute pieuse en l'Etat pourvoyeur en santé, prospérité, éducation, travail, justice, égalité, eau, climat et autres bonnes grâces.
Alors que la Tunisie souffre de trop d'Etat, les Tunisiens en demandent encore plus à l'Etat. Nous sommes lui, il est nous. La Tunisie est l'Etat comme le laissent sous entendre les deux premiers mots du premier article de la constitution. Nul autre refuge possible qu'en son sein. Force de constater cependant que cette constitution que nous avons façonnés à la gloire du nouvel Etat, malgré un coût qui rappelle celui du veau d'or, malgré qu'elle ait été plébiscitée en grandes pompes et festivités, semble tarder à tenir ses promesses.
D'un point de vue Etatolâtrique, les entrepreneurs, les vrais, sont des hérétiques puisqu'ils voient incorrigiblement leur salut en dehors des voies de la divinité suprême Etatique..
Qu'il en soit conscient ou non, l'entrepreneur est spirituellement rebuté par un pays vénérant un Etat qui déclare Omnipotent et Omniscient. Il sait instinctivement, voire idéologiquement, qu'un tel pays dérive vers la bureaucratie, vers le fiscalisme, vers la suppression des libertés économiques, les passe droits des proches au pouvoir et la corruption. Il suffit qu'un entrepreneur jette un coup d'œil sur la chariaa du change des devises pour qu'il s'empresse de fuir un pays pratiquant des ritualités bureaucratiques totalement archaïques et dépassées dans le monde.
Depuis la révolution, la Tunisie vie une inflation de la chariaa Etatolâtrique. Evidemment, les scribes de l'Etat qui pondent ce genre de texte sont convaincus, à chaque fois, que leur textes apportent les bonnes solutions aux véritables problèmes. Mais ce n'est que du papier qu'ils sont désormais seuls à lire. L'entrepreneur n'a pas vocation à lire une chariaa qui ne cesse de croitre et changer. Son métier est d'investir, produire et vendre. Pas de passer son temps à s'imbiber d'un "fiqh" qui ne lui est d'aucune utilité dans sa vie quotidienne et professionnelle. De plus, l'entrepreneur a aussi cette fâcheuse capacité de ressentir par ses propres facultés, tout en étant assez hermétique aux grandes messes incantatoires, que de nouvelles offrandes fiscales à l'Etat lui sont imposées. La perte de foi en l'avenir est inévitable.
Nous nous devons d'admettre que les entrepreneurs seront de moins en moins enclins à venir dans une conjoncture qui empire de plus en plus. L'Etat a besoin de plus en plus d'argent et devra rembourser plus de dettes. Une hausse de la fiscalité est anticipée. Pire, L'entrepreneur ressent une véritable dérive gauchiste avec la promotion de valeurs communistes comme l'égalité sociale et se sent incapable de gérer la nouvelle race de travailleurs Tunisiens, moins productive et plus revendicative. Pour ne rien arranger, il n'est pas rassuré par la protection offerte par la justice Tunisienne clémente avec les mauvais payeurs et toutes sortes de contrebandiers et malfrats. Ceux qui arrivent à surmonter ces obstacles finiront par être rebutés par des barrières administratives et bureaucratiques qui ne paraissent surmontables qu'à ceux qui les écrivent ou ceux qui ont leur entrées.
Les "Oulémas" dans les temples administratifs, ministériels et parlementaires devraient se rendre à l'évidence. On ne les lit plus. On ne sait plus ce qu'ils font. On a perdu la foi en leur science même si on n'en est pas encore à contester leur bonne foi.
Qu'ils arrêtent d'écrire. Qu'ils déchirent plutôt. Il y a tant de temples voués à l'Etat tout puissant à supprimer purement et simplement. Tant de rituels administratifs inutiles.
Deux théocraties dirigent conjointement la Tunisie actuellement en attendant de savoir qui sera plus Akbar que l'autre lors des prochaines élections. Tel est l'horizon visible qu'offre la Tunisie. A court terme, l'investissement ne me paraît pouvoir être qu'être opportuniste et nullement stratégique, inscrit dans une durée. La recherche de la plus value (autoentretenue) prime sur celle de la rentabilité par la croissance d'une l'entreprise.
J'espère qu'on ne me reprochera pas l'absence de solutions. Le traitement suit le diagnostic et je sais pertinemment que mon diagnostic est loin de faire l'unanimité. L'Etatolâtrisme jouant sur les peurs et les faux espoirs empêche les Tunisiens de faire le procès salutaire de leur Etat tout comme un certain conservatisme les empêche de faire le procès salutaire de leur religion. J'ai néanmoins grand espoir qu'une révolution des idées dont on ne peux faire l'économie puisse faire cesser le plus tôt possible ce flux et reflux de dogmatismes.
La liberté de choix est un fardeau bien plus lourd à porter qu'on ne le croit.
Mohamed Ben M'barek
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Bravo et merci. Merci d avoir dis le nom du mal qui nous tue tous. Je me reconnais à 1000pc dans ce texte. Ça fait mal mais beaucoup de bien.
Le diagnostic est très pertinent et positif. "Comme vous êtes vous serez gouvernés" (excusez la médiocrité de la traduction). C'est le citoyen qui est malade mais qui détient aussi le traitement.
A juste titre, cet article soulève une des questions de fonds qui sont en train de bloquer et même de miner le developpement economique du pays plutôt que de le relancer. j'invite les concitoyens que cela intéresse de consulter la nouvelle loi sur les énergies renouvelables qui vient d'être adoptée par l'Assemblee du Peuple en Mai 2015. Elle est bourrée d'une liste incroyable de contrôles et d'obstacles bureaucratiques de toute nature qui doit surmonter toute personne physique ou morale désirant investir dans le secteur et vendre l'électricité excédentaire produite à la STEG. C'est du jamais vu!