Les visiteurs de Carthage : Caïd Essebsi reçoit, écoute, consulte et laisse suggérer
Ils se succèdent au Palais de Carthage, à l’invitation du président Béji Caïd Essebsi, suscitant rumeurs et commentaires. L’audience accordée vendredi à l’ancien chef du gouvernement, Mehdi Jomaa, n’y a pas échappé. De Radwan Masmoudi, figure islamiste à Washington, à Radhi Meddeb, mais aussi Mohamed Nouri Jouini, Béchir Ben Yahmed, Hachemi Troudi, M'hammed Chaker, Marouane Abbassi, Ahmed Khaled, Mohsen Hachicha et des militants de la première heure, ils sont reçus avec égards et écoutés avec attention. Que s’y dit-on ?
D’expérience, le président Béji Caïd Essebsi sait que le pire danger qui puisse guetter un homme d’État est de se retrouver enfermé dans une bulle de courtisans qui filtrent tout et le coupe de la réalité profonde. Convivial et urbain, il ne se plait que lorsqu’il reçoit les uns et les autres, retrouve amis de longue dates et anciens collaborateurs. Hissé à la magistrature suprême, BCE ne change rien à son style, mais y apporte plus de soin. Ecouter, interroger, consulter et distiller habilement quelques messages : l’exercice, naturel et courtois, devient un mode d’emploi qui lui est propre à Carthage.
« Des moments intenses »
Lorsque le président Caïd Essebsi demande au chef du Protocole d’inviter telle ou telle personnalité à venir le rencontrer, le rendez-vous est inscrit sur l’agenda officiel auquel accède le staff présidentiel. Certains noms font partie des rituels, mais d’autres suscitent nombre de supputations. Pourquoi sont-ils invités par le Président. Déroutant, comme à son habitude, BCE prend tous de court, à commencer par certains invités eux-mêmes. Hommes politiques, vieux militants, figures indépendantes, hauts commis de l’État partis à la retraite, chefs d’entreprises, journalistes et gens de Lettres partagent avec lui d’intenses moments d’échanges. Les salutations se passent en présence des équipes TV et des photographes qui se retirent rapidement, mais le Service de Presse ne publie pas systématiquement de communiqué. Une fois les portes fermées, commence alors le « moment magique » comme le qualifie l’un des visiteurs.
Comme il est d'usage dans le protocole, la durée normale de l’entretien est fixée à 20 mn. Mais, elle peut se prolonger un peu plus, au grè de la conversation. Dans certains cas, c’est le président lui-même qui demande au Protocole d’aménager à son visiteur davantage de temps, ce qui peut aller à 30, voire 45 mn. A l’expiration du temps alloué, le chargé du Protocole va frapper discrètement à la porte. Une première fois, puis une deuxième, ouvrant discrètement la porte. L’hôte comprend et se lève. Quand le sujet est très intéressant, le président le retient pour quelques minutes supplémentaires.
"De la hauteur, loin des palabres anodines"
Les tête-à-tête de Béji Caïd Essebsi avec ses visiteurs s’élèvent toujours à de hauts niveaux d’échanges qui portent sur la géostratégie, la situation dans le pays, la région, le monde, les questions de grande acuité. Généralement, c’est le président qui ouvra la discussion, après d’aimables propos de bienvenue. Selon la qualité de ses visiteurs, il module la priorité des sujets qu’il souhaite aborder avec lui. BCE brille dans l’exposé du panorama général avant de pointer directement les sujets chauds.
Ces dernières semaines, il mentionne particulièrement la migration clandestine déferlante sur l’Europe, soulignant les bons résultats obtenus par la Tunisie dans la surveillance des côtes et le démantèlement des réseaux de passeurs. Mais, c’est la lutte contre le terrorisme et la relance économique qui prennent à ses yeux la plus grande importance. Sécuriser le pays, réduire les souffrances des Tunisiens au quotidien, en pouvoir d’achat, soins de santé, transport public, éducation des enfants, emploi, et remettre l’entreprise en marche et l’économie en croissance, s’imposent en toute urgence. Pour y réussir, l’unité nationale et le consensus politique sont indispensables, d’où la nécessité de réaliser la réconciliation nationale le plus rapidement possible et se tourner vers l’avenir. C’est ce qui vaudra à la Tunisie le soutien international. Le débat est lancé.
« J’ai dit au Préside et Sil Béji m’a dit… »
Chacun des visiteurs y va de son analyse, de ses attentes, de ses propositions. BCE écoute attentivement, relance son hôte sur un point précis, l’encourage à aller plus loin dans son analyse, lui demande des détails concrets. Au détour d’un commentaire, d’une petite phrase, il lance un message, un signe, un signal, sans trop insister, sans s’engager au-delà des principes. Chacun le captera alors ou non, le décodera pleinement ou non.
Les plus discrets, se contentent de souffler une ou deux phrases à leurs proches. D’autres s’étalent en détails : « Je ne lui ai rien caché et Sil Béji m’a dit… »
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C'est une bonne initiative, mais a t-il jugé utile d'inviter des femmes, des chefs d'entreprises, des enseignantes universitaires, des mères solides qui sont les colonnes vertébrales de la société Tun isienne ? Et pourtant ce sont les femmes qui ont été derrière son chemin à Carthage. Avec tous mes respects au Président, à ce jour, je n'ai pas vu le programme de son parti pour sortir la Tunisie de "onk ezzoujaja" comme il dit toujours et vu comment les choses évoluent dans le pays, j'ai bien peur que nous allons tous s’asseoir sur "onk ezzoujaja" et là c'est la souffrance mortelle....
Pourquoi seulement des visiteurs, pas de visiteuses ? "Mèhom ella nsa" ? Peut-être est-il trop sclérosé pour parvenir à se remettre en question.
C'est un grand commis de d'Etat, nourri au "Bourguibisme", il a par conséquent trimé au sommet de l'Etat tunisien pendant près d'un demi siècle, et sait mieux que quiconque parler aux tunisien(ne)s, et c'est l'essentiel; et comme il se dit ailleurs : "le président préside, et le gouvernement gouverne" ! Quoiqu'en disent ses détracteurs, qui, tous, ont été réglés au "sprint final" (expression utilisée dans le monde du cyclisme), ils ne faisaient pas le poids, face à un pachyderme, un vieux de la vieille...!