Hommage à ... - 22.08.2014

Said Mestiri: l'hommage du Pr Amor Chadli

Le professeur Saïd Mestiri s’est éteint hier mardi 19 août 2014.

Professeur honoraire de chirurgie à la faculté de Médecine de Tunis, il compte parmi les personnalités médicales qui ont le plus marqué la médecine tunisienne pendant les cinquante dernières années.

C’est à lui qu’ont été confiées les missions médicales délicates :

  • En 1961, il est chef de la mission médicale tunisienne pour apporter secours aux victimes du tremblement de terre d’Agadir.
  • Toujours en 1961, il se rend à Bizerte pour soigner les blessés.
  • Pendant la guerre israélo-arabe de 1967, il est chef de la mission médicale à Suez.
  • Pendant la guerre israélo-arabe d’octobre 1973, il est chef de la mission médicale tunisienne à Damas
  • Au cours de ces missions, comme tout au long de sa carrière, il s’est distingué par son sérieux, son efficacité, ses qualités humaines, professionnelles et morales.

Saïd Mestiri est né le 22 juin 1919 à Tunis.

Après des cycles primaire et secondaire à Tunis, il entreprend ses études médicales à la faculté mixte de médecine et de pharmacie d’Alger.

En novembre 1942, il réussit au concours d’externat des hôpitaux d’Alger et en octobre 1946, au concours d’internat des hôpitaux de cette même ville.

En 1948, il soutient sa thèse de doctorat en médecine devant la faculté d’Alger, sur le «Traitement moderne des brûlures».

De retour à Tunis, il s’intègre dans l’équipe chirurgicale de l’hôpital Sadiki dirigée par les docteurs Jean Demirleau, Salah Azaiez et Roger Ganem.

En 1951, il est nommé chirurgien-assistant des hôpitaux de Tunisie.

En 1956, il effectue un séjour d’études de cinq mois dans le service du professeur Soupault, à l’hôpital Saint Antoine à Paris, à la suite duquel il est chargé des fonctions de chef de service de chirurgie générale à l’hôpital Habib Thameur.

En 1959, il est promu chef du service de chirurgie de ce même hôpital.

En 1962, il effectue un nouveau séjour d’études de cinq mois aux USA, à Houston, dans le service du professeur Michael Debakey et à la Mayo Clinic, dans le service du professeur Kirklin.

De 1964 à 1966, il est désigné comme médecin directeur de l’hôpital Habib Thameur.

Dès le début de sa carrière, Saïd Mestiri a été séduit par la chirurgie. À l’époque où les possibilités thérapeutiques étaient très limitées, il trouvait dans cette spécialité le meilleur moyen de soulager les souffrances du malade.

Il convient de rappeler qu’au lendemain de l’indépendance, la pathologie tunisienne était encore dominée par les maladies infectieuses et parasitaires. Deux d’entre elles, aux complications chirurgicales redoutables sévissaient à l’époque, la tuberculose osseuse et l’échinococcose. Malgré les résultats thérapeutiques, si souvent décevants, notre jeune chirurgien focalisa son intérêt sur le traitement de ces deux affections. Il n’hésita pas à aborder directement et à curer chirurgicalement les abcès pottiques et les diverses localisations d’abcès froids, évitant ainsi, grâce à l’appoint d’une antibiothérapie spécifique à doses suffisantes convenablement réparties, la dissémination des BK et la surinfection.

Les résultats encourageants obtenus ont été présentés à l’Académie française de chirurgie à Paris, au Congrès de médecine arabe du Caire et à la Société tunisienne des Sciences médicales où il engagea ses confrères à réviser les conceptions en vigueur sur le traitement du mal de Pott.

Mais si la maladie tuberculeuse fut jugulée au bout de quelques années, grâce à des campagnes nationales de vaccination au BCG, l’échinococcose restait, hélas, préoccupante. L’intervention chirurgicale sur le kyste hydatique favorisait en effet le passage des parasites dans les voies biliaires, ce qui augmentait la morbidité et la mortalité. L’introduction des méthodes choliangiographiques et radiomanométriques et l’adoption de la périkystectomie lui permirent de réduire notablement les complications opératoires de cette parasitose. Il mérita à juste titre, d’être désigné comme membre de la Société internationale d’Hydatologie.

Cette première étape de sa carrière a été caractérisée par une activité pratique débordante, portant sur une pathologie riche et variée qui donna lieu à de nombreuses communications et publications.

Cependant, conscient que les soins de qualité réclament un personnel paramédical qualifié, il dispensa un enseignement aux infirmières des Écoles de la santé publique ainsi qu’à celles de la Croix Rouge. Là, il se découvrit une véritable vocation d’enseignant. En 1964, la faculté de médecine de Tunis venait d’ouvrir ses portes et les services hospitaliers étaient amenés à faire face aux besoins de la formation. Le docteur Saïd Mestiri quitta alors l’hôpital Habib Thameur pour occuper en 1967 un service nouvellement construit à l’hôpital Ernest Conseil, aujourd’hui La Rabta, service plus spacieux, mieux adapté à la triple activité des soins, de la formation et de la recherche et plus spécialisé dans la chirurgie abdominale et thoracique.

Il s’entoura d’une nombreuse équipe de jeunes à laquelle il communique son enthousiasme pour une chirurgie de qualité, son esprit de méthode et sa rigueur scientifique. La formation en chirurgie, plus qu’en toute autre discipline se faisant au contact d’un Maître qui vous communique sa science et sa conscience.

