Opinions - 22.07.2015

Lettre ouverte à Monsieur le Chef du Gouvernement et aux départements ministériels concernés

Lettre ouverte à Monsieur le Chef du Gouvernement, Monsieur Habib ESSID et aux départements ministériels concernés

D’abord permettez-moi, Monsieur le Chef du Gouvernement, de vous formuler tous mes meilleurs voeux à l’occasion de la célébration de l’Aïd el Fitr.

Permettez-moi aussi de vous transmettre un certain nombre de doléances citoyennes.

La Tunisie est signataire de toutes les conventions internationales ou presque relatives aux droits de l’Homme, depuis la Déclaration Universelle des droits de l’Homme jusqu’aux conventions issues des différents sommets de la Terre et relatives au droit de l’environnement.

Le droit à un environnement sain est un droit fondamental de l’Homme. Il reconnait à tout un chacun le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. La Tunisie a adhéré en 2002 au Protocole de Kyoto entré en vigueur en février 2005. Le protocole de Kyoto qui constitue une première manifestation conventionnelle des droits dits de solidarité, ces droits qui auraient pour objet de tendre à une solidarité nationale. Le droit à l’environnement semble faire partie de cette troisième génération de droits. Il considère l’homme dans son rapport avec ce qui l’entoure, et avec les changements qui s’effectuent plus ou moins naturellement du fait de ses activités.

 

Aux termes du premier principe de la Déclaration adoptée par la conférence de Stockholm sur l'environnement humain, tenue en juin 1972 : «L'homme a un droit fondamental à la liberté, à l'égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être. Il a le devoir solennel de protéger et d'améliorer l'environnement pour les générations présentes et futures.» Ajoutons que l’article 24 la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981 que la Tunisie a ratifié le 16 mars 1983
affirme ce droit et proclame que : «Tous les peuples ont droit à un environnement satisfaisant et global, propice à leur développement.» L'article 24, al. 2 d. de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant engage les États à lutter contre la maladie «compte tenu des dangers et des risques de pollution du milieu naturel». De même, l'article 4, al. 1 de la Convention 169 de l'Organisation internationale du travail, relative aux peuples indigènes dans les pays indépendants, invite les États à prendre des mesures spéciales pour sauvegarder l'environnement de ces peuples. Ces aspects du droit à l'environnement, droit de toute personne d'un côté, devoir de l'État de l'autre, se retrouvent, soit ensemble, soit séparés, dans une bonne centaine de Constitutions nationales dont la constitution tunisienne du 26 janvier 2014.

 

Aussi je souhaiterai attirer votre attention sur l’état de nos villes.

Chaque fois que nous sortons de nos maisons nous devons affronter l’image de l’amoncellement de montagnes d’immondices dans les rues de nos villes. Nous sommes agressés par des odeurs nauséabondes ainsi que par des nuées d’insectes (mouches, moustiques et cafards) et autres vermines comme les rats qui y trouvent un terrain favorable à leur développement.
Nous sommes à la fin du mois de juillet et c’est la période du plein été. La chaleur entraine les remontées d’odeurs épouvantables provenant des égouts et du réseau d’évacuation des eaux usées.

Que font les municipalités? Que fait l’ONAS?

Ces services sont responsables de la salubrité publique. Les tarifs de l’ONAS pour la gestion des eaux usées sont supérieurs à ceux de l’eau potable et nous sommes en droit d’exiger de leur part une certaine qualité de service. Entre autre chose l’entretien, la désinfection et le curage du réseau d’évacuation des eaux usées. Il est inadmissible que nos maisons soient envahies par toute une armée d’insectes nuisibles et infectes qui remontent par les canalisations, que nos maisons soient assaillies par des rats ou par des moustiques dont la taille ces derniers temps est impressionnante. Sans compter que toute cette vermine peut servir de vecteurs à nombres de maladies plus terribles les unes que les autres.

 

Aussi, il est une guerre que nous devons déclarer et qui est aussi impérative et c’est celle contre la saleté et l’insalubrité dans nos villes. Il ne faudrait pas attendre que reviennent dans nos vies des maux qui ont disparu avec le monde moderne tels que la dysenterie, le choléra ou encore la peste.

Rappelons que les derniers cas, connus de peste en Tunisie remontent à la période 1907-1926, cas dus principalement aux rats. Durant cette période des régions de forte urbanisation ont été touchées : Tunis, le sud tunisien (3 foyers épidémiques), Ben-Gardane, Djerba, Kairouan, Sfax.

Le choléra lui n’a pas disparu puisque en 2014 un foyer d’infection a été détecté à Rades. Combien de morts faudra-t-il pour que les pouvoirs publics prennent les mesures qui s’imposent à nous assurer un environnement sain.

Nous sommes au XXIème siècle et le spectacle que donnent les rues de notre pays est désolant et digne du Moyen-Age. Des déchets ménagers amoncelés le long des murs des maisons, aux intersections ou sur le terreplein central des grandes artères de la capitale. Des Rats si gros que les chats en ont peur, circulent en toute impunité dans les rues et se disputent le contenu de cette manne qui leur est servie. Les insectes de toutes espèces prolifèrent. Des sangliers attirés par l'odeur des déchets ont été vus dans certaines agglomérations situées, dans la banlieue sud de Tunis en 2013, dans les rues de la Manouba en février 2014, dans certains quartiers résidentiels comme Ennasr et rien n’a changé depuis.

Déjà la conjoncture sociale a fait que notre principale ressource que constitue le tourisme a été réduite de 57%. Faut-il encore ajouter à cette cause la crainte des maladies et le dégout de marcher dans les rues ? Les montagnes d'ordures ménagères malodorantes brulant et fumant sous un soleil de plomb jetées n'importe où.

Permettez-moi, Monsieur le Chef du Gouvernement de vous demander de faire quelque chose pour remédier à cette situation et de placer tous les services et toutes les instances du pays, concernées par ce problème, en face de leur responsabilité. Faites que Tunis et les autres villes touristiques de notre pays, vitrines d'un pays ensoleillé qui, il n'y a pas si longtemps, attirait des vagues entières de touristes en manque de soleil et de plages sablonneuses redeviennent ce qu’elles étaient. Tous les espoirs de voir la Tunisie se reconstruire et devenir un modèle pour la région, sont permis. Il faudrait pour cela la volonté de tout un peuple et de toute la Nation ainsi que la mobilisation de tous les services et moyens concernés. N’attendons pas qu’une nouvelle catastrophe nous menace ou le retour de toutes ces plaies médiévales ou bibliques. La Tunisie avait une tradition ancienne d'hospitalité. Elle donnait ce qu’elle avait de mieux pour bien accueillir ses visiteurs. Elle pourrait relever ce défi et retrouver cette image. Je suis sûr que tous les tunisiens marcheraient d’une même pas s’ils avaient un guide qui les éclairaient par son action. Secouons l’arbre tant que ses fruits sont comestibles; une fois pourris, ils tomberont d’eux-mêmes mais seront immangeables.

Monji Ben Raies

Universitaire
Enseignant et chercheur en droit public
Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis

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