Opinions - 05.08.2013

Seul un grand sursaut national…

Autant de martyrs peuvent-ils suffire pour nous unir ? Tous ces assassinats perpétrés ces temps-ci et toute cette barbarie qui n’a d’égale que la sauvagerie de ses commanditaires, de ses exécutants et de leurs complices, nous interpellent au plus profond de nous-mêmes. Endeuillée, la Tunisie pleure ses martyrs, s’interroge et peine à trouver les ressorts de son sursaut. Comment se redresser contre le terrorisme odieux? Comment amener la classe politique, la Troïka au pouvoir en premier et plus particulièrement le parti majoritaire Ennahdha, mais aussi l’opposition et l’ensemble des forces agissantes, à moins d’égoïsme partisan et plus d’engagement au service de l’intérêt général et de leadership visionnaire, démocratique et moderniste. Ils se disputent tous le pouvoir sans guère se soucier de l’intérêt national.

La rupture est aujourd’hui profonde. Entretenue çà et là, divisant les rangs, opposant les uns contre les autres, jouant sur les fibres sensibles, ici la religion, et là les libertés et la démocratie. La fracture s’élargit, la facture s’alourdit. Le pays s’enlise dans une crise politique, mais aussi économique et sociale, mis à feu par un terrorisme aveugle. Les tueurs choisissent aujourd’hui leurs cibles, mais s’exerceront demain, si nous ne parvenons pas à les neutraliser, sur nous tous, sans discernement.

Dès le départ, l’arrogance des vainqueurs du scrutin du 23 octobre a instauré un climat délétère. Leur silence complice face à la montée croissante de la violence depuis les premières hordes lancées lors de la projection du film Persepolis, puis les attaques contre El Ebdellia, des mausolées, des sièges de l’UGTT, des meetings de l’opposition, l’ambassade et l’école américaines, a cultivé la violence au cœur de la société. L’autorisation des milices et autres ligues ne pouvait que conduire à la confrontation. Et l’obstination à imposer leur vision au nom de la légitimité issue des urnes a fait barrage à l’aboutissement de toute expression différente sous la coupole du Bardo.

Du coup, l’économique aux indicateurs désastreux et le social avec l’accroissement du chômage et de la précarité s’en trouvent hypothéqués. Encore plus avec l’assassinat de Mohamed Brahmi et le lâche carnage du mont Chaâmbi. Alors qu’on s’efforçait de  rattraper, durant les cinq mois qui restent de l’année en cours, ce qui a été perdu jusque-là en trouvant le levier le plus rapide et le plus efficace, en comptant sur un tourisme estival de dernière minute et une bonne arrière-saison, l’élan s’en trouve compromis. Les économistes comptaient sur un accroissement soutenu des exportations avec la reprise des flux phosphatiers et la compression des importations, notamment des prix de consommation, et les monétaristes espéraient une meilleure résistance du dinar. Les stratèges escomptaient une clarification précise de l’agenda électoral, de quoi rassurer les investisseurs étrangers et susciter de nouveaux IDE. Le rêve se brise… Pour le moment.

Tout n’est pas perdu pour autant. Cela dépend de la classe politique, à commencer par Carthage, la Kasbah, le Bardo et les partis. En écoutant attentivement les aspirations profondes des Tunisiens, en prêtant attention aux positions de l’UGTT, l’UTICA et autres grandes organisations représentatives, en rabotant les ambitions partisanes et personnelles, en rétablissant la confiance sur la base de preuves tangibles et de garanties irréductibles, en renonçant à l’arrogance et à l’esprit dominateur, en renouant les fils du dialogue, en interdisant les milices, en consolidant l’indépendance de l’appareil sécuritaire et judiciaire, en remettant le gouvernement entre les mains, essentiellement, de compétences indépendantes, en recentrant le rôle de l’Assemblée nationale constituante sur sa fonction constitutionnelle et en limitant son mandat à une échéance très proche, l’amorce d’une sortie de crise aura alors toutes ses chances effectives. Seul un véritable sursaut national, fondé sur l’esprit de compromis et hissant l’intérêt supérieur de la nation au-dessus de tout le reste, sera salutaire.

Taoufik.Habaïeb.

Tags : carthage   Chaambi   Ennahdha   La Kasbah   Tunisie   UGTT   utica  
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2 Commentaires
Les Commentaires
mounir - 06-08-2013 08:55

bien qu'un petit coup de pouce divin ne serait pas de trop, la volonté reste entre les mains des politiques et leur aspiration pour une tunisie meilleure, le peuple a perdu un peu ses repaires à cause d'eux et ne sait plus où il en est tunisien tunisien ou nahdhaouiste tunisien ou démocrate tunisien, ils ont réussi à mettre l'appartenance à une couleur avant l'appartenance à une nation (pratique moyen-orientales et moyenageuses). Et tant que le peuple n'impose pas à ses poltique de s'ouvrir au dialogue et réfreiner sa soif de pouvoir les choses irons de mal en pis. C'est peut être le sursaut national auquel nous aspirons tous dans le plus profond de nous mêmes que nous soyons X ou Y nous sommes avant tout Tunisiens.

Sami - 15-08-2013 09:14

Enfin un article équilibré qui remet dos a dos tout les protagonistes politiques. Malheureusement ce genre de propos est très rare et nous ne trouvons que des journalistes qui jettent aveuglement de l'huile sur le feux, sans vraiment savoir qu'il rajoutent un coup de pelle a un fossé qui se creuse de plus en plus entre les tunisiens, entre les gens des régions riches et les déshérités, entre les intellectuels et les moins instruits, entre l'homme et la femme, entre le chef d'entreprise et l'ouvrier , entre l'état, les politiciens et le peuple entre les parents et les enfants entre l'enseignant et les élèves, entre, entre... tout est devenu rapport de force et dialogue de sourds.

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