Après son succès au concours de Maître de Conférences Agrégé en chirurgie générale en 1969, il occupa, à partir de 1974, le poste de professeur, chef de service hospitalo-universitaire. En 1979, il est élu chef du département de chirurgie générale à la faculté de médecine et en 1981, membre du conseil scientifique de cette faculté. Au cours de cette étape hospitalo-universitaire de sa carrière, l’intérêt du professeur Saïd Mestiri se porta sur deux nouveaux domaines de recherche, l’hypertension portale et ses rapports avec les splénomégalies idiopathiques et les pancréatites aigues. Il introduisit dans son service de nouvelles méthodes d’exploration et eut ainsi l’avantage de pratiquer, pour la première fois en Tunisie, une anastomose porto cave tronculaire.

Le professeur Saïd Mestiri devait, par ailleurs, s’attacher à préciser les modalités de survenue des pancréatites aigues, souvent comme complication d’une lithiase biliaire, et à définir la meilleure attitude thérapeutique à leur  opposer.

Les travaux réalisés dans son service, notamment sur l’hypertension portale et les splénomégalies ont été présentés au cours d’une réunion de l’Académie française de chirurgie qui a tenu, dans cette optique, ses assises à  Tunis en 1978.

Ces thèmes de recherche ont permis d’alimenter de nombreuses thèses de doctorat en médecine effectués par ses élèves.

Ses travaux publiés dans des revues tunisiennes et internationales le qualifièrent également comme membre du Collège international de chirurgie pancréatobiliaire. En fait, son activité a englobé pratiquement tous les chapitres de chirurgie générale, y compris la pathologie tumorale.

Le rayonnement du professeur Saïd MESTIRI, loin de se limiter aux frontières de son pays, s’est largement étendu à l’étranger.

  • En 1961-1962, il est président de la Société tunisienne des Sciences médicales et vice-président du Conseil de l’Ordre des médecins de Tunisie.
  • Il participe activement aux travaux de la Société tunisienne de gastro-entérologie qui le coopte comme l’un de ses membres.
  • Il est membre fondateur et président de la Société tunisienne de chirurgie depuis 1973.


À l’étranger il fait partie de nombreuses académies et de sociétés médicales :

  • Membre associé de l’Académie française de chirurgie,
  • Membre d’honneur étranger de l’Académie royale belge de médecine,
  • Membre d’honneur de l’Association française de chirurgie,
  • Membre d’honneur étranger de la Société de chirurgie de Lyon,
  • Membre délégué de la Tunisie à la Société internationale de chirurgie,
  • Membre étranger de la Société égyptienne de chirurgie,
  • Membre de la Société belge de chirurgie.

Ce palmarès impressionnant est couronné par sa désignation en tant que membre associé de l’Académie nationale de médecine de France en 2012. Il est le fruit d’un labeur hospitalo-universitaire de près de cinquante années au cours desquelles il a formé de nombreux élèves, ceux-là même qui veillent aujourd’hui à la destinée de la chirurgie dans le pays, il a organisé de nombreux congrès et réunions scientifiques en Tunisie et a participé activement en tant que modérateur, président de séances ou rapporteur à des congrès étrangers.

Après sa retraite en 1985, il a continué à participer, avec ses élèves, en tant que Président d’honneur de la Société de chirurgie, aux réunions scientifiques pour y animer les débats.

Sa créativité a dépassé le domaine de la médecine pour toucher à ceux de l’histoire et de la pensée universelle.

  • Il publie en 1988 (tome 1, « Le règne »), puis en 1990 (tome 2, « Chronique des années d'exil »), un ouvrage de 557 pages sur le règne de Moncef Bey. Cet ouvrage a été réédité en 2008.
  • En 1991, il publie un livre sur le Ministère Chenik : « Le ministère Chenik à la poursuite de l'autonomie interne ».
  • L’année 1995 il dédie à la mémoire de son frère Adel son livre intitulé « Le métier et la passion. Chirurgien en Tunisie ».
  • En 1997, il fait paraître un ouvrage sur le grand chirurgien andalous du 10e siècle : « Albucassis : Abulqacim Khalef Ibn Abbès Az-Zahraoui. Grand maître de la chirurgie arabe ».
  • En 2006, c’est « Le médecin dans la cité : origines et évolution de la médecine arabo-islamique » qui voit le jour.
  • En 2011, il édite un livre sur son oncle : « Moncef Mestiri, aux sources du Destour ».

Signalons enfin que le professeur Saïd Mestiri est

  • Commandeur du Nichan Eftikhar
  • Titulaire de la Médaille de Bizerte
  • Commandeur de l’Ordre de la République
  • Chevalier de l’Ordre de l’Indépendance
  • Titulaire de la Médaille de la Santé publique

Le professeur Saïd Mestiri a toujours marché droit pour défendre les valeurs auxquelles il était attaché et pour accomplir ses engagements dans le respect de ses convictions.

Son souvenir restera gravé dans la mémoire et le cœur de ceux qui l’ont connu.

Amor Chadhli
 

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3 Commentaires
Les Commentaires
el khlifi mokhtar - 22-08-2014 09:20

Merci Si AMOR pour ce témoignage.Certes, L'Etat tunisien l'a honoré mais à ce palmarès impressionnant manque une reconnaissance internationale.Pourquoi pas un prix Nobel à titre posthume?

Monastiri. Taoufikt - 22-08-2014 11:29

Merci Si Amor, en effet Si Saïd, avec toute cette brillante carriere et ce magnifique palmarès, brillait surtout par son immense modestie, qualitê presque disparue de nos jours.

che - 29-08-2014 06:44

Said Mestiri, Amor Chadli, 2 des leaders, batisseurs qui ont construit la la santé en Tunisie. Deux hommes de bien à qui nous devons tant. Deux hommes de la Tunisie des batisseurs, celle de Bourguiba, celle des lumières

